Marlène Derfla, conseillère prud’homale “salariée” à Saint-Pierre

Remise en cause des prud’hommes

21 juillet 2006

La syndicaliste à la CGTR et conseillère aux prud’hommes de Saint-Pierre juge ’impensable’ de réduire la durée de rédaction à trois heures. Entretien.

Les prud’hommes sont-ils une juridiction très utilisée ?

Marlène Derfla : La Réunion compte deux conseils de prud’hommes : un à Saint-Denis et un à Saint-Pierre. À Saint-Pierre, les audiences sont quotidiennes, elles sont regroupées par thème. Je sais par exemple que les affaires qui concernent le secteur du commerce sont plaidées le mardi. Les autres secteurs d’activité sont l’industrie, les activités diverses, l’encadrement, l’agriculture. Les conseillers des prud’hommes sont aussi saisis en référé, c’est-à-dire en urgence, et en jugement-conciliation.

Quels sont les types d’affaires qui sont plaidées ?

- Ce qui est le plus courant, ce sont licenciements abusifs, des heures non-payées, des salaires non-perçus, des requalifications de CDD en CDI.
Dans la majorité des dossiers présentés par des salariés contre leurs employeurs, ce sont les premiers qui gagnent. Il faut se dire que lorsqu’un travailleur traîne son patron devant les tribunaux, c’est qu’il a des éléments très solides à l’appui de son dossier.

En quoi consiste la rédaction d’un jugement aux prud’hommes ?

- Après le débat contradictoire et le jugement, les conseillers se réunissent et délibèrent. Ils passent à la rédaction du jugement qui motive leur décision. Il faut par exemple rédiger le résumé des faits, la procédure et faire la synthèse des demandes des différentes parties et des moyens de droit sur lesquelles elles s’appuient.

Peut-on réduire la durée de rédaction d’un jugement de prud’hommes à trois heures ?

- Ce n’est pas possible. En général, la rédaction d’un jugement prend au moins une matinée, et voire même bien plus qu’une journée. Nous avons souvent des dossiers compliqués, nous devons alors chercher dans les textes de loi, vérifier la jurisprudence.
Si nous ne prenons pas le temps de rédiger un jugement, il court le risque d’être remis en cause en Appel ou en Cassation.

Quelles peuvent être les conséquences d’un tel projet s’il était mis à exécution ?

- Cela aura des conséquences, tout d’abord sur tous les conseillers prud’homaux, salariés comme employeurs. Les salariés touchent déjà des indemnités inférieures à celle des employeurs...
Comment pourra-t-on justifier une absence supérieure à trois heures dans l’entreprise ? On voudra faire vite et le résultat, c’est le justiciable qui sera pénalisé puisque les motifs de la décision seront moins “solides” car rédigés plus rapidement.

Dans quelle perspective peut-on placer ce projet qui vise à limiter à trois heures le temps de rédaction d’un jugement de prud’hommes ?

- Cela ne peut que fragiliser la juridiction. Si nous n’avons plus que trois heures, pourrons-nous encore travailler correctement ?
Le Conseil des prud’hommes est une juridiction unique en Europe, elle n’a pas d’équivalent dans les autres pays européens. N’est-ce pas une des conséquences de cette volonté de nous imposer une Europe qui fait la part belle à l’harmonisation par le bas. Mais en tout état de cause, on ne peut pas laisser casser les prud’hommes.

Entretien Manuel Marchal


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