Après les annonces de François Fillon

Retraites : des mesures inadaptées à la réalité réunionnaise

6 mai 2008, par Manuel Marchal

Le gouvernement confirme sa volonté de ’réformer’. Or, si ces mesures sont appliquées mécaniquement à La Réunion, elles vont amplifier les tensions sociales. Le dossier des retraites est révélateur.

« Nous sommes dans un pays qui a pris énormément de retard. 2012, ce sera trop tard » : 1 an après sa prise de fonction à Matignon, François Fillon a confirmé sur France-Info les orientations du gouvernement. Notamment dans deux dossiers importants : les retraites et la réduction des dépenses publiques (voir encadré).
Pour les retraites, il affirme vouloir aller au bout des mesures lancées quant il était ministre chargé de ce dossier, c’est-à-dire l’allongement progressif de la durée de cotisation pour atteindre 41 ans en 2012, des mesures pour l’emploi des "seniors" et maintien de l’âge légal de départ à la retraite à 60 ans.
Pour appuyer son argumentaire, le Premier ministre indique que d’après lui, « les Français comprennent qu’il n’y a pas d’autre option, avec l’allongement de la durée de la vie, que d’augmenter la durée des cotisations ». Il indique que l’âge légal est maintenu à 60 ans.
Quant aux mesures pour l’emploi des plus de 55 ans, François Fillon compte utiliser des incitations fiscales, avec « l’augmentation des cotisations pour ceux qui ne jouent pas le jeu ».

Situation réunionnaise différente

Ces annonces appellent plusieurs commentaires.
Tout d’abord, elles ne sont guère étonnantes sur le fond. Dans le sillage de Nicolas Sarkozy, le Premier ministre met en œuvre des mesures conformes à une idéologie libérale pour tenter de changer "réformer" la société française à l’heure où cette dernière montre des difficultés pour faire face aux changements de la mondialisation, et qu’elle est confrontée aux limites d’un modèle mis en œuvre alors que la situation démographique de la France était très différente.
Sur la forme, cela passe donc au final par un allongement du temps de travail, puisqu’il faut désormais travailler plus longtemps pour avoir droit à une retraite complète. Il est important de souligner que les mesures confirmées par François Fillon s’inscrivent dans une réalité qui est totalement différente de celle de La Réunion. Élu sur la base d’un programme libéral, Nicolas Sarkozy charge le gouvernement de mettre en place une politique d’orientation libérale pour tenter de résoudre les problèmes de la France, qui ne sont pas ceux de La Réunion.
En effet, dans notre île, la situation démographique est totalement différente. À cela s’ajoute une durable pénurie d’emplois. Résultat : il est illusoire de laisser croire que beaucoup de Réunionnais auront cotisé pendant 41 ans quand ils arriveront à l’âge de la retraite, voire à 65 ans. D’ores et déjà dans notre île, la proportion de travailleurs survivant avec le minimum vieillesse est d’environ la moitié des retraités, c’est bien plus qu’en France.

À l’opposé du congé-solidarité

À La Réunion, le chômage des jeunes est également beaucoup plus important qu’en France. C’est sur la base du constat de cette situation spécifique que des propositions de l’Outre-mer en général et de La Réunion en particulier avaient débouché sur la création du congé-solidarité dans la Loi d’orientation pour l’Outre-mer.
Cette mesure permet à un salarié âgé de 55 ans d’avoir droit, sous certaines conditions, à une allocation versée jusqu’à la date à laquelle le salarié remplit les conditions pour bénéficier d’une pension de retraite à taux plein au titre de l’assurance-vieillesse du régime de Sécurité sociale dont il relève, ou au plus tard à l’âge de 65 ans.
Le salarié partant en congé-solidarité est automatiquement remplacé par un jeune travailleur à la recherche d’un emploi, âgé de moins de 30 ans.
Cette mesure a permis à des milliers de jeunes d’avoir droit à un travail, tout en garantissant aux travailleurs faisant le choix de partir en préretraite un revenu digne. Mais le congé-solidarité a été récemment vidé de sa substance par le gouvernement. Les orientations que ce dernier veut mettre en œuvre dans les retraites vont totalement à l’opposé de l’esprit du congé-solidarité. Si elles sont appliquées mécaniquement, ces mesures décidées pour répondre à une réalité éloignée de la nôtre vont amplifier les tensions sociales à La Réunion. Il sera plus difficile pour un jeune de trouver un emploi, et donc, par conséquent, d’avoir droit plus tard à une retraite digne. Quant aux Réunionnais qui sont contraints à de longues années de chômage entrecoupées de périodes d’emplois précaires, l’allongement de la durée de cotisation signifie leur condamnation définitive au minimum vieillesse. Il est donc essentiel de se rassembler pour porter et faire aboutir des propositions réunionnaises pour que chacun puisse avoir droit tout au long de sa vie à un revenu suffisant pour vivre dignement.

Manuel Marchal


Fonction publique : un gisement d’emplois à La Réunion

Concernant la fonction publique d’Etat, le Premier ministre a confirmé le non-remplacement sur le plan national d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite à partir de 2009 et soutenu l’idée d’un service minimum d’accueil dans les écoles. « Nous n’avons pas le choix, il faut réduire les dépenses de l’État pour retrouver de la croissance et retrouver l’équilibre des finances publiques », a-t-il dit. « Je ne connais pas de moyen de réduire les dépenses de l’État sans réduire en même temps le nombre des fonctionnaires », a-t-il ajouté.
Pour la fonction publique, le gouvernement prend clairement un parti, celui de faire des fonctionnaires la variable d’ajustement des dépenses publiques. C’est là aussi la mise en pratique politique d’une idéologie libérale.
À La Réunion, le taux d’encadrement est inférieur à celui de la moyenne française. Toute suppression de poste a donc des conséquences désastreuses, notamment pour les jeunes diplômés qui voient chaque année les portes de l’emploi public se refermer un peu plus.
De plus, dans la fonction publique d’État, l’État utilise depuis des années un nombre important de travailleurs précaires. C’est notamment le cas des TOS.
Tout le monde a pu constater que l’État licencie par centaines ces travailleurs qui, depuis des années, remplissent des missions qui sont assurées en France par des titulaires. Ils répondent pourtant à une demande durable, et sont parmi ceux sur lesquels le système éducatif s’appuie pour fonctionner à La Réunion.
Par ailleurs, eu égard à la pauvreté massive que connaît La Réunion, le service public a une importance encore plus grande. Diminuer le nombre de postes dans ce secteur, cela équivaut à pénaliser les plus démunis.
Loin d’être une variable d’ajustement des dépenses publiques, les services publics sont à La Réunion un véritable gisement d’emplois.
L’environnement et les services à la personne sont des secteurs identifiés comme tels par le PCR, ainsi que dans la plate-forme de l’Alliance. Ils peuvent être utilisés pour pérenniser des milliers d’emplois aidés.


Retraites : travailler plus pour toucher moins

Avec le sens de la démocratie et du dialogue social qui le caractérise, le gouvernement français a ouvert, lundi 28 avril, les négociations sur les retraites en en donnant d’emblée le résultat : d’ici 2011, les salariés devront travailler 41 ans avant de pouvoir prendre leur retraite. Compte tenu de l’allongement des études et des difficultés d’entrée dans la vie active, il sera quasiment impossible pour les générations futures de partir en retraite avec une pension complète. C’est une manière de baisser le pouvoir d’achat en en faisant porter la responsabilité au salarié lui-même (il n’a qu’à travailler plus longtemps). Pourtant, le plus souvent, les salariés se retrouvent expulsés de leur entreprise après 55 ans. Rappelons que le gouvernement, qui fait semblant de tancer le patronat sur cette question, a supprimé l’an dernier l’amendement Delalande qui permettait de taxer les entreprises licenciant les salariés plus âgés.


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