Dix questions et dix réponses sur le projet de réforme -3-

Retraites : « Le système par points permet diminuer le niveau des pensions »

15 janvier 2020, par Salim Lamrani

Dans « l’Humanité », l’universitaire Salim Lamrani répond à dix questions sur les conséquences de la réforme des retraites de Macron sur le système actuel. Un décryptage qui prouve que derrière l’étrange formule du « retrait provisoire » de l’âge pivot annoncé par le Premier ministre, c’est bien le fond de la réforme qui n’est pas acceptable.

Quels sont les risques du système à points que veut imposer le gouvernement Macron ?

Avec le système actuel, chaque actif sait à quel moment il pourra faire valoir ses droits à une pension de retraite et en connaîtra le montant. Aujourd’hui, il faut avoir cotisé 43 annuités et avoir atteint l’âge pivot de 62 ans pour partir en retraite avec une pension complète. Avec un système à points, nul ne pourra connaître le montant de sa future pension de retraite ni le moment où il pourra cesser de travailler, car la valeur du point pourra être modifiée par la majorité gouvernementale à tout moment.
François Fillon, ancien Premier ministre du Président Nicolas Sarkozy, a d’ailleurs fait preuve de franchise à ce sujet lors d’un discours devant les grands patrons français du MEDEF en mars 2016 : « Il y a trop d’hommes politiques qui jouent avec l’affaire des retraites et qui font miroiter des réformes formidables, par exemple la retraite par points. Il ne faut pas faire croire aux Français que cela va régler le problème des retraites. Le système par points permet en réalité une chose qu’aucun homme politique n’avoue : cela permet de baisser chaque année la valeur du point et donc de diminuer le niveau des pensions ».
Partout où le système par points a été appliqué, les pensions ont baissé et le taux de pauvreté chez les seniors a explosé. Ainsi, en Suède, depuis l’adoption d’un système de retraite par points, le taux de pauvreté chez les seniors a doublé en neuf ans. Le système actuel de retraites est celui qui produit le moins de pauvreté chez les personnes de plus de 65 ans. Il est actuellement de 6,5 % en France alors qu’il atteint 17 % en Suède.

Qu’en est-il du mode de calcul de la retraite dans le projet de réforme et de l’âge pivot ?

La réforme prévoit de calculer le montant de la pension de retraite non pas sur les 25 meilleures années pour le secteur privé et les six derniers mois pour le secteur public comme c’est actuellement le cas, mais sur l’ensemble de la carrière. La conséquence mathématique est que le montant des retraites baissera car on prendra en compte les périodes de chômage ou de bas salaires, notamment en début de carrière.
Par ailleurs, on annonce que l’âge pivot, âge à partir duquel on peut faire valoir ses droits à la retraite et qui est actuellement à 62 ans, sera porté à 64 ans. Or, près de 50 % des actifs qui arrivent à l’âge de la retraite actuel sont au chômage. Il y a aujourd’hui 300 000 chômeurs de plus de 60 ans en France. Quelle sera la conséquence de l’augmentation de l’âge pivot ? Les seniors au chômage n’auront pas assez cotisé pour prétendre à une pension complète. Il convient de rappeler que la candidat Emmanuel Macron avait pris un engagement solennel durant la campagne présidentielle : « Nous ne toucherons pas à l’âge de départ à la retraite ni au niveau des pensions ». Or, avec le projet de modification de l’âge pivot et l’adoption du système à points, il sera impossible de tenir cette promesse.

(à suivre)

Salim Lamrani

Docteur ès Études Ibériques et Latino-américaines de l’Université Paris IV-Sorbonne, Salim Lamrani est Maître de conférences à l’Université de La Réunion, spécialiste des relations entre Cuba et les États-Unis.
Son nouvel ouvrage s’intitule Fidel Castro, héros des déshérités, Paris, Editions Estrella, 2016. Préface d’Ignacio Ramonet.

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