Contrôle accru des demandeurs d’emploi

Sanctionner les chômeurs ne règle pas le problème du chômage

25 juillet 2005

Un décret publié jeudi prévoit notamment que le contrôle des chômeurs sera effectué dorénavant par une commission présidée par le préfet de chaque département. Il élargit davantage les sanctions contre ceux qui sont privés de travail.

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Un décret publié jeudi par le ministre de l’Emploi change la donne pour les chômeurs. Alors qu’auparavant, leurs démarches étaient contrôlées par la direction du travail, ce contrôle sera maintenant du ressort d’une commission présidée par le préfet de chaque département. Le décret donne aux ASSEDIC la responsabilité de suspendre ou de réduire, à titre provisoire, les allocations chômage, dans certains cas.
Dominique de Villepin a justifié le contrôle accru des demandeurs d’emploi et estimé qu’il fallait, dans la lutte contre le chômage, que "la responsabilité joue dans les deux sens".
"L’Etat est mobilisé, nous nous engageons extrêmement fortement dans la lutte contre le chômage (...) La contrepartie de cette action, c’est bien sûr la mobilisation aussi du demandeur d’emploi, qui doit marquer son désir, son engagement à retrouver un emploi"
, a-t-il affirmé.
Le ministre de l’Emploi demande aux chômeurs "d’accomplir de manière permanente des actes positifs et répétés en vue de retrouver un emploi, de créer ou reprendre une entreprise" et ces actes "doivent présenter un caractère réel et sérieux".

De nouvelles sanctions

Dans une interview parue samedi dans “Le Figaro”, le ministre délégué à l’Emploi, Gérard Larcher, enfonce le clou : "il est normal que le payeur ait un pouvoir de sanction, comme les caisses maladie ou famille en ont un dans le contrôle des prestations", affirme le ministre. Il précise que "tout le monde devra prendre ses responsabilités, les représentants de l’État et les préfets qui auront le dernier mot, mais l’UNEDIC aussi".
Si les motifs de sanction sont les mêmes, les “peines” sont différentes : "radiation" temporaire, assortie d’une interruption du versement de l’allocation-chômage. Cette suspension va de deux semaines à six mois, voire un an en cas de fraude. Par ailleurs, la réduction des indemnités dues au titre de la privation de travail peut varier de 20% pendant deux mois à la suppression totale en passant par une réduction de moitié pendant deux à six mois.
Quant à l’ANPE, elle devra définir un "projet personnalisé d’accès à l’emploi" pour chaque chômeur inscrit.
Le Premier ministre estime qu’il faut "faire en sorte qu’il puisse avoir tous les outils à sa disposition pour avoir un suivi personnalisé". Il fixe comme objectif deux entretiens par mois au lieu d’un tous les six mois. Mais le gouvernement compte-t-il donner les moyens humains et matériels pour que l’ANPE puisse répondre à cette mission ?

Rien sur le pouvoir d’achat

Ce décret a suscité des réactions mitigées. Le MEDEF pour sa part n’est pas satisfait, il demande que l’UNEDIC puisse prendre la responsabilité du contrôle car c’est elle qui paie, estime le président MEDEF de l’organisme paritaire. La CFDT estime que le pire est évité et que ce décret est porteur d’avancée. "Le système tel qu’il est proposé, avec la gradation des sanctions, permet aux demandeurs d’emploi de bien comprendre la nécessité de faire des démarches", indique Anne Thomas, secrétaire nationale CFDT, sur le site du “Nouvel Observateur”. Mais elle déplore tout de même que "ce qui manque dans le décret, c’est une responsabilisation des chefs d’entreprises".
La CGT et FO s’opposent à ce qu’ils dénoncent comme un renforcement de la culpabilisation des chômeurs.
Dans un communiqué, la CGT s’oppose au décret du gouvernement, "qui ne fait que rajouter de la suspicion envers des salariés qui n’ont pas fait le choix d’être chômeur". Le syndicat rappelle que "quatre chômeurs sur dix sont seulement indemnisés". Il dénonce que ce décret ne dit rien "sur le fait que la principale cause du chômage se trouve dans le manque de croissance consécutif à la politique menée de la baisse “du coût du travail” au pouvoir d’achat des salariés qui ne cesse de régresser". "80 % des offres d’emploi sont de moins de 6 mois", constate la CGT.


Un projet ressorti d’un tiroir

Interrogé par “le Nouvel Observateur”, Jean-François Kiefer, secrétaire national adjoint de la CGT-chômeurs, affirme l’opposition de son syndicat au texte.
Le décret
"ne fait que renforcer des mesures visant à dégrader la condition des privés d’emploi en donnant des pouvoirs de sanction aux ASSEDIC.
Avant, ce rôle était réservé à l’ANPE. Avec ce décret, les ASSEDIC se transforment en police. Ce projet existait vraisemblablement depuis plusieurs mois et avait été soigneusement rangé dans un tiroir le temps de la campagne référendaire.
Le contexte ayant depuis changé, nouveau Premier ministre, nouvelles priorités, nouvelles méthodes avec les ordonnances, le texte ressort de son tiroir. Mais au fond il reste le même. C’est-à-dire, un arsenal de dispositions coercitives contre les demandeurs d’emploi. Ceux-ci vont être obligés d’accepter n’importe quel emploi sous peine d’une dégradation supplémentaire de leur niveau de vie. Si on prend le texte à la lettre, avec tout le flou qui l’entoure, un ingénieur au chômage, s’il ne veut pas subir de sanctions, devra accepter un emploi de maçon si c’est la seule proposition qui lui est faite dans son secteur".


Rien sur la stabilité de l’emploi

Secrétaire confédéral de FO, Jean Coquillon voit dans le décret le prolongement de la politique libérale du gouvernement. Extrait d’une interview parue sur le site du “Nouvel Observateur”.
Le décret renforce de façon très nette, et c’était déjà dans la loi de cohésion sociale (ndlr : votée en janvier 2005), l’exercice du contrôle sur le demandeur d’emploi. On peut faire ce qu’on veut avec les sanctions des chômeurs, ce n’est pas cela qui créera de l’emploi ! Le décret parle du caractère "subjectif" du contrôle des chômeurs.
Dans la possibilité de réduire les allocations, on retrouve la subjectivité. Les gens qui sont chargés du contrôle ne sont sûrs de rien. Le barème des sanctions est mis en place pour faire pression sur les demandeurs d’emploi, et ce barème de sanction est la traduction de la subjectivité du contrôle des chômeurs.
Face à cette subjectivité, on lit à l’article 2 la description de l’offre valable d’emploi, qui tient compte du taux de salaire, de la possibilité de mobilité, mais auquel il manque un aspect : la stabilité de l’emploi. Je suis alors obligé de replacer le décret dans son contexte, avec le "contrat nouvelle embauche".


Et la responsabilité des chefs d’entreprise ?

Si par la voix d’Annie Thomas, vice-présidente de l’UNEDIC, la CFDT se dit "soulagée" et de fait approuve globalement le décret du gouvernement, elle relève tout de même une carence : les chefs d’entreprises sont déresponsabilisés. C’est ce qu’elle dit au “Nouvel Observateurs”. Extrait :
"Ce qui manque dans le décret, c’est une responsabilisation des chefs d’entreprise.
Les demandeurs d’emploi nous le disent : "Je veux bien être contrôlé, mais j’ai envoyé 50 courriers et n’ai obtenu aucune réponse !" On ne peut pas exiger d’un demandeur d’emploi de prouver qu’il fait acte de recherche, alors que des entreprises n’assument pas leurs responsabilités. Il faudrait également indiquer dans le décret que les entreprises sont tenues de respecter la loi sur les discriminations à l’embauche, racisme ou sexisme.


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Messages

  • Tout ca necessite plus d’explications... Que signifie 2H de trajet ? Est-ce de porte a porte ? Est-ce calcule en fonction d’un vehicule personnel ou en fonction des transports en commun ? Si vehicule personnel, certains devront debourser beaucoup de frais (essence, frais d’autoroute...). En plus 2H de trajet, cela ne signifie absolument rien, pour un trajet de 15km vers une grande ville, il faut compter normalement 15 minutes mais en realite cela bouchonne tellement que ca peut aller jusqu’a 1heure. Pour les transports en commun, va-t-on prendre en compte le temps d’attente des correspondences quand il y en a ?
    Concernant les 70% de son dernier salaire, c’est une belle arnaque !!! On va vous proposer un cdd de 3 mois a 70% de votre ancien salaire, soit mais la prochaine fois que vous serez au chomage apres 3 mois, ca sera 70% de quel salaire ?... 70% de 70% de 70%... on va vite travailler pou 0€ bientot !!!


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