Loïc : un jeune SDF

« Savoir rebondir »

5 septembre 2012, par Jean Fabrice Nativel

Lorsque l’on donne rendez-vous à une personne sans domicile fixe, il est certain que l’on aura à le chercher le jour convenu. Sauf exception. Pareille aventure est arrivée hier. Prévu pour le matin, l’entretien a eu lieu hier en fin d’après-midi à Saint-Denis avec ce jeune. Il a choisi le prénom de Loïc pour se confier.

Dans quelles circonstances vous êtes-vous retrouvé à la rue ?
- Je vivais dans une famille où les violences physiques et verbales étaient incessantes. Mon père et par la suite ma mère m’ont malmené. Conséquence, le bon élève que j’étais a vu semaine après semaine ses notes baisser. Je voulais devenir professeur. Ce rêve a été brisé. Je ne pouvais plus vivre dans un tel climat.
J’ai préparé mon départ et attendu l’absence de mes parents, frères et sœurs pour quitter le domicile. J’ai apporté avec moi l’essentiel : mes papiers et quelques vêtements. Je ne connaissais personne pour m’héberger. Cette première nuit, un gardien m’a proposé de dormir dans la cave. Cela s’est prolongé quelques jours. J’ai du écourter cette hospitalité pour lui éviter tout ennui.

A la rue à cause de parents violents

Ensuite, que s’est-il passé ?
- J’ai galéré tant pour manger que pour dormir. J’avais honte — même maintenant — de demander un bout de pain, des euros. J’avais peur — moins aujourd’hui — de dormir dans une voiture abandonnée ou à l’étroit sous un pont. A n’importe quel moment, on peut être attaqué, par des jeunes en particulier. Les intéressent notre petite monnaie, nos vêtements, s’ils sont en bon état.
A plusieurs reprises, j’ai été victime d’agressions. Heureusement que je sais me défendre. Sinon, le pire serait déjà arrivé. J’ai bien connu le défunt Albert Sibalo. C’était un brave boug. Lorsque l’on vit dans la rue, on doit être prêt à toute éventualité. Cela vaut pour les hommes et les femmes.

Aujourd’hui, hébergé par un proche

Aujourd’hui, quelle est votre situation ?
- Elle a quelque peu évolué. Trois fois par semaine, un membre de ma famille m’a invité à dormir chez lui. Je m’occupe de l’entretien de sa cour. Il me récompense. Cet argent me sert essentiellement à me nourrir et vêtir. Je me suis inscrit à Pôle Emploi, peut-être serai-je le bénéficiaire d’un contrat d’avenir ? Je me suis inscrit également à une formation. Mon rêve de professeur, je le garde en tête.

Optimiste

A ce sujet, votre avenir, comment vous le voyez ?
- Il m’importe de trouver le plus rapidement possible un toit et un travail stables. D’ailleurs, je suis sur la bonne voie. Ces trois années à vivre sans domicile fixe, même si cela a été difficile, ont été l’occasion d’une réelle réflexion sur moi-même. Qu’est-ce que je souhaite pour moi ? Rien n’est perdu, des personnes m’ont encouragé à rebondir. Certes, à un moment donné, je n’avais plus aucune ambition, ni motivation. Et puis je me suis dit : « Ma vie, je vais la vivre jusqu’au bout ».

« Sa pa la vi »

Parlez-nous, si vous le voulez bien, des personnes SDF que vous connaissez.
— Parmi elles, certaines se débrouillent, gardent le moral. D’autres se trouvent dans un triste état physique et psychique. Na sak i bèk la klé é sak i sombre dan la drog. Kan mi di a ou sa, sé lé ga kome tantine. Entre nous, nou kass lé kui, mé dan’d fon nou mèm, nou koné sa pa la vi.

Une question vient à l’esprit depuis le temps que l’on évoque la situation préoccupante des personnes sans domicile. Que faire pour les sortir de cette impasse ? Une chose est sûre, c’est collectivement qu’une solution doit leur être portée.

 JFN 

• Bien souvent, on entend dire un tel et un tel se sont réunis autour d’une table ronde pour trouver des solutions. Au final, rien, ou d’autres réunions. Peut-être il serait temps de s’asseoir autour d’une table carré, octogonale, etc.?


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