Rencontres syndicales de l’océan Indien

Séminaire pour une coopération régionale des travailleurs

29 juin 2005

Une dizaine de syndicats ou confédérations ouvrières de l’océan Indien, présents lors du récent Congrès de la CGTR au Port, se sont réunis en séminaire pour la coopération régionale, autour d’un axe principal de réflexion sur le rôle et l’action des syndicats dans les processus d’intégration régionale en cours. Ils se sont quittés sur une déclaration commune soulignant la responsabilité des organisations syndicales de l’océan Indien pour faire prendre en compte la situation des travailleurs dans l’évolution actuelle du capitalisme mondial.

(page 8)

Réunis en séminaire à Saint-Denis avec la CGTR et la CGT, huit syndicats des Comores, de Madagascar, Maurice et de Mayotte, ont examiné la situation du monde du travail dans les îles du sud-ouest de l’océan Indien (voir le contenu ci-après) . Ce séminaire entre dans le cadre des relations suivies qu’entretiennent les organisations syndicales de la zone, confrontées chacune à des situations particulières auxquelles elles s’efforcent de trouver des solutions solidaires. Elles s’invitent à leurs congrès réciproques et se soutiennent dans la constitution de syndicats ou confédérations, comme lors de la mise en place de la Confédération des travailleurs des Comores (CTC) ou de la CGTMa à Mayotte. Leurs actions de coopération portent sur la formation des syndicalistes, le droit du travail, les négociations, entre autres thématiques. Dans les trois prochains mois doit se tenir à l’île Maurice un séminaire identique sur les accords de Cotonou et les perspectives de lutte dans les pays de l’OI.

Mécontentement général

Lors du séminaire de Saint-Denis, un représentant du Bureau international du travail (BIT), Gabriel Djankou, directeur adjoint de la sous-région de l’OI (rattachée à Madagascar), a participé à l’ouverture des travaux.
Maurice Lamoot, ancien secrétaire général de la CGT actuellement chargé des relations internationales entre la CGT et l’Outre-mer, a apporté son conseil technique au séminaire.
"Nous nous sommes surtout attachés à des problèmes concrets", a précisé Ivan Hoareau, qui vient d’être réélu secrétaire général de la Confédération à l’issue du Congrès clôturé samedi.
"2005 est une année d’enjeux mondiaux : qu’en sera-il dans l’océan Indien, où l’on sent monter un fort mécontentement, même s’il ne s’exprime pas dans les formes familières aux syndicats des pays développés" a résumé Maurice Lamoot, de la CGT. Les questions qui se posent dans les différentes iles ne sont pas forcément exactement les mêmes mais elles dénotent toutes "un mécontentement assez général, beaucoup d’anxiété et de fortes inquiétudes" a-t-il poursuivi.

Guide syndical

Dans ce contexte, les problèmes posés aux syndicalistes portent sur les moyens de faire entendre la voix des travailleurs, de faire que "l’océan Indien ne soit pas un espace oublié" a dit Ivan Hoareau.
Dans le contexte mondial de la poussée du libéralisme, de nombreuses manifestations ont montré, depuis le sommet altermondialiste de Porto Alegre, que les forces sociales disposent aussi d’outils de lutte puisés aux grands objectifs mondiaux (voir la déclaration), même lorsque que ceux-ci sont tenus en échec par les politiques libérales. Les syndicats estiment pouvoir tenir des positions nouvelles, dans la défense des travailleurs. "La lutte contre la pauvreté, proclamée en 2000, ne peut se faire sans le travail et la dignité", a estimé le représentant de la CGT.
Parmi les rendez-vous mondiaux de cette année 2005, les syndicats de l’océan Indien vont être attentifs au prochain Sommet du G8, qui aura lieu en Ecosse, du 6 au 8 juillet ; à la suite du débat sur la réforme de l’OCM sucre (septembre-novembre 2005) et au Sommet de l’Organisation mondiale du commerce (WTO) à Hong-Kong, en décembre.
"À chaque fois, derrière, ce sont des milliers d’emplois concernés", a ajouté Maurice Lamoot.
La rédaction d’un guide syndical des accords de Cotonou, par trois grandes centrales - la Confédération européenne des Syndicats (CES), la Confédération mondiale du Travail (CMT) et la Confédération internationale des Syndicats libres (CISL) - est aussi attendu comme un point d’appui important des luttes syndicales dans notre région.

Pascale David


Déclaration de la SEKRIMA, SEREMA, FISEMA, FISEMARE, SFWU, NTUC, CTC, CGT Ma, CGT, CGTC du 28 Juin 2005

Considérant que le développement de la mondialisation néolibérale est l’expression d’une modification des rapports de classe et d’une phase nouvelle du capitalisme.

Considérant qu’au moment où l’Organisation des Nations Unies est amenée à vérifier la situation du développement mondial par rapport aux Objectifs du Millénaire pour le Développement établis en 2000, les organisations syndicales signataires ne peuvent que constater l’échec des politiques libérales au niveau national, régional et international ; qu’ainsi, l’Organisation Internationale du Travail appelle à une "mondialisation décente" et a poussé à la prise en compte de la notion "d’emploi décent" en plus des huit objectifs prioritaires des Objectifs du Millénaires pour le Développement.

Considérant que cet échec a généré des crises majeures, conflits et instabilités politiques, traductrices du mécontentement des peuples, notamment dans les Pays En Développement.

Considérant qu’aujourd’hui, différents États reconnaissent que les objectifs fixés, lutte contre la pauvreté et les pandémies, accès de tous les enfants à l’éducation, réduction de la mortalité infantile, égalité entre hommes et femmes ne seront pas atteints en 2015 ; qu’il résulte en effet des constats établis qu’au rythme actuel du développement certains objectifs fixés pour 2015 comme la diminution de la mortalité infantile ne seront pas atteints avant l’année 2165.

Considérant que les organisations syndicales signataires de la présente déclaration ont pu faire également le constat que les accords internationaux, notamment l’accord de Cotonou signé le 23 juin 2000 entre l’Union Européenne et les pays ACP, parmi lesquels ceux de la Zone Océan Indien, constitue un recul important au regard des nécessités des politiques de développement des pays ACP par rapport aux accords antérieurs dits de Lomé.

Considérant que la suppression du principe de non-réciprocité des échanges et la soumission de cet accord aux dogmes de l’Organisation Mondiale du Commerce, du Fond Monétaire International et de la Banque Mondiale ne peuvent être une réponse aux problèmes posés pour le développement des pays ACP ; que l’accord de Cotonou donne la primauté au commerce international sur la politique de coopération au développement ;

Considérant qu’en ce qui concerne la région de l’Océan Indien, la Commission de l’Océan Indien (COI) a fait elle-même le constat de la difficulté à accroître les échanges entre les pays membres ; qu’elle se pose aujourd’hui la question de son devenir dans les processus d’intégration régionale en cours ;

Considérant que, de manière générale, dans l’Océan Indien ou ailleurs, cette absence de politique pour le développement durable profite bien souvent aux seuls intérêts des multinationales ; qu’elle a été mise en œuvre en dehors de toute concertation avec les travailleurs et leurs représentants,

Considérant que, du constat de cet échec de la politique néolibérale de mondialisation, il faut en tirer la conception d’une autre politique de développement ; qu’il est nécessaire de mettre fin aux inégalités, à l’exclusion des plus faibles privés d’emploi ou rejetés dans des emplois précaires, parfois même privés du droit élémentaire leur permettant de vivre ;

Considérant que le développement durable ne peut être poursuivi sans la participation des travailleurs et de leurs représentants,

Les organisations syndicales signataires s’engagent à maintenir et à renforcer leurs liens de coopération régionale pour qu’elles s’approprient pleinement les Politiques d’Intégration Régionale afin que ces dernières s’inscrivent en opposition au néolibéralisme et visent à un codéveloppement durable.

Elles affirment que la participation des organisations syndicales dans la COI comme dans toute structure régionale est une dimension essentielle du développement durable et que la notion de bonne gouvernance implique notamment la transparence et la participation de la société civile parmi laquelle les organisations syndicales tiennent une place à part ;

Elles demandent instamment aux instances qui ont pour charge le développement de la région Océan Indien et notamment à la COI de tenir compte de l’existence de la représentation des travailleurs de la zone au même titre que de la représentation patronale.

Fait à Saint-Denis de la Réunion, le 28 juin 2005

Le Sendika Kristianina Malagasy (SEKRIMA) : Confédération chrétienne des syndicats malgaches ;
Le Syndicat Exécutant le Redressement économique de Madagascar (SEREMA) ;
La Firaisan’ny Sendikan’ny Mpiasan’ Madagascar (FISEMA) : Confédération générale des Syndicats des travailleurs malgaches ;
La Firaisamben’ny Sendikan’ny Mpiasa Malagasy Revolisionera (FISEMARE) : Confédération générale des Syndicats des travailleurs malgaches révolutionnaires ;
La Seychelles Federation of Workers Union (SFWU) : Fédération de l’union des travailleurs des Seychelles ;
La National Trade Unions Confederation (NTUC) ;
La Confédération des Travailleurs et Travailleuses des Comores (CTC) ;
La Confédération Générale du Travail de Mayotte (CGT Ma) ;
La Confédération Générale du Travail (CGT) ;
La Confédération Générale du Travail de La Réunion (CGTR).


Signaler un contenu

Un message, un commentaire ?


Témoignages - 80e année


+ Lus