Vie des gramoun

Simone s’accommode

10 mai 2011, par Jean Fabrice Nativel

500 euros ! Ce montant correspond à la retraite perçue par Simone tous les mois depuis 16 années. Rencontre avec cette gramoun courageuse.

Dès l’enfance, ses parents comptent sur elle pour donner la main à ses frères et ses sœurs. À l’intérieur comme à l’extérieur de la case, les travaux croulent. Le coup de “baliyé” passé, c’est le tour du “poulayé”. S’ajoute l’eau à “charoyé” de la fontaine publique à la maison. Elles ne sont pas de tout repos ses journées. Et par la suite de moins en moins, visez un peu.

Plus de 25 ans de travail, sans être déclarée

À l’adolescence, un gros propriétaire l’embauche pour travailler dans ses champs de canne à sucre : lors et hors période de coupe. Ne croyez surtout pas que le terme embauche signifie déclaration auprès de la caisse agricole. Loin de là ! D’ailleurs, la couleur d’une fiche de paie, la journalière ne la verra pas avec cet exploitant. Inutile de la lui demander, sa réponse est catégorique « c’est ça ou rien ».

Avec courage, elle coupe la canne. De grand matin, elle se trouve sur le domaine à dépailler, couper, « charoyé », entasser. Entre temps, « monsieur » scrute le travail accompagné de remarques. Gare à vous s’il vous vient à l’esprit de lui répondre. « Je me retenais, j’avais déjà une famille à nourrir », se souvient-elle.

Une retraite à taux plein !

À l’âge de 35 ans, « j’apprends qu’une école embauche ». Ne sachant, ni lire, ni écrire, elle hésite à postuler. Encouragée par ses proches, elle se lance. Sa candidature est retenue pour un entretien qu’elle satisfait. Dorénavant, elle veille sur les enfants le matin avant leur entrée en classe, le midi après le repas et à 16 heures au moment du goûter.

Jusqu’à l’âge de 60 ans, elle choie les bouts de choux. Ce qui n’est pas pour lui déplaire puisque son enfance, elle l’a « sacrifiée ». À leur égard, elle est très attentionnée, elle leur apporte amour et tendresse. Nombreux se souviennent d’elle.

Un quotidien « difisil »

Évoquons avec Simone son quotidien. Chaque mois depuis 16 ans, une retraite à taux plein du fait de ses 8 enfants lui est versée. Tenez-vous bien, elle s’élève à 500 euros — seulement ! Une analyse de l’INSEE et du CESER de La Réunion (n°184 – mai 2011) sur les “Niveaux de vie des personnes âgées en 2008” (1) révèle que “plus de la moitié des personnes âgées de 65 ans et plus ont un niveau de vie mensuel compris entre 633 euros, montant du minimum vieillesse, et 1.000 euros” (…) “Malgré les minima sociaux, 51%, soit 32.100 personnes âgées ont un niveau de vie inférieur au seuil de pauvreté nationale, fixé à 911 euros”.

Une question à Simone : « Mais comment faîtes-vous pour subvenir aux besoins de la maison ? ». Sa réponse : « lé difisil ». Des 500 euros, elle soustrait le montant des factures (eau, électricité, téléphone...), des impôts, de la mutuelle, de la nourriture… Résultat : il lui reste quelques euros.

Heureusement que sa demeure lui appartient, l’un de fils qui vit à proximité d’elle et l’une de ses filles qui vit chez elle — tous deux bénéficiaires du Rmi — l’aide à honorer certaines dépenses. Point de crédits à rembourser aussi.

Malgré tout, faire des économies

Elle a pris la décision d’opérer des économies d’énergie. Avec la mise en place d’un chauffe-eau solaire — dont elle attend la déduction d’impôt —, Simone achète moins de bouteilles de gaz.

Si d’un côté, on ménage les dépenses, de l’autre, peine perdue. En effet, le prix des produits de consommations courantes ne cesse de s’envoler. Celui des carburants plombe la vie de nombre d’entre nous. Pour preuve, le mois dernier, la voiture de sa fille est restée à l’arrêt. Commencer et terminer le mois devient de plus en plus difficile. Simone n’est pas la seule à le constater et à le déplorer.

En conclusion, avec 500 euros mensuels, Simone accommode. L’avenir de sa fille l’inquiète. Formée, elle ne décroche pas d’emploi ?

J.-F.N. 


Marie Noémie : « Koi ou vé nou fé, nou fé avèk » !

Évoquons le quotidien de Marie Noémie ! Elle n’est pas retraitée mais suite au décès de son mari, elle perçoit la moitié de sa retraite, soit environ 600 euros. Précédemment, une allocation de 100 euros lui était attribuée. Elle ne pouvait prétendre à plus lui a-t-on appris puisqu’elle a « désoté le plafond ».

Durant toute sa vie, elle a travaillé. Elle a gardé des enfants, récupéré, lavé et repassé le linge, entretenu les maisons et les jardins… Sauf qu’aucun de ses employeurs n’a voulu la déclarer. Quand, elle les a sollicités pour la régularisation de sa situation, leur réponse a été cinglante, « on aurait trop à dépenser ». Voilà qui est ingrat.

Par bonheur, elle est propriétaire de sa maison et son fils… handicapé occupe un emploi à mi-temps. Il participe à sa manière à certains achats et une somme lui est déposée sur son compte épargne. L’addition des revenus de cette famille avoisine les 1.100 euros mensuels. “Lorsque le sénior vit au sein du ménage avec une personne en emploi, les niveaux de vie s’élèvent sensiblement”, souligne l’étude de l’INSEE et du CESER de La Réunion.

Elle tente de faire des économies. Tantôt, elle cuisine au feu de bois, tantôt, au gaz. Elle élève coqs, poules, canards, lapins. Excepté que le prix des aliments pour animaux augmente. « On ne fait plus de fantézi », constate-t-elle. À l’occasion, elle invite des proches.

Elle se rappelle du temps où elle revenait de la grande surface avec “soubik” et sachets pleins à craquer. Désormais, ce n’est plus le cas. Seule la “soubik” reste garnie. Sur les fruits, les légumes, le riz, la viande, les produits laitiers, etc. — en bref sur les besoins indispensables —, on relève une explosion — au sens figuré — des prix.

« Koi ou vé nou fé, nou fé avèk », confie-t-elle résignée.

J.-F.N.

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