Annonce du salaire minimal à 1.500 euros bruts, soit 850 euros bruts pour un temps partiel subi

SMIC : Une revalorisation minimale nécessaire

14 février 2007

Dans le contexte réunionnais marqué par la vie chère et le développement du temps partiel subi, la hausse du SMIC est une nécessité. Mais 20% de plus sur un revenu à 3 chiffres, est-ce suffisant pour que tous les travailleurs puissent vivre dignement de leur salaire ?

Le SMIC à 1.500 euros bruts : cette annonce par la candidate socialiste a suscité des réactions à La Réunion. Dans son discours prononcé dimanche dernier, devant quelques milliers de personnes, dans un parc des expositions de la banlieue parisienne, Ségolène Royal s’est en effet engagée à faire appliquer une hausse du salaire minimum touché par un salarié à temps plein. Montant de la hausse : 246 euros brut. Pour les dizaines de milliers de Réunionnais contraints à subir le temps partiel, cette hausse est inférieure, elle s’élève, pour un travailleur à mi-temps sur un emploi "aidé" effectuant 20 heures par semaine, à 144 euros en plus sur un salaire brut de 716 euros.
Par ailleurs, la candidate du PS ne s’est pas engagée à fixer une date butoir pour la mise en œuvre de cette mesure en cas de victoire à la présidentielle. Un seuil de 1.500 euros bruts pour un temps plein qui sera sans doute atteint avant la fin du mandat du prochain Président, si l’inflation se maintient au même taux en France et si le mode de calcul du salaire minimal n’est pas changé.

Fronde patronale

Si, pour les syndicats, le financement d’une telle mesure est possible, le patronat ne l’entend pas de cette oreille. Il emploie 2 arguments. Pour Jean-Pierre Haggaï, le porte-parole du MEDEF, une hausse du SMIC à 1.500 euros, « c’est la fin des créations d’emplois dans les entreprises, moins de compétitivité... » ("Le Quotidien" du 13 février 2007). Et de rappeler que, selon ses chiffres, cités par "Le Quotidien", le salaire minimal a augmenté de 17% en 3 ans. Le SMIC brut à 1.500 euros se traduit, lui, par une hausse de 20% qui, selon l’annonce de la candidate socialiste, se fera « le plus tôt possible ». Une hausse de 20% qui aurait « des conséquences catastrophiques sur le long terme pour le monde économique », selon Pascal Thiaw-Kine, dirigeant de la CGPME locale.
Or, il est difficile d’envisager qu’une telle mesure s’applique brutalement, sans étalement, au lendemain du 2ème tour de l’élection présidentielle. Ce qui permet d’amortir cette hausse. Par ailleurs, la hausse du SMIC de 17% sur 3 ans, pour reprendre le chiffre du porte-parole du MEDEF-Réunion cité par "Le Quotidien", s’est-elle traduite par « la fin des créations d’emplois dans les entreprises » et autres suppressions d’emplois ? A-t-elle eu des « conséquences catastrophiques » ?

Chantiers à venir

17% de hausse du SMIC en 3 ans n’ont pas empêché le maintien du dynamisme économique et des créations d’emplois, même si cela ne suffit pas pour faire reculer significativement le chômage de masse. Alors 3% de plus ! D’autant plus que les perspectives sont favorables, avec, entre autres, la création assurée d’environ 25.000 emplois dans le BTP. Force est de constater que ce n’est pas une hausse du SMIC qui empêchera ces recrutements, puisque la contribution de tous ces travailleurs sera la condition de la construction de ces 2 équipements structurants. Deux ouvrages qui, rappelons-le, représentent un investissement de 2 milliards d’euros. Deux milliards d’euros qui profiteront au mieux aux entreprises réunionnaises selon la volonté affichée par la Région. Ceci, de fait, affiche une lisibilité certaine pour des patrons réunionnais qui bénéficieront pendant plusieurs années de fonds publics pour faire tourner leurs entreprises et payer leurs salariés.
Le financement garanti des grands chantiers pour les 10 ans à venir vient à point nommé pour poser à nouveau la question des salaires. Nul doute que la construction de la route du Littoral et du tram-train seront l’occasion de réfléchir à un plus juste partage des richesses créées dans les chantiers.

Manuel Marchal


Un calcul inquiétant du MEDEF

Dans "Le Quotidien" d’hier, le porte-parole local du MEDEF propose de nouvelles règles pour le calcul du SMIC. Son montant ne serait plus décidé par le gouvernement, mais « par une commission indépendante, et en fonction des gains de productivité réalisés par les salariés les moins qualifiés ». Ceci aurait pour conséquence de faire sortir le SMIC du cadre de la loi d’une part, et d’autre part, de ne plus prendre en compte l’évolution du coût de la vie dans le calcul du montant du salaire minimal. Qu’adviendra-t-il, en effet, si la revalorisation liée aux gains de productivité est inférieure à l’inflation ?


1.500 euros, est-ce suffisant ?

Au-delà de ce débat sur le montant du SMIC, se pose la question des revenus à La Réunion, des salaires trop bas et de l’inadaptation à la réalité locale du mode de calcul des minima sociaux. Lors de la dernière augmentation du SMIC, le gouvernement avait expliqué le mode de calcul :
« Le SMIC est revalorisé en tenant compte de l’évolution de l’indice des prix à la consommation (hors tabac) des ménages urbains dont le chef est ouvrier ou employé, augmenté de la moitié de l’évolution du pouvoir d’achat du taux de salaire horaire de base ouvrier (SHBO) ».
Pour l’indice des prix à la consommation (hors tabac), le gouvernement précisait qu’« entre mai 2005 et mai 2006, les prix à la consommation (hors tabac) des ménages urbains dont le chef est ouvrier ou employé ont augmenté de 1,9% ».
Par ailleurs, le gouvernement affirmait que « de mars 2005 à mars 2006, le taux de salaire horaire de base ouvrier a enregistré une hausse de 3,1%, alors que les prix ont progressé de 1,4% au cours de la même période, soit une augmentation du pouvoir d’achat de 1,7%. La moitié de cette augmentation du pouvoir d’achat du SHBO s’établit donc à 0,85% ».
Sur la base de toutes ces données extraites de la situation en France, l’application des textes autorisait une augmentation à minima de 2,75%, à laquelle s’est ajoutée un “coup de pouce” de 0,3%, soit au final, d’après le gouvernement, 3,05%.
Or, cette hausse ne faisait pas le compte face à une inflation de 3,2% à La Réunion. Ce qui fait que l’an dernier, la revalorisation du SMIC s’était traduite, pour les travailleurs réunionnais percevant un salaire fonction de cet étalon, par une perte de pouvoir d’achat, car la revalorisation ne couvrait pas la hausse des prix.
Cela amène à s’interroger sur le fond de l’annonce de Ségolène Royal : 1.500 euros, est-ce suffisant pour le SMIC perçu par un travailleur à temps plein ? Autrement dit, pour un travailleur à temps partiel effectuant 20 heures par semaine, 850 euros bruts permettent-ils de vivre dignement à La Réunion ? Force est de constater qu’avec la vie chère et la hausse constante du prix de l’immobilier, se loger et se nourrir devient chaque jour plus difficile pour la majorité de la population. Prendre en compte des données réunionnaises pour le calcul du SMIC à La Réunion, c’est l’occasion d’aller vers davantage d’égalité entre les travailleurs résidant en France et les Réunionnais en établissant une égalité dans le pouvoir d’achat.


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