Agents non-titulaires de la Fonction publique territoriale à La Réunion

Sortir du clientélisme par la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences

30 octobre 2006

À quelques mois des prochaines élections, où en est-on sur la question des 11.000 agents communaux non-titulaires ? Divergences autour des 35 heures, manque de dialogue social, gestion prévisionnelle des emplois et des compétences... le point avec Alain Mani, secrétaire général du syndicat INTERCO de la CFDT.

Où en est le dialogue social dans les 24 communes ?

Alain Mani : Malheureusement, nous ne pouvons que constater l’absence de dialogue social dans la plupart des communes. Malgré l’intégration, combien de communes ont mis en place et font fonctionner une commission administrative paritaire pour gérer les non-titulaires ? De par sa composition, cette commission permet des rencontres régulières entre la direction de la Mairie et les syndicats. Elle permet une visibilité, notamment pour les questions de passage d’échelon. Sans cette commission, le maire fait ce qu’il veut.

Quel autre point illustre les difficultés de communication des municipalités avec les organisations syndicales ?

- Il est bien difficile pour nous d’avoir accès au bilan social. La loi fait obligation à une municipalité de communiquer un bilan social tous les deux ans. Ce document rassemble tout ce qui touche au fonctionnement : effectif communal, nombre de contrats aidés, compte des heures supplémentaires et des accidents du travail. Le bilan social permet aussi de surveiller l’application des 35 heures, et de faire le point sur la politique de l’emploi de la commune avec les travailleurs handicapés. Cela permet de déterminer le nombre de personnes handicapées que la collectivité doit embaucher pour respecter la loi. Or, des Mairies préfèrent payer une amende plutôt que d’employer des travailleurs handicapés, alors que ces derniers sont capables de remplir des missions d’agent administratif.
Le bilan social permet de voir l’évolution de la collectivité. Pourquoi des maires ne le font pas ? C’est une volonté manifeste de ne pas communiquer avec les organisations syndicales.

S’appuyant sur la transposition d’une directive européenne, des maires font signer des CDI à des agents communaux non-titulaires, est-ce une solution ?

- Pour nous, le CDI n’est pas applicable aux journaliers communaux car il a été créer pour résorber la précarité qui touche les personnels de catégorie A. Il ne peut donc pas être légalement appliqué aux agents non-titulaires relevant de la catégorie C comme peuvent l’être les journaliers communaux. À Saint-André, des contrats sont signés depuis le 1er janvier. Dès que nous aurons de tels contrats entre les mains, nous les déférerons devant la juridiction compétente.
Nous luttons pour l’intégration, sur la base de la fonction publique territoriale de Métropole, avec perspective de carrière, reprise de l’ancienneté au trois-quarts, et supplément familial de traitement. Nous ne sommes pas pour l’application mécanique des 53% de surémunération, mais pour une solution négociée. Malheureusement, une circulaire préfectorale a fait capoter cette négociation avec l’annonce de l’application du CDI à La Réunion.
Depuis 30 ans, les journaliers communaux sont les rouages indispensables des collectivités, or beaucoup n’ont que des contrats verbaux. L’intégration est une réelle avancée sociale et humaine, ce n’est pas le cas du CDI. Malheureusement, elle n’est réalisée que dans 13 communes, soit pour environ 5.800 travailleurs sur 11.000. Là où il n’y a pas d’intégration, il n’y a pas non plus de supplément familial de traitement, alors que le SFT est obligatoire depuis 1993.

Quels autres éléments peuvent améliorer la rémunération des travailleurs précaires des communes ?

- L’application des 35 heures a été une occasion ratée, surtout pour les plus précaires, ceux qui connaissent le temps partiel subi. Cela concerne 35 à 40% des agents qui reçoivent un salaire allant de 400 à 800 euros par mois. La loi sur les 35 heures améliore beaucoup la situation pour les agents en temps partiel contraint puisque le salaire devrait être maintenant calculé sur la base du SMIC pour 35 heures hebdomadaires, et non plus sur 39 heures. Ainsi, un agent travaillant 20 heures par semaine devrait voir son salaire horaire augmenter. Alors que la durée légale du travail est de 35 heures par semaine, les salaires des temps partiel contraints sont calculés sur la base d’un temps complet à 39 heures hebdomadaires. Si la base de calcul était 35 heures, le salaire des plus précaire augmenterait de 10%, ce qui est loin d’être négligeable quand on ne gagne que quelques centaines d’euros par mois.

La prochaine campagne électorale va-t-elle voir une multiplication des pressions à l’encontre des agents non-titulaires ?

- Pour certains, la peur est là. Mais on peut dire que les mœurs ont évolué. Avant, on procédait à des licenciements par charrettes, ce n’est plus le cas sauf rares exceptions comme on a pu le voir en 2001 à Saint-Louis et à Sainte-Rose. Quand le mal est fait, le tribunal donne raison à l’agent injustement licencié. Mais il arrive que la maire fasse appel, n’applique pas le jugement. Cela peut durer 4 ans, 4 ans de procédure pendant lequel l’agent est sans salaire, 4 ans de misère, de désespoir. C’est là-dessus que mise le maire qui licencie au lendemain d’une élection, il essaie de gagner à l’usure.

Que proposez-vous pour améliorer la gestion du personnel communal ?

- Nous souhaitons que l’ensemble des collectivités se dote d’une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC). C’est un outil qui permet des embauches réfléchies et qui évite tout clientélisme. Car nous relevons une contradiction quand un maire parle de pléthore de personnels, alors pourquoi embauche-t-on ?
Mais n’oublions pas que pendant des années, l’État a fermé les yeux sur le dossier des journaliers communaux car les maires se sont substitués à l’État pour créer des emplois.

Entretien M. M.


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