2007-2009 : relance de la Politique de la Ville

Sous le signe de la cohésion sociale urbaine

12 décembre 2006

Initiée au plan national dans les années 80 et déclinée au plan local, la Politique de la Ville a pour objectif de « viser au rattrapage économique et social des quartiers les plus défavorisés » par le biais de différentes actions liées au domaine de l’éducation, du logement, de l’emploi. Animée par l’État en lien avec les collectivités et les associations, sa relance en 2007 se fera sous le signe de la cohésion sociale, ambition gouvernementale qui aura à affirmer sa déclinaison au plan local.

« Par manque de méthodologie précise », Franck Olivier Lachaud, Secrétaire général de la Préfecture, atteste de la difficulté de dresser un bilan précis de la Politique de la Ville sur la période précédente 2000-2006, soulignant que sa relance ne fera pas l’objet d’un bilan annuel mais d’une évaluation à mi-parcours.

« Conforter le lien social »

Difficile d’estimer donc la pertinence des 400 actions annuelles engagées sur 12 communes de l’île, autour des 4 grands principes retenus : conforter le lien social, développer la formation initiale et continue dans les quartiers, accentuer la création d’activités et d’emplois ; promouvoir une ville adaptée aux réalités de La Réunion.
Dans le tableau de bord d’évaluation réalisé en 2005 par l’AGORAH, l’Agence relève en effet « la difficulté de mobiliser, de façon continue, certaines sources de données (...). C’est le cas depuis 2002 de l’éducation en milieu ouvert, des tests d’évaluation des apprentissages fondamentaux, des emplois et de la production des logements sociaux ».
Le bilan global montre néanmoins que les distorsions géographiques et les inégalités entre les territoires en termes d’offres éducatives se sont amoindries.
Invité à étoffer ce constat par l’exemple, Franck Olivier Lachaud note que grâce au Contrat de Ville, le décrochage urbain de Piton Saint-Leu a pu être évité et que « la solidarité sociale » a joué un rôle important dans la commune du Port.
Grâce encore au Fonds de Participation des Habitants, des actions culturelles telle que le Dipavali ont permis de recréer un lien social dans certaines localités. Certes des difficultés de montage et de suivi ont marqué la mise en place des chantiers d’insertion, mais marqués par « la rentabilité sociale », ils seront pérennisés avec une enveloppe supplémentaire pour les communes. Comme le souligne encore le Préfet Pierre-Henry Maccioni, « la Politique de la Ville, c’est la volonté partagée de conforter le lien social ».

« L’Etat ne se désengage pas, là non plus »

Face à l’ampleur des besoins locaux en matière d’emploi, de logement ou encore d’éducation et compte tenu de la fragilité des finances communales, la Politique de la Ville demeure néanmoins un outil de soutien nécessaire aux collectivités. Inutile pour certains, indispensable pour d’autres, selon le Préfet, « la Politique de la Ville, même si elle est critiquée et ce, quel que soit le gouvernement, on ne peut s’en passer ». Et dans la continuité des actions déjà engagées (Contrats Locaux de Sécurité et dès lors aussi de Prévention de la Délinquance ; Opérations Ville Vie Vacances ; Adultes Relais...), il convient désormais d’affirmer la dimension de cohésion sociale de la Politique de la Ville.
Comme préconisée par le Comité Interministériel des Villes de mars 2006, sa relance doit en effet être axée sur le développement de la cohésion sociale dans les quartiers en difficulté. Et le Préfet de souligner que le doublement des fonds versés par l’Etat dans cet objectif (7 millions d’euros hors ANRU) démontre que « l’Etat ne se désengage pas, là non plus ».
Face à la croissance démographique et aux retards structurels dont souffre La Réunion, le réajustement de l’enveloppe nationale peut s’expliquer et rappeler qu’il doit être complété par la participation de financeurs de droit commun. Concrètement, qu’est-ce qui va changer ? En premier lieu, le choix des thématiques choisies comme prioritaires par l’Etat : habitat et cadre de vie ; réussite éducative ; emploi-insertion ; santé-citoyenneté ; prévention de la
délinquance.


LOGEMENT

Penser globalité plus que financement

Dans les faits, on ne parlera plus désormais de Contrat de Ville mais de Contrats Urbains de Cohésion Sociale (CUCS) sur 2007-2009. 14 CUCS seront engagés ou poursuivis dans 40 quartiers d’intervention (soit 6 de moins que pour la politique précédente), avec toujours 15 ZUS et 2 Zones Franche Urbaines.
Au-delà du choix stratégique de la terminologie, ces nouveaux contrats devraient permettre une plus grande centration géographique et thématique des projets et une cohérence accrue avec les textes nationaux de la loi de cohésion sociale.
Pour Paul-Henry Maccioni, il faut « renforcer la mixité sociale, le développement à l’accession et la lutte contre la dégradation des co-propriétés. Il faut désenclaver les quartiers, réhabiliter les logements, créer un environnement de qualité, requalifier les espaces de proximité et de voiries, permettre l’insertion par l’emploi dans les Zones Urbaines Sensibles (15 à La Réunion contre 900 en Métropole)... ». Les chantiers ne manquent pas. Les CUCS doivent selon lui « amener les collectivités à réfléchir sur des projets dans leur globalité et pas à un simple financement ponctuel ».

Rénovation urbaine : l’effort est-il suffisant ?

L’ambition affichée de cohésion sociale « demande un effort de tous les jours, avec des professionnels formés pour porter ces projets ». Appel donc aux communes qui doivent apprendre à hiérarchiser leurs projets en fonction de leur besoins spécifiques et ainsi faire parfois des choix cornéliens pour répondre aux besoins de leurs administrés.
Les Equipes de Réussite Educative vont continuer à animer cette politique avec un ciblage sur l’enfant et l’adolescent « repéré en grande difficulté » (certainement en lien avec les nouvelles mesures fixées par le Ministre de l’Intérieur, à savoir le rôle pivot des maires).
A la demande des maires, les 70 Adultes Relais, médiateurs et accompagnateurs sociaux, vont être renforcés vers une augmentation à terme de 30%. « Ce sera une bonne chose, commente le Préfet. A La Réunion, comme partout en France, on assiste à un délitement de la cellule familiale. Il faut donc trouver d’autres moyens pour compenser ce délitement ».
Enfin, cette relance fait état de « la poursuite de l’effort de Rénovation Urbaine via l’ANRU ». Un effort que de certains jugent encore insuffisant au vu de la crise du logement social à La Réunion qui menace de plus en plus le lien social, entrave cette cohésion recherchée.

Stéphanie Longeras


An plis ke sa

A titre d’expérimentation

Dès 2007, à titre d’expérimentation, en partenariat avec le Rectorat, 5 intervenants vont sensibiliser les jeunes dans les établissements scolaires au problème de la grossesse précoce à La Réunion qui conduit bien souvent au décrochage scolaire des jeunes filles, à leur marginalisation.
Cette opération, pour l’heure en marge de la Politique de la Ville, devrait y trouver une porte d’intégration. De même, des Forums Emplois à l’échelle des quartiers, dans les hauts de l’île, vont se développer pour permettre la rencontre entre demandeurs et pourvoyeurs d’emploi. « Il faut casser certaines barrières et prouver qu’il y a de l’emploi, soutient le Secrétaire général de la Préfecture. C’est un travail de longue haleine, mais un travail important à destination de ceux qui sont coupés de la partie la plus dynamique de l’île ».


- Logement : axe fort de la cohésion sociale

« On ne touche pas à la LBU »

Le logement et l’emploi sont, selon le Préfet, « les deux fondamentaux d’une politique de cohésion sociale ». Il reconnaît que la production de logement reste insuffisante malgré les dotations de la LBU. Peut-on dès lors envisager, comme le sollicite les bailleurs sociaux ou encore le PCR, que La Réunion puisse bénéficier d’un plan pluriannuel de financement sur 5 ans pour le logement social, comme c’est le cas en Métropole dans le cadre de la politique de cohésion sociale du Ministre Jean-Louis Borloo ?
Selon Franck Olivier Lachaud, les financements de la LBU sont suffisants, ce sont la défiscalisation et la raréfaction du foncier qui entravent les opérations. Les entreprises du BTP ont leur carnet de commandes rempli et ne sont plus disponibles pour le logement social, moins rentable.
Le constat est partagé néanmoins que de plus petites entreprises pourraient réaliser les actions si les barèmes de financement étaient adaptés à leurs contraintes et à leurs trésoreries. Cela permettrait dans un premier temps de répondre à l’urgence des 25.000 demandes de logement social en souffrance. Rien à faire, la LBU est bien comme elle est, la réponse officielle est ferme : « On ne touche pas à la LBU ! ».
Quant à inciter les communes à la mixité sociale inscrite dans le SRU et à s’acquitter de leur obligation de construire 20% de logement social sur leur commune, le Préfet assure de sa pleine implication pour tenter de convaincre les maires réticents d’appliquer la loi.
SL


- Une pensée pour les 180 salariés de l’Association Saint-Denis 2000

Quand le lien social s’étiole

Créée en 1994 dans la cadre du Contrat de Ville de Saint-Denis, l’Association Saint-Denis 2000 avait pour mission de lutter contre toutes les formes d’exclusions. Constituée à l’origine de 30 salariés, elle menait des actions dans le domaine du développement économique, de la citoyenneté, de la cohésion sociale ou encore de la prévention dans divers quartiers de la capitale.
En 1997, dans le cadre du dispositif “Nouveaux Emplois et Nouveaux Services”, ses activités se sont développées et son effectif a atteint les 180 salariés. 180 acteurs de terrain, formés, relais de proximité auprès des associations de quartiers pour faire remonter leurs projets. En 2001, René-Paul Victoria, son nouveau Président, s’engage à restructurer l’association pour « une meilleure gestion ».
En novembre 2003, sa municipalisation est annoncée et 1 an après, elle prend la forme, pour ses salariés, de reclassements opaques, de propositions de CDD en échange d’un CDI ou de négociations de licenciement.
“Témoignages” a vu, aux côtés des derniers salariés encore combatifs, les locaux du front de mer de Saint-Denis se vider, le matériel de travail démangé. Il n’y aura pas de casse sociale, disait-on et puis, tout ceci était du à la mauvaise gestion de la politique de la ville des prédécesseurs. Résultat : la grande majorité des salariés s’est retrouvée au chômage et dans le même temps, le budget alloué aux associations de quartiers a fondu comme neige au soleil.
S’il ne faut pas généraliser, voilà l’exemple d’un Contrat de Ville mal géré. Espérons que la cohérence prédominera donc dans la relance de la politique de la ville pour que ce type de cafouillage, qui va à l’encontre de l’objectif même de renforcement du lien social, ne se reproduise plus.

S. L.


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