Manifestation des précaires devant le Rectorat

Témoignages

12 décembre 2007

Le collège de la Chaloupe à Saint-Leu en renfort

« 
Manque de respect et d’humanité  »

Enseignants, personnels administratifs titulaires, fins de contrats : ils étaient 13 à représenter hier le Collège de la Chaloupe, dans les hauteurs de Saint-Leu, devant le Rectorat. Un établissement dont le service de vie scolaire est resté hier fermé en signe de soutien. Les contrats de 6 agents n’y seront pas reconduits et 4 seront remplacés par de nouveaux contrats précaires de 6 mois. « Ni queue, ni tête : ça n’a aucun sens, confie un Eric, professeur d’Histoire-Géographie. Ce sont des gens du coin qui travaillent depuis longtemps dans l’établissement. Des gens connus et reconnus par les élèves. » « Ce qui est important de mettre en avant c’est le drame humain, souligne Adélaide, professeur de SVT dans le même collège. Certains ont un contrat qui ne leur ouvre même pas droit aux Assedic, juste au RMI. C’est un manque de respect et d’humanité envers ces personnes qui sont déjà payées une misère. » « On veut placer des remplaçants pour 6 mois, comme si l’encadrement d’élèves pouvaient se faire sans formation, enchaîne Claire, professeur de mathématiques. Pour moi, c’est la casse du service public d’éducation comme ça s’est fait en Espagne. La loi dit qu’il faut un surveillant pour 500 élèves. On nous dit que c’est déjà bien que l’on nous donne de petits postes en plus. En Espagne, on applique les quotas d’encadrement à la règle, mais c’est devenu dangereux pour les établissements scolaires. Sans sécurité, que feront les parents ? Ils enverront leurs enfants dans le privé. C’est donc bien une éducation à deux vitesses. On dit qu’ils n’avaient qu’à se bouger mais pendant leur contrat, ils n’ont pas eu de formation, d’ouverture au concours. C’est un mensonge, ils n’ont eu droit à rien. » « Il ne faut pas avoir fait l’ENA pour comprendre que quand on connaît les gamins, c’est plus facile de travailler avec eux, note à son tour Séverine, CPE. On veut tout simplement faire croire que le chômage diminue. On veut faire tourner le travail juste pour éviter que les gens ne meurent de faim. C’est ça la réalité. »
En retrait, Héléna, 26 ans, mère de deux enfants qu’elle élève seule, verra la fin de son contrat CAV en septembre 2008. Dans le second wagon des expulsés de l’Education nationale, après 2 ans en tant qu’agent administratif chargé également de l’accueil, la jeune femme assume nombre de responsabilités pour un salaire de 780 euros par mois. « On m’a dit que mon contrat ne serait pas renouvelé, c’est tout. Mais sans ça, je vais me retrouver au RMI, à rester à la maison : ça n’est pas possible. La présence des enseignants à nos côtés est très motivante. C’est un encouragement de voir qu’ils se sentent concernés et aussi une marque de respect pour notre travail. »

Louis-François, 41 ans, agent de vie scolaire au Collège Montgaillard

« 
Nou la été abizé  »

Louis-François a travaillé pendant 15 ans comme laborantin, contrôlant les chaussées, les ouvrages d’art pour une entreprise privée qui a du fermer ses portes après privatisation et malversations. Il s’est invité à l’entrevue entre le Recteur et l’Intersyndicale. Il en est ressorti démuni et en colère. « C’est toujours le même baratin. Le Recteur dit que ce n’est pas lui qui décide, qu’il applique ce que lui dit le gouvernement. Depuis 3 ans et demi que je travaille dans l’établissement, on a réussi à instaurer une relation avec les élèves et les parents et aujourd’hui, on me dit d’aller au chômage. Kan ou antann sa lé initil. Nou lé tro zanti. Gouvernman i di li mét la priorité su la sékirité sanm lo travay, i di kréol i vé pa travay, lé asisté, alors nou batay pou sa mèm, pou gard nout travay. Mi vé pa donn limaz mon zanfan in papa i rét la kaz. Mi vé li batay pou ansort ali. Mon lédikasion la di amoin i fo éséy kozé soman i sèr pa rien ék zot. Moin la mont mon volonté mé poukosa ? La po patat ? Nou la été abizé. Moin na in santiman révolt, mi san amoin démuni. Mi koné pi kél koté alé. I fo kasé brizé dann somin domin pou fé antann anou ? »

René-Marie-Doris, employée CAV à l’entretien au Collège du Ruisseau à Saint-Denis

« 
Mon travail, c’est un besoin vital  »

René-Marie-Doris est un exemple parmi d’autres de l’acharnement à trouver un travail. Si son parcours du combattant pour y parvenir pouvait figurer dans une validation des acquis, elle serait déjà chef d’entretien, compétence à part entière pour laquelle elle est formée. Cette mère de 3 enfants, qu’elle élève seule dans une petite case en bois sous tôle décrépie, s’accroche à son travail. Son contrat prendra fin en février 2009 mais elle est là avec les précaires qui comme elle, crient au secours pour préserver leur dignité même à 700 euros par mois. « J’ai connu tellement de galères, j’ai tellement dit à mes enfants d’attendre avant de pouvoir ne serait-ce leur acheter un taille crayon, que je refuse aujourd’hui le chômage. Depuis 7 semaines, on a tout fait pour obtenir une table ronde. On a sacrifié des jours de paye pour sauver notre emploi. On travaille dur pour prouver qu’on est capable parce qu’on nous a dit que si on faisait nos preuves, on serait embauché. Mon salaire, même modeste, est un soulagement. Je ne veux plus avoir à dire que je suis au chômage, je ne veux plus me lever le matin sans but. Mon travail, c’est un besoin vital. Venez voir comment je vis, venez voir comment ça se passe dans les familles et vous comprendrez. En 2009, à quelle porte je vais frapper ? Je dois me préparer au chômage à vie ? On devrait soutenir les gens qui veulent travailler car c’est ça l’image de La Réunion. On est pas des assistés, on demande juste de garder notre travail. Vous vous rendez compte que l’on demande à des fins de contrats de rédiger celui de leur remplaçante... c’est inhumain ! »

• Jacky Bazon, agent polyvalent au collège Bourbon à Saint-Denis

Mi travay kolèz Bourbon dépi 2000. Moin l’arèt 7 moi, la repran amoin kom CES. Moin la rant la ba an tank gardien de nui. Shak instan, kontra, kontra, épi kan i ariv po fé in nafèr po nou, la pi rien. La di anou le 31 zanvié, na pi rien po nou. Nou grèv po gingn in plass bien po nou. Isi, na kamarad nana 7 an i travay là, amoin na 6 an, n’inpé i fé 5 an léla. Nou revandik in ti plass, po nou viv. Nou sort le rèktora, banna la di anou zot la rien signé, le gouvèrnman la pokor di kosa va fé. Mé la di, tout fason, le kontra sé fini. Moin lé pa in ka izolé. Nana bann CES, bann sirvèyan, bann sekrétèr. La nou lé pa tousèl, nana détroi profésèr, bann TOS lé solidèr ansanm nou. Nana lontan nou lé dan le kolèz. Mon regré, sé sa, travay 6 an dan in kolèz, é anvoy amoin déor komsa !

• Roger Valcares, agent polyvalent au collège Bourbon

I fé 4 an moin lé o kolèz Bourbon, i fé 4 an moin lé dan la prékarité. Moin na asé èk sa moin. Moin nana in loiyé po péyé, mi débit dan la vi. Mi voudré fé kom toulmonn. Avoir in bon boulo, nouri mon marmay, tousala, èt kelkin dan la vi, ou konpran. Moin la mar d’èt prékèr. Moin, sat mi atann, sé avoir in bon kontra, in CDI spésialman, arèt èk la prékarité. Zordi, la bézoin anou, apré kan la pi bézoin anou, i di anou alé. Mi vé pa alé point l’ANPE. Apré, a shak foi i di anou « oui, le somaz la bésé ». Lé fasil da aou in ti kontra, épui i di aou le somaz la bésé. Sé sa mon regré.

Propos recueillis par Estéfani et BBJ

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