Toute l’Europe hantée par la baisse du pouvoir d’achat

15 janvier 2008

Le porte-monnaie des Européens est pris en étau entre hausse des prix et écrasement des rémunérations, illustrant une répartition de plus en plus inégale des richesses.

L’inflation galope, et la question du pouvoir d’achat taraude de nombreux pays européens. À tel point que le Premier ministre slovène, Janez Jansa, a dû admettre que « l’inflation élevée est un problème pour la Slovénie ». Bien que son pays assure la présidence de l’Union européenne (UE) pour le premier semestre, il s’est pris à pointer du doigt la monnaie unique : « L’introduction de l’euro a contribué à cette accélération de l’inflation à hauteur de 0,6%. » Ljubljana a adopté la monnaie unique en janvier 2007 avec une inflation de 2,5%, et affiche maintenant un taux record de 5,7%. Pire, la hausse des prix alimentaires est de 11%, créant un vif mécontentement. En novembre dernier, le candidat soutenu par le gouvernement pour la présidence de la République a été battu, en grande partie sur cette question du pouvoir d’achat.

Logement, énergie, alimentation...

La Slovénie est à l’image de l’Europe. Tous les pays affichent des compteurs au rouge : + 2% en France, + 9,6% en Estonie, qui n’est pas près de remplir les critères d’adhésion à l’euro. De son côté, Eurostat a même annoncé pour la zone euro en décembre une inflation de 3,1% sur un an, un chiffre inégalé depuis six ans et demi. Partout, les facteurs explicatifs sont les mêmes : hausse des tarifs de l’énergie, augmentation du prix des denrées alimentaires, loyers en hausse, et surtout un partage des richesses de plus en plus défavorable aux salariés, la part des salaires ne cessant de décroître dans la valeur ajoutée.
L’an dernier, les prix du logement ont augmenté partout en Europe, sauf en Suède. Selon l’indice Eurostat des prix à la consommation, la hausse a été de 3,6%. En Espagne, la question du logement arrive à se hisser parmi les principales questions politiques. Du fait que 85% des foyers espagnols sont propriétaires de leur propre logement, l’offre locative est extrêmement faible et coûteuse. Le prix de l’habitat a augmenté de 5,1% dans les capitales de province l’an dernier. Depuis 1985, une habitation neuve a vu son prix quintupler. Ce qui a conduit l’an dernier des jeunes à manifester contre la difficulté à se loger. Dans un rapport, le conseil national de la jeunesse illustrait ainsi la difficulté : il faudrait qu’un jeune gagne 126,05% de plus pour ne pas s’endetter excessivement lors de l’achat de son logement !
En ce début d’année, les annonces de relèvement des tarifs de l’énergie attirent l’attention. Le cours du pétrole, qui a touché les 100 dollars le baril, explique seulement en partie ces hausses. Privatisations, puis dérégulation n’ont eu pour effet que de faire grimper les prix, les coûts d’investissement pour entrer sur le marché ne laissant la place qu’à un oligopole de quelques concurrents. C’est le cas en Allemagne où, depuis 2000, les factures ont augmenté de 50%, faisant du prix de l’électricité l’une des principales préoccupations des citoyens. Au Royaume-Uni, le chancelier de l’Échiquier, Alistair Darling, s’est inquiété fortement quand le quatrième opérateur du pays a dévoilé une hausse de 17,2% des tarifs du gaz et de 12,7% de ceux de l’électricité.

Hausse du cours des céréales

Le poste de dépenses le plus douloureusement ressenti par les ménages est celui de la nourriture. Les étiquettes des produits alimentaires ont augmenté de 5,1% dans l’UE, en lien avec les cours sur les marchés mondiaux. En décembre, l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) a dévoilé que son indice des prix des denrées alimentaires dans le monde avait vu un bond de « de près de 40% en 2007, contre 9% en 2006 ». Des hausses qui donnent lieu à de véritables spéculations. Selon l’analyste du marché des céréales à la FAO, Abdolreza Abbassian, cette augmentation des cours s’explique par trois facteurs : « des problèmes de production dans les zones productrices les plus importantes », avec des catastrophes naturelles, « une extrême faiblesse des stocks de céréales, au plus bas depuis trente ans », et une demande en hausse, du fait de l’augmentation de la population et des richesses sur le long terme, qui conduit certaines populations à changer de régime alimentaire. De plus, il existe une « demande émergente » avec les biocarburants, qui viennent parasiter les cours des céréales.

Inquiétant cercle vicieux

Plus globalement, les variations sur les marchés de l’énergie, des matières premières et de l’immobilier n’expliquent qu’une part de la baisse du pouvoir d’achat. Sur le long terme, c’est la répartition des richesses produites en faveur des actionnaires depuis les années 1980 qui est en cause. Ainsi, selon les chiffres de la Commission européenne, la part des salaires dans la valeur ajoutée a diminué entre 1982 et 2006 de 8,6 points dans l’UE, au profit du capital.
Cette raison structurelle est notée par la Confédération européenne des syndicats dans sa résolution sur les négociations collectives de 2007. Le comité exécutif du syndicat explique que « les salaires sont mis sous pression par le modèle économique européen ». Selon le document, « la mobilité illimitée des capitaux (...) est utilisée pour mettre sur pied une coordination de facto des exigences des entreprises ». De plus, « la modération compétitive des salaires déclenche un cercle vicieux de faible demande domestique entraînant à son tour une croissance globale faible, mettant ainsi en place la phase suivante de l’obtention de concessions de la part des travailleurs ». Une stratégie bien rodée au service des actionnaires, mais qui pourrait être contrée en 2008. La presse économique s’inquiète déjà des « demandes agressives d’augmentations » pour cette année en Europe.

Gaël de Santis, L’Humanité


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