Travailler plus pour gagner plus ?... La liberté de pouvoir travailler serait déjà pas si mal !

7 juin 2007

« La vérité, c’est que pour que les Français puissent gagner plus, il faut leur permettre de travailler plus. La liberté, c’est celle de choisir son temps de travail, par un dialogue entre le chef d’entreprise et le salarié » a dit le Premier ministre François Fillon à Wasquehal, près de Lille, lors d’un meeting.
Pour beaucoup de Français, et particulièrement pour beaucoup de Réunion-nais, travailler tout simplement serait plutôt le principal objectif. Travailler plus pour gagner plus, quel beau slogan... Mais à La Réunion avec 30% de demandeurs d’emploi, on voudrait simplement travailler. Avoir seulement la liberté de pouvoir travailler, est-ce trop demander ?

A.W.

Travailler plus et gagner plus, un gage de bonheur ?

Alors que la plupart des gens croient qu’avoir plus de revenus les rendrait plus heureux, des recherches récentes montrent que ce lien entre revenu et bonheur est en grande partie une illusion et que les gens plus aisés ne passent pas nécessairement plus de temps agréable.
Les résultats de cette recherche, menée par l’économiste Alan B. Krueger et le psychologue Daniel Kahneman, récipiendaire d’un prix Nobel, s’appuient sur le développement de nouvelles méthodes pour mesurer le bien-être des individus et des sociétés. Cette mesure est basée sur l’évaluation quotidienne des sentiments concernant les différents moments de la journée plutôt que sur un jugement global de satisfaction.
L’utilisation de cette méthode montre que les gens qui ont un revenu au-dessus de la moyenne se disent un peu plus satisfaits de leur vie mais sont à peine plus heureux que les autres à travers les différents moments de la journée, ont tendance à être plus tendus et ne passent pas plus de temps dans des activités particulièrement agréables.
Une recherche de ces auteurs en 2004 utilisant cette méthode auprès de 909 femmes ayant un emploi a montré qu’un revenu plus élevé influençait peu le niveau de bonheur dans le quotidien
Après qu’on ait demandé aux participantes de rapporter le pourcentage de temps passé de mauvaise humeur la journée précédente, on leur demandait de prédire combien de temps les gens avec différents niveaux de revenus passaient de mauvaise humeur.
Les participantes s’attendaient à ce que les femmes qui gagnent moins que $20,000 par année passent 32 % plus de temps de mauvaise humeur que les femmes qui gagnent plus de $100,000.
En réalité, les répondantes gagnant moins que $20,000 rapportaient passer seulement 12% plus de temps de mauvaise humeur que celles qui gagnent plus de $100,000. L’effet du revenu sur l’humeur était donc grandement surestimé.
Une recherche auprès de 810 femmes en 2005, dans laquelle les participantes rapportaient leur expérience aux différents moments de la journée, leur revenu annuel et leur niveau de satisfaction générale par rapport à leur vie, montre que le revenu est moins fortement relié avec le bonheur mesuré aux différents moments de la journée qu’avec le niveau de satisfaction générale envers leur vie. (Mentionnons que plusieurs études sur le bonheur utilisent la satisfaction générale comme mesure.
Si les gens ont un revenu élevé, ils croient qu’ils devraient être satisfaits et cela se reflète dans leur réponse, croit Krueger (à la lumière de recherches précédentes démontrant expérimentalement que le niveau de satisfaction générale peut être ainsi biaisé).
Les chercheurs ont aussi étudié les données d’un sondage national sur comment les gens avec des revenus familiaux variés passent leur temps. Ces données montrent que les gens avec des revenus plus élevés consacrent plus de temps à travailler, magasiner, s’occuper des enfants et les autres activités obligatoires. Les participantes à la recherche de 2005 associaient ces activités à plus de tension et de stress.
Les gens avec plus de revenus passent moins de temps en loisirs tels que socialiser ou regarder la télévision, ce que les participantes considéraient comme plus agréable.
Selon des statistiques gouvernementales, les gens faisant plus de $100,000 par année passent environ 20% de leur temps en loisir comparativement à environ 35% chez ceux faisant moins que $20,000.
Malgré le faible lien entre le revenu et la satisfaction par rapport à sa vie ou le bien-être dans le quotidien, beaucoup de gens sont très motivés à augmenter leurs revenus. Dans certains cas, l’illusion que de meilleurs revenus augmenteraient significativement le bonheur peut conduire à une mauvaise utilisation du temps (comme accepter les longs transports - qui sont considérés comme les pires moments de la journée dans ces recherches) et sacrifier les moments passés à socialiser (qui sont considérés comme les meilleurs moments).
Les chercheurs notent que leurs recherches utilisant la méthode de l’évaluation des différents moments de la journée ont été menées auprès de femmes parce que la méthode est à une étape de développement et ils souhaitaient l’utiliser dans des groupes homogènes. Leurs prochaines recherches concerneront les hommes et les femmes.
Il est à remarquer que certains auteurs croient davantage à la satisfaction générale comme mesure du bonheur plutôt qu’à l’agrément ou l’humeur dans le quotidien, estimant que la satisfaction capture davantage ce qui définit le bonheur qui ne se résume pas seulement à l’agrément ou le plaisir dans le quotidien.

Source : http://weblamp.princeton.edu/ psych/psychology


« Travailler plus pour gagner plus » : un “attrape c...” !

Il n’y a pas d’autre terme pour qualifier le mot d’ordre à la mode depuis l’élection présidentielle, à savoir : « travailler plus pour gagner plus ».

D’abord, les syndicalistes l’ont dit et même du côté patronal on le reconnaît : ce n’est pas le salarié qui choisit de “travailler plus” en faisant des heures supplémentaires, c’est l’employeur. En fait, l’employeur ne le “choisit” pas, il l’impose tout simplement. Et cela parce qu’il en a besoin. Autrement dit, ce n’est pas pour les beaux yeux des salariés, et même pas pour son porte-monnaie, que l’on veut imposer cette disposition, mais pour répondre aux éventuels besoins d’heures supplémentaires des employeurs, et pour que ces derniers paient ces heures moins chères.

Ensuite il y a le fait que les employeurs n’utilisent déjà pas en totalité le quota d’heures supplémentaires pourtant prévu par la loi. Car, il faut le dire, pour qu’il y ait des heures supplémentaires, il faut qu’il y ait du travail supplémentaire à effectuer.

La télévision a braqué l’autre soir ses projecteurs sur les Brasseries de Bourbon : pour que les salariés de cette entreprise puissent « travailler plus pour gagner plus », il faudrait qu’il y ait du travail en plus à effectuer. Et là, il n’y pas trente six solutions. Soit la production augmente de manière significative (mais pour cela il faudrait encourager les Réunionnais à boire davantage de bière) pour qu’il y ait des heures supplémentaires, ou bien, il faut licencier une partie du personnel pour que l’autre partie, fasse des heures supplémentaires afin de maintenir la production et ainsi être mieux payée.

Dans le bâtiment, où l’on use habituellement des heures supplémentaires, c’est pour “pousser” sur une tâche ou pour l’achever au plus vite. Mais autrement, il faut qu’il y ait davantage de constructions à exécuter - ce qui n’est pas le cas, notamment pour le logement social - avec les mêmes effectifs. A moins, là encore, d’en licencier une partie pour effectuer la même quantité de travail.

On pourrait ainsi multiplier les exemples : les docks, le commerce, l’automobile, les services, la canne, etc, le même constat s’impose : pour pouvoir « travailler plus pour gagner plus » il faut soit augmenter la quantité de travail à effectuer soit licencier une partie de ceux qui travaillent.

Peut-être qu’en France dite “métropolitaine” cela est possible, ils font là-bas tant de miracles ; mais ici où, à la base de la question de l’emploi, c’est d’abord et avant tout une crise du travail ? C’est parce que la masse de travail à effectuer n’augmente pas que l’on a un chômage massif et durable, que l’on précarise de plus en plus. C’est pour la même raison que le « i » du RMI est impossible depuis plus de quinze ans.

Alors, on peut toujours rêver...

D’autant qu’à La Réunion, en matière d’exonération et de défiscalisation, on a atteint les sommets. Puisqu’on arrive même à rembourser aux entreprises la TVA qu’elles n’ont pas payé !
Seuls ceux qui font déjà des heures supplémentaires pourront gagner un petit quelque chose. Non pas du fait de l’augmentation de la valeur de leur travail (et donc de leurs salaires), mais tout simplement parce que leurs heures supplémentaires effectuées seront exonérées.

Cela dit, cette réforme n’est pas neutre. Elle a un contenu idéologique fort.

D’une part, c’est la remise en cause des trente-cinq heures qui est visée.

Et d’autre part, c’est le financement du système de protection sociale qui est en jeu. Car, lorsqu’on exonère des cotisations sociales, on aggrave du coup la situation de la sécurité sociale. Et pour combler le déficit ainsi créé, on aura recours aux... impôts ! Surtout pas l’impôt sur la fortune que l’on veut diminuer avec le « bouclier fiscal », mais la TVA, et plus particulièrement TVA sociale que l’on veut instaurer.

Autrement dit, et pour reprendre le mot de Raymond Barre, c’est un “attrape couillon”. Mais c’est surtout et avant tout une machine à démanteler de droit social français.

Georges-Marie Lépinay


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