Accident du travail mortel sur le chantier du basculement des eaux

Travailler sur un chantier pour gagner sa vie, pas pour la perdre

3 octobre 2006

Jeudi soir, un travailleur a perdu la vie dans un accident survenu sur le chantier de la Rivière des Pluies. Au-delà des circonstances de ce drame, se pose la question de la sécurité sur les chantiers du BTP à La Réunion. Force est de constater que course au profit et sécurité sont difficilement conciliables, surtout quand les travailleurs n’ont pas les moyens de faire entendre leur voix.

Le matin, quand un travailleur se lève pour aller travailler sur un chantier, c’est pour gagner sa vie, pas pour la perdre. Et c’est malheureusement ce qui s’est passé jeudi dernier sur le chantier du basculement des eaux, à Ilet Quinquina dans la Rivière des Pluies : un ouvrier est décédé aux commandes de son dumper, écrasé dans sa cabine par le poids de son engin. Il travaillait pour une entreprise qui était sous-traitante du GIE de la Rivière des Pluies. Hier, ce GIE ne souhaitait pas s’exprimer sur ce drame.
Problèmes de freins, absence de carnet d’entretien... au-delà de ces premiers éléments d’explication revient la question essentielle : la sécurité sur les chantiers du BTP à La Réunion est-elle suffisante ? Tant que la course au profit sera le mot d’ordre, cela ne sera pas le cas.
D’après la Sécurité sociale, "l’activité du Bâtiment et des travaux publics représente environ 10% du nombre total de salariés, mais 19% du nombre des accidents du travail toutes activités confondues". Pour la CGSS, "c’est dire que cette profession est génératrice de risques dont les conséquences sont pour beaucoup invalidantes".

Pas de fatalité

Toujours selon la CGSS, en 2004, le nombre d’accidents ayant entraîné un arrêt de travail dans ce secteur était de 707 pour 17.476 salariés déclarés avec un indice de fréquence de 40,4 (1) , en hausse de 8,6% par rapport à l’année précédente. Et pour faire respecter la sécurité dans toutes les entreprises, c’est-à-dire pas seulement dans le BTP, l’État engage sur le terrain 3 inspecteurs et 9 contrôleurs de la Direction du Travail.
Le décor est planté, et il est bien difficile de parler de fatalité, de faits divers ou d’enchaînement malheureux de circonstances aboutissant à de tels drames.
La course effrénée au profit fait oublier le risque d’accidents dans une "profession à risques", note Pierre Savigny, Secrétaire général de la CFDT-BTP. Par ailleurs, il est bien difficile pour les salariés d’être en position de revendiquer le droit à un travail sûr. Jacky Balmine, Secrétaire général de la CGTR-BTP, explique que 90% des entreprises du BTP ont moins de 10 salariés. Cela signifie qu’elles n’ont pas de comité d’entreprise, et donc par de comité d’hygiène et de sécurité (CHSCT) au sein duquel les travailleurs ont des représentants. Or, une des missions du CHSCT est d’analyser les causes et tirer les enseignements d’un incident afin qu’il ne se reproduise plus.

La course au profit

Autre conséquence de la course au profit : la multiplication de la sous-traitance. Supposons qu’une entreprise du BTP emporte un marché qui s’élève à 100.000 euros. De fait, elle peut demander à un sous-traitant de réaliser ce marché pour 90.000 euros en empochant la différence sans donner le moindre coup de pelle. Au sous-traitant de se débrouiller pour travailler pour 10.000 euros de moins, tout en assurant ces bénéfices ! Et il n’est pas rare qu’un sous-traitant sous-traite à nouveau à une plus petite entreprise ! Ce mode de gestion des chantiers met le travailleur sous pression. Car dans cet enchaînement, les grands perdants sont les salariés et les conditions de sécurité, sacrifiés pour des questions de profit.
Chez ces sous-traitants, les semaines de travail se déroulent sur la base des 39 heures, avec à la clé une fatigue supplémentaire dans des métiers pénibles et dangereux. Et dans des petites entreprises sans CHSCT, sans représentation syndicale, il est bien difficile pour un salarié de refuser de monter sur un échafaudage branlant, d’exiger une révision de son véhicule de chantier ou plus généralement d’exercer un droit de retrait (voir encadré) que le Code du travail permet. Car quand le travailleur se lève pour dénoncer l’insécurité de ces conditions de travail, il existe des patrons qui brandissent comme menace une autre insécurité : celle du chômage pour celui qui revendique.
Dans un pays où plus de 30% des travailleurs sont privés d’emploi, la pression patronale fait taire plus facilement l’exigence fondamentale des travailleurs du BTP : celle de venir gagner dignement sa vie sur un chantier.

M.M.

(1) Nombre d’accidents avec arrêt rapporté à 1.000 salariés.


Jacky Balmine, CGTR-BTP

Un CHSCT obligatoire dans toutes les entreprises

Par quel moyen peut-on améliorer la sécurité sur les chantiers ?

- 90% des entreprises du BTP ont moins de 10 salariés. Elles sont sous le seuil de 50 salariés qui permet la création d’un CHSCT.
À la CGTR-BTP, nous demandons un CHSCT dans chaque entreprise. Car nous constatons que là où il y en a, la sécurité est mieux assurée. Dans ces missions, le CHSCT doit déterminer les causes de l’accident et réfléchir sur les moyens à mettre en œuvre pour en éviter un nouveau.

Pourquoi un recours important à la sous-traitance ?

- Les entreprises prennent des sous-traitants parce que c’est moins cher. J’estime que l’entreprise qui sous-traite a le devoir de vérifier si la sécurité est pleinement assurée sur le chantier dont elle a la responsabilité.

Observe-t-on des progrès dans la sécurité ?

- Grâce au travail accompli par la CGSS, dans les entreprises qui ont un CHSCT et dans des petites entreprises, on peut dire oui. Mais beaucoup reste à faire. Il faut que chacun prenne conscience que sur un chantier, si la sécurité n’est pas respectée, des vies sont en danger. Il est inadmissible qu’un travailleur soit obligé de prendre des risques pour faire vivre sa famille, et malheureusement, c’est trop souvent le cas. La sécurité fait partie de la lutte quotidienne que nous menons pour faire respecter nos droits. Elle est une réalité quand on s’en occupe avec sérieux et que l’on y met les moyens. Et dans ces moyens, l’obligation d’un CHSCT dans chaque entreprise est une revendication que nous voulons faire aboutir.


Pierre Savigny, CFDT-BTP

Installer la prévention sur tous les chantiers

Quel est le niveau de la sécurité sur les chantiers du BTP ?

- Il y a trop d’accidents dans le BTP. Ils sont dus notamment à un manque de prévention des risques. On vit une course au profit d’une manière permanente, qui fait oublier qu’il peut y avoir des accidents. Le BTP est une profession à risques, la dangerosité du métier est là et il n’est pas rare en plus de voir des ouvriers sur des échafaudages branlants.

Comment faire reculer les risques d’accidents ?

- La sécurité ne progresse pas, il faut aller au-delà des statistiques. Les bonnes résolutions manifestées par les entrepreneurs à l’heure des cocktails doivent sur le terrain se traduire en actes. Mais c’est loin d’être le cas.
Trop d’employeurs négligent la prévention dans leur entreprise, alors qu’à terme, ils sont gagnants en voyant leur cotisation “accident du travail” diminuer. Mais le message est difficile à faire passer.
À la CFDT-BTP, nous militons pour l’installation obligatoire de la prévention dans les entreprises, notamment à travers la prévention et une meilleure communication dans l’entreprise.
Cela peut se décliner par la vérification systématique du matériel au moment de l’embauche du matin et par une inspection du chantier afin de prévenir les risques évidents. Cela ne coûterait que 10 minutes par jour, et cela permettrait d’éviter beaucoup d’accidents.


Le droit de retrait

Le salarié confronté à un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé a le droit d’arrêter son travail et, si nécessaire, de quitter les lieux pour se mettre en sécurité. L’employeur ou les représentants du personnel doivent en être informés. Le salarié n’a pas besoin de l’accord de l’employeur pour user de son droit de retrait. Ce droit de retrait est un droit protégé. Il n’entraîne ni sanction, ni retenue sur salaire. L’employeur ne peut demander au salarié de reprendre le travail si le danger grave et imminent persiste. Si le salarié est victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle alors que l’employeur était informé de la situation, celui-ci est considéré comme ayant commis une faute inexcusable, et la rente due au salarié est majorée.

(Source : Ministère de l’Emploi)


Le Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail

Constitué dans tous les établissements occupant au moins 50 salariés, le CHSCT a pour mission de contribuer à la protection de la santé et de la sécurité des salariés ainsi qu’à l’amélioration des conditions de travail, notamment par :

- l’analyse des conditions de travail et des risques professionnels auxquels peuvent être exposés les salariés et, en particulier, les femmes enceintes ;

- la vérification, par des inspections et des enquêtes, du respect des prescriptions législatives et réglementaires, et de la mise en œuvre des mesures de prévention préconisées ;

- le développement de la prévention par des actions de sensibilisation et d’information. Il peut, par exemple, proposer des actions de prévention en matière de harcèlement sexuel ou moral ;

- l’analyse des circonstances et des causes des accidents du travail ou des maladies professionnelles ou à caractère professionnel.

(Source : Ministère de l’Emploi)


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Messages

  • la vie du btp je la connais la miser 2007 dans c meitier trod d homme ce font avoire je suis un homme honnete c pas le k de non enployeir

  • Mesdames, Messieurs,

    Je vais vous parler de la prévention chez mon employeur,

    J’ai été engagé en qualité de Menuisier après ma visite médicale d’embauche dans l’entreprise XXXXxxxxx, il y a maintenant plus de 10 ans en observant toutes les instructions et consignes du travail qui m’on été données . La nature de mon emploi, la qualité et les procédées de mon expérience ainsi que des heures supplémentaires montre bien que mon niveau de qualification n’à pas été pris en compte ni respecter pour déterminer mon coefficient hiérarchique.

    Mon salaire devrait en plus de cela recevoir des primes par la disposition de la convention collective du Bâtiment du 8 octobre 1990 n° 3193 , pour avoir exercé ces fonctions en l’absence d’entraide du fait des conditions pénibles sur chantiers et à juste titre la fraction de cette rémunération non versée contractés par celle-ci au contrat de travail par des indemnités de petits déplacements, qui devraient déterminés normalement logiquement la base de cotisation sociale à 90% appliqué dans l’entreprise comme il est dit si bien par l‘URSSAF ayant refusée cette déduction de10% en 2003 pour rien puisque je n‘ai jamais eu d’indemnités de petits déplacements sur mon salaire brut.(la prime de repas, la prime de frais de transport et la prime de trajet)

    Il est aussi logique dans le bâtiment que de chacun face un effort de son coté pour évoluer et participer à la prévention au quotidiennement, se qui n’a jamais été le cas ici, a juste titre par mon accident du travail du 30 avril 2007

    La limite de mes capacités physiques avant l’accident avais été avancé par mes problèmes dorsaux reconnus par la médecine du travail suite d’un premier accident en 2003 et que j’étais prêt à discuter et à trouver avec mon employeur des solutions il en à jamais été question et tout dialogue s’est avéré difficile. Pour conclure j’ai une perte de salaire de cotisation pour ma retraite les indemnités journalières diminuées et une perte de mes capacités physiques pour travailler sur mon métier ( ou sont nos droit de citoyens et du travail comme les autres ouvriers nous voulons nous ouvriers des petites entreprise nos droit l’artisanat on a personne pour nous défendre

    Je vous prie d’agréer, Mesdames, Messieurs, l’expression de mes salutations distinguées


Témoignages - 80e année


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