Fin de conflit à la Brink’s

Un accord... « acceptable » !

11 août 2007

Entamée hier matin, la négociation entre syndicats et Direction de la Brink’s s’est clôturée dans la soirée par la signature, à 22 heures, d’un protocole de fin de conflit. Le travail reprend dès aujourd’hui. Après 10 jours de grève, si les salariés n’ont pas obtenu entière satisfaction, ils auront au moins démontré leur détermination, et plus encore leur solidarité, pour défendre leur pouvoir d’achat.

La Direction a maintenu une augmentation de salaire annuelle identique à la Métropole mais a concédé, en compensation, une augmentation de même niveau (2,7%) sur toutes les primes.
(Photo SL)

L’intervention de Me Roger, médiatrice de la Direction du Travail, sollicitée par l’Intersyndicale FO-CFDT-CGTR, aura eu le mérite de permettre une réelle ouverture de dialogue, ce à quoi la Direction se refusait jusqu’alors.

« C’est très tendu, difficile »

En fin de matinée, peu avant 11 heures, les délégués syndicaux prennent place à la table des négociations. Les discussions s’annoncent difficiles face à une Direction qui, dès le dépôt de préavis de grève, avait en tête de laisser pourrir le mouvement. Déniant catégoriquement l’existence même d’un différentiel du coût de la vie entre la Métropole et La Réunion, les salariés finiraient bien par se plier à une augmentation de salaire annuelle identique à celle de leurs homologues métropolitains, soit 2,7%.
Jusqu’à hier et l’intervention de la Direction du Travail, le dialogue était totalement fermé : les 80 grévistes (sur un effectif total de 140 salariés) finiraient bien par céder, aidés en ce sens par un sentiment de culpabilité généré par des échos médiatiques les accusant de prendre les Réunionnais en otages. Foutaise ! A la pause de 14h30, René Grondin, délégué FO de la Brink’s, nous confiait que la Direction consultait ses responsables parisiennes. « On discute, mais c’est très tendu, difficile », concédait-il alors.
A 16h30, nous rejoignons la trentaine de salariés qui “bivouaquent” devant les grilles de l’entreprise dans la zone artisanale du Chaudron. Les traits sont tirés, les corps et les esprits fatigués, mais alors que de l’autre côté, dans la cour, la Direction observe de loin la foule, les syndicats font part de leurs propositions. Nous restons à l’écart : une contre proposition se négocie en interne. Puis les mains levés, à l’unanimité, marquent cette volonté désespérée d’aller jusqu’au bout, de ne pas flancher. Les délégués syndicaux ne réapparaîtront qu’à 18h 30 : au tour de la Direction de concerter la filière centrale à Paris.

« Le retour au travail sera aussi difficile »

Pendant près de 2 heures, nous avons partagé l’attente des salariés. L’occasion de nouer le contact avec un dabiste, à savoir un agent en charge de la gestion des distributeurs automatiques de billets. Si la prime d’astreinte est supprimée comme le veut la Direction, le seul moyen de « travailler plus pour gagner plus » qu’elle offre le réduira à un salaire juste supérieur au SMIC. Ils sont seulement 15 agents pour gérer les 250 gabiers de l’île à la charge de l’entreprise. « On est face à un mur », concède-t-il. La Direction serait prête à fermer la boîte pour en ouvrir une autre sans problème, juste pour ne pas répondre à nos revendications ». Tous savent pourtant qu’ils ne demandent pas la lune au leader du marché local du transport de fonds.
La Direction aurait quant à elle proposé aux non grévistes de petites bonifications de salaires pour tenir la barre et aurait même convenu avec son concurrent Réunival de prendre en charge ses missions dès lundi, juste pour ne pas avoir à dépenser quelques sous de plus pour ses salariés. Des travailleurs de confiance à qui l’on confie la gestion d’importantes sommes d’argent, mais qui, une fois défendant leurs intérêts, leurs droits, ne semblent plus aussi acceptables. La crainte des licenciements dès la reprise du travail est forte. Personne ne se sent protégé par le Code du Travail. « Nous sommes fatigués physiquement et moralement, confiera un autre gréviste. Le retour au travail sera aussi difficile, mais on rentrera la tête haute, car tous les services sont allés à la grève ensemble et sont restés unis. Même si cela n’aboutit pas totalement sur du concret, le fait que l’on ait montré notre détermination, que l’on soit allé au mouvement pour défendre quelque chose de juste, c’est déjà une victoire ».
Une grève est un vrai conflit psychologiquement dont malheureusement, l’opinion publique ne mesure pas toute la portée. Ces 10 jours de grève seront pris sur les congés des salariés. Et puis, il y a ce sentiment d’injustice profond de voir une Direction « grassement payée », au salaire majoré, qui dit à ses salariés qu’ils peuvent toujours aller s’acheter des pommes de terre au marché d’à côté s’ils sont si misérables qu’ils semblent le prétendre. Des mots qui blessent. « Là, le cochon est bien gras, mais on préfère le laisser pourrir plutôt que de partager », lancera un militant CFDT. C’est dit !

« Ce n’est pas un accord satisfaisant à 100%, mais... acceptable », pour René Grondin au sortir de la négociation à plus de 22 heures. Comme promis, la Direction a maintenu une augmentation de salaire annuelle identique à la Métropole, mais a concédé, en compensation, une augmentation de même niveau (2,7%) sur toutes les primes. Une prime non conventionnelle de 30 euros qui passera par la suite à 65 euros a été accordée aux agents du service comptage, puis une prime exceptionnelle de 130 euros en août pour l’ensemble de l’effectif. Les dabistes verront leur prime de risque augmenter de 16 euros passant ainsi à 96,10 euros par mois. Enfin, les tickets restaurants seront réévalués à 6,30 euros. De petites avancées donc en faveur d’un mouvement marqué par une grande solidarité en faveur des salaires les plus bas et par une volonté farouche, en dépit des menaces et des conséquences, de défendre les droits des travailleurs à un salaire décent ou qui s’en rapproche.

Stéphanie Longeras


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