Éric Parlier, membre de l’Alliance des Réunionnais contre la pauvreté

« Un bol de riz et un toit pour tout le monde »

21 septembre 2010, par Jean Fabrice Nativel

Éric Parlier a décidé de venir en aide à son prochain. Ce militant de Sainte-Anne est l’un des bénévoles de l’Alliance des Réunionnais contre la pauvreté (ARCP) rencontré hier à Saint-Benoît. Son action avec ces co-équipiers, il nous en parle.

Éric Parlier à l’ARCP, quel poste occupez-vous ?

- Je suis un homme de terrain, et avec les autres membres, on va à la rencontre des personnes, des institutions… afin de lutter et trouver des solutions pour éradiquer la pauvreté à La Réunion.

« Je viens de cette couche sociale »

Comment s’est faite votre arrivée parmi cette équipe ?


- Depuis 1992, j’apporte mon concours à la vie associative comme animateur. Mes formations [1] m’ont permis de travailler avec le tout public, et en particulier la couche sociale la plus en difficulté. À regret, j’ai constaté qu’en raison de sa situation familiale, elle avait du mal à accéder aux activités de loisirs et extrascolaires ainsi qu’à partir en vacances… Sans compter les jeunes qui démissionnaient de l’école pour se retrouver à la rue.
Ces situations m’étaient insupportables ! D’autant plus que je viens de cette couche sociale. Je me suis alors demandé ce que je pouvais faire pour que ces personnes aient une chance de s’en sortir demain. J’ai rencontré des personnes qui se préoccupent du devenir des plus nécessiteux et on a décidé de créer l’Alliance des Réunionnais contre la pauvreté. Un moyen pour nous d’agir concrètement.

« Emmener le peuple réunionnais vers une solidarité intergénérationnelle »

Votre priorité du moment, quelle est-elle ?

- Elle est de deux ordres. D’une part, d’emmener le peuple réunionnais vers une solidarité intergénérationnelle entre les travailleurs et les chômeurs. D’autre part, de donner aux personnes la possibilité d’être les acteurs de leurs projets au lieu d’en être les spectateurs.

« La situation de l’emploi va s’aggraver »

Il y a peu, vous avez rencontré des responsables du Pôle Emploi. Rappelez-nous ce qui est ressorti de ce rendez-vous ?


- La situation de l’emploi va s’aggraver à La Réunion, selon les chiffres que nous a communiqués le Pôle Emploi. Ceux de juillet de cette année révèlent une augmentation des chômeurs toutes catégories confondues. Sans que soit pris en compte le nombre de érémistes, des radiations pour non-actualisation, des radiations administratives, des radiations d’autres cas. Si toutes ces données étaient additionnées, on recenserait dans l’île non pas 136.000 personnes demandeuses d’emploi, mais 180.000. Pour moi, il y a une volonté réelle de cacher cette réalité.

« Cette mesure ne favorisera pas l’emploi, et ne renflouera pas la caisse de retraite »

On s’achemine vers le passage de la retraite de 60 à 62 ans. Quelle est votre opinion sur cette mesure ?


- Je suis défavorable ! On ne peut pas demander à un employé de travailler jusqu’aux portes de la mort pour bénéficier d’une retraite et aux seniors de travailler plus longtemps — cela pénalise(ra) l’entrée des jeunes sur le marché du travail. Cette mesure ne favorisera pas l’emploi, et ne renflouera pas la caisse de retraite. En plus, il y a le non-remplacement d’un départ à la retraite, d’où moins de salariés cotisants.

« Une violence faite aux autres et à soi-même »

Aujourd’hui, quelles sont les facettes de la pauvreté ?

- Elles se caractérisent par une violence faite aux autres et à soi-même. C’est, entre autres, l’agression d’un écolier à qui l’on vole son téléphone portable, ses baskets… l’usage de drogue comme l’alcool, la privation de repas par des parents pour que leurs enfants aient à manger, la privation de soins médicaux, la privation d’éducation — comment voulez-vous qu’un enfant qui, le matin, arrive le ventre vide à l’école puisse suivre correctement les cours ? —, l’absentéisme à des journées de stages — car sans sous, on ne peut payer le transport et le repas… Voilà des illustrations de la pauvreté.

Quel message souhaiteriez-vous transmettre ?


- Devant l’aggravation de la situation économique et sociale de La Réunion, allons mettre de côté nos divergences afin de travailler pour un futur meilleur pour nos enfants et la génération à venir. C’est par nous et avec nous que nous arriverons à ce développement harmonieux et solidaire de notre île.

« Homme de terrain » comme il se définit, Éric Parlier n’oublie pas d’où il vient, « de cette couche sociale en difficulté ». Il a toujours trouvé des solutions pour « s’en sortir ». Sa décision de se mettre au service des autres, ce n’est que dans un seul but : voir un jour toutes les Réunionnaises et tous les Réunionnais vivre dans de bonnes conditions de vie. Participez « aux États généraux populaires ! Sa devise est « un bol de riz et un toit pour tout le monde ».

Texte et photos Jean-Fabrice Nativel

Contact Éric Parlier : 0693-04-34-04


La « mise en place de projets sociaux »

Cette « solidarité intergénérationnelle entre les travailleurs et les chômeurs » évoquée par ce militant associatif passe par la phase « de mise en place de projets sociaux ». « On recueille les idées des participants » dans les domaines « de l’autonomie alimentaire, de la protection de l’environnement, des services à la personne… » lors des réunions de quartier. Elles sont ensuite analysées pour en faire des initiatives comme « les jardins de proximité », explique-t-il.


Se priver pour ces enfants

Il se souvient d’une rencontre où « une femme me dit : « ce midi, je ne fais pas à manger, car je suis au régime ». En réalité, confie-t-il, « elle essaie de préserver ce qui reste dans le frigo » afin que ses enfants aient à manger jusqu’à la fin du mois. Se priver pour ces gamins est une des faces de la pauvreté.

Éric Parlier la di

« J’ai vu des enfants arriver dans les associations sans avoir pris leur petit-déjeuner. Leurs parents n’avaient pas les moyens de le leur offrir ».

« Les plus jeunes avaient des difficultés pour écrire et les plus grands pour la rédaction de CV » et ils n’étaient « pas ou peu diplômés ».

« Qu’on se donne la main pour faire avancer le développement de La Réunion au lieu de se (re)jetter la pierre mutuellement ».

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