L’Intersyndicale des Missions locales reste mobilisée

Un cri d’alerte étouffé

7 octobre 2004

Les personnels des Missions locales ont osé briser le silence et parler des dysfonctionnements dont ils sont victimes au sein de leur structures. Après plus d’un mois, rien n’a bougé.

Mardi dernier, l’Intersyndicale CFDT-UNSA-CGTR des personnels des Missions locales était reçue par Serge Leroy, directeur de la DDTEFP (Direction départementale du travail et de la formation professionnelle), à la demande de la Préfecture qui a refusé d’organiser une table ronde réunissant acteurs et financeurs des Missions locales.
"Monsieur Leroy s’est montré particulièrement attentif, il nous a écoutés pendant près de deux heures", nous confiait alors Mathieu Emmanuel, délégué syndical CFDT de la Mission locale Nord, au sortir de l’entrevue. Une attention qui n’a cependant débouché sur aucune avancée concrète, aucune proposition susceptible d’apporter un début de réponse aux salariés des Missions locales. Lesquels dénoncent, depuis plus d’un mois, le "management approximatif et archaïque qui dure depuis trop longtemps dans nos structures".

Démissions et arrêts maladies

Et pendant ce temps, au sein de ces structures censées assurer l’accueil, l’information et l’orientation du jeune public en difficulté, le climat social continue à se dégrader. Lundi encore, au centre de la Source, une altercation entre deux membres du personnel était à déplorer.
Alors que la détermination et la solidarité des salariés de la Mission locale Nord parviennent encore à résister à cet insoutenable immobilisme institutionnel, les employés de la structure Ouest tentent, quant à eux, de poursuivre leur travail malgré une ambiance tendue et des pressions qui continuent. "Dans le Nord, nous sommes plus nombreux à avoir osé parler, donc plus solidaires", confie Mathieu Emmanuel, "par contre, dans la structure de l’Ouest, couvrant un périmètre plus large qui va de La Possession à Saint-Leu, les employés sont plus isolés et les pressions se font plus facilement". Vendredi dernier, une employée qui souffrait d’un torticolis dû au stress accumulé, a été hospitalisée suite à une paralysie partielle.
Une autre, qui a récemment démissionné de la Mission locale Ouest, "épuisée par les pics et les menaces", a bien voulu nous faire partager ses impressions : "on pousse les gens petit à petit à la porte. Les démissions se succèdent au fil des ans, tout comme les conseillers qui ne restent jamais au même poste". Elle fait état de salariés qui optent nombreux pour des arrêts maladies, seule alternative pour ne pas succomber au stress et aux pressions. Selon elle, il y a beaucoup de choses à changer au sein des structures pour répondre pleinement aux besoins des jeunes, mais ces préoccupations ne semblent intéresser que les salariés, alors que les directions "jonglent avec les emplois et l’argent", "chacun y va de son petit fonctionnement personnel".
"Les gens attendent beaucoup du mouvement qui a débuté en septembre, mais malgré le relais des médias, malgré les rencontres avec les différents partenaires, comme il n’y a toujours rien de concret, les employés se relâchent par peur des conséquences, alors que la direction toute puissante est toujours là. Petit à petit, le personnel se démotive mais ne s’en porte absolument pas mieux".
La direction, qui depuis le début du mouvement a toujours refusé la confrontation avec l’ensemble du personnel en présence d’un conciliateur, fait en réponse le tour des antennes au cours des réunions d’équipes. Une initiative très rare qui serait, selon la direction, due aux responsables d’antennes. Et c’est au cours de ces réunions d’équipes, qu’elle peut alors "monopoliser la parole", "démonter le mouvement" et "proférer des menaces, en promettant que les procédures qui seront intentées n’aboutiront pas, ou que s’il faut en venir à des sanctions, cela se fera à contrecœur", nous confie-t-on.

"Inquiétude permanente"

Alors que de nombreux employés des Missions locales sont en contrats déterminés ou en contrats aidés, l’on parle de "véritable chantage à l’emploi". Dans la Mission locale Nord, les personnes ayant un contrat qui arrivent à échéance à la fin de ce mois et à la fin du mois prochain ne savent pas encore si elles vont être ou non reconduites. "On ne sait pas ce que les gens vont devenir, qui sera pérennisé et lorsqu’en tant que représentant du personnel on tente de poser la question, on nous répond que cela ne nous regarde pas. Comment se projeter vers l’avenir dans des conditions comme celles là ?", soutient Mathieu Emmanuel.
"Avec ce manque de gestion des ressources humaines au sein des antennes Nord et Ouest, c’est l’inquiétude permanente", rajoute-t-il. "On a vraiment une épée de Damoclès au-dessus de notre tête et l’impression que si tu bouges, tu meurs. On a osé parler, briser la loi du silence qui dure depuis trop d’années dans ces structures, c’est ça le problème. Mais il est trop tard pour faire marche arrière, nous irons jusqu’au bout et espérons toujours cette table ronde que nous avions sollicitée avec le soutien de la Région".

Estéfany


Pourquoi l’État se retire-t-il du problème ?

Rappelons que cinq dossiers pour des affaires de harcèlement et de non-respect de la convention collective au sein des Missions locales Nord et Ouest sont actuellement entre les mains de la justice. "Et il pourrait bien y en avoir davantage", souligne Mathieu Emmanuel.
Le Conseil général (financeur des Missions locales à hauteur de 12,5%), interpellé à plusieurs reprises par l’Intersyndicale pour obtenir une audience, reste toujours silencieux. La députée Huguette Bello a, quant à elle, rencontré vendredi dernier, de façon informelle, quelques employées qui lui ont fait part de leurs expériences douloureuses au sein de leur structure, dénonçant à nouveau "la mainmise de directions toutes puissantes". Elle nous a confié ne pas comprendre le refus de la Préfecture d’organiser une table ronde, estimant qu’il est anormal que l’État se retire de ce problème.
Huguette Bello a précisé qu’elle allait intervenir auprès du ministère et qu’elle recevrait à nouveau l’Intersyndicale, à son retour de sa session parlementaire, pour un entretien plus approfondi. Jean-Louis Borloo annonçait pourtant sur Télé Réunion, jeudi 23 septembre dans l’émission d’Olivier Mazerolles, "100 minutes pour convaincre", "la recompétence du préfet" en faveur d’une mise en synergie des acteurs de l’emploi. Pourquoi Dominique Vian n’entend-il pas l’Intersyndicale et ses financeurs, à la veille de la présentation d’une stratégie locale pour l’emploi ?


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