Précaires de l’Education nationale

Un dossier qui dérange

19 décembre 2007

Les vacances scolaires sont là, les fêtes approchent à grands pas et des centaines de personnes, indispensables à notre système éducatif, vont perdre leur travail. Une réalité que l’Etat et le Rectorat préferent occulter. Entre déni, désengagement et manipulation des chiffres, les précaires, personnels fantomes de l’Académie : un sujet qui dérange.

Un sujet qui dérange au point que l’Etat et le Rectorat ont refusé d’assister à la table ronde organisée lundi par le Conseil Régional. Pourquoi une telle fuite ? Pourquoi la concertation effraye-t-elle tant les autorités ? Auraient-elles des choses à se reprocher ?

« 
La Réunion est dans l’illégalité  »

Assurément. En premier lieu, c’est l’Etat employeur, qui depuis 10 ans a fait le choix de la précarité à bon marché pour assurer le service public d’éducation, qui est mis en cause. Pour pourvoir aux besoins d’encadrement de l’Académie, il aurait dû recruter des emplois pérennes, favoriser le développement de compétences actées par des formations, concrétisées par des concours permettant d’intégrer la fonction publique. Parmi les 600 personnels des filières administratives et vie scolaire, dont les fins de contrat s’échelonneront de décembre 2007 à la fin de l’année scolaire, le plus ancien enregistre 14 ans d’exercice sous statut précaire et plus d’une centaine dépasse les 10 ans. « Indiscutablement La Réunion est dans l’illégalité, souligne Philippe Azéma, militant SNES-FSU, professeur de mathématiques au lycée Jean Hinglo du Port. Une telle succession de contrats aidés est illégale. Selon le code du travail, ils auraient dû déboucher depuis longtemps sur des CDI. » Il n’y a qu’à La Réunion et dans les DOM que ce recours à la précarité est aussi massif. Les autorités ont dû sentir le danger, l’appel du tribunal administratif, des prud’hommes, pour casser aussi brutalement ces contrats, refuser même toute possibilité de prolongation inscrite à la loi pour les CAV. « Ce qui est consternant c’est que l’État devrait donner l’exemple d’une bonne gestion de personnel, estime Philippe Azéma. Il a bien profité de ces contrats payés deux fois moins cher que des personnels qualifiés. » Mais les pratiques illégales ne s’arrêtent pas là, se poursuivent même aujourd’hui, avec l’opacité en mot d’ordre.

«  Le Recteur est odieux ... »

Au lycée Jean Hinglo par exemple, alors que 10 postes vont être supprimés, le Rectorat n’en dénombre que 3. La manipulation chiffrée est simple et grossière : 10 - 6 nouveaux recrutements de contrats précaires de 6 mois = 3. Les agents expédiés sans solde s’évaporent de la comptabilité officielle. « On a procédé en toute hâte à des recrutements forcés de 6 mois, explique encore Philippe Azéma. Il y a une volonté systématique des services du Rectorat de masquer la réalité des chiffres. Il n’a pas d’état statistique clair de la situation. » Le chef d’établissement qui tente d’interpeller son administration sur cette question se voit immédiatement sanctionné, alors que du côté des syndicats, c’est par deux fois, qu’on leur a réservé les forces de l’ordre pour tenter d’étouffer leur revendication. « Deux fois les flics, ça commence à bien faire ! », tempête le militant FSU qui souligne encore que « le Recteur est odieux dans ses relations avec les organisations syndicales. » Demander des comptes au Rectorat s’agissant des TOS, second wagon de licenciement annoncé, est ce dernier s’appuie sur l’autonomie des établissements pour renvoyer l’épine aux pieds des chefs d’établissements qui, on le sait, n’ont aucun regard sur les enveloppe financières ni le nombre de recrutements. Ils ne font que se plier à des circulaires, des directives pressantes pour signer les nouveaux contrats précaires de 6 mois. « La plupart de ces recrutements sont illégaux, sans signature du Conseil d’administration ou traité en question diverse, l’idée étant de masquer au maximum le problème et pour le rectorat sa responsabilité, poursuit Philippe Azéma. Ce que l’on sait, c’est que les chiffres annoncés sont sous-évalués. Le Recteur parle volontiers en termes d’équivalent temps plein ce qui fait que sur 1 poste, on couvre deux licenciements. »

Ils sont 16 au lycée de Plateau Cailloux à être invité sans ménagement à pointer au chômage, une dizaine en général dans tous les lycées et autour de 6 dans les collèges. Manipuler les chiffres, c’est manipuler des familles réunionnaises, l’opinion publique sur un dossier qui génère des froncements de sourcils et une posture autoritaire et défensive de la part de l’Etat. Une attitude révélatrice pour un dossier qu’il faudra bien élucider.

Stéphanie Longeras

Luttes pour l’emploi

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