Schroeder en Allemagne, Blair en Grande-Bretagne : quelle différence avec Raffarin ?

Un gouvernement socialiste veut réduire les droits des chômeurs

20 août 2004

Les manifestations contre la réforme du système d’indemnisation du chômage imposée par le gouvernement socialiste s’étendent en Allemagne d’Est en Ouest. Cette réforme ressemble à celle du gouvernement Raffarin : diminution des droits et culpabilisation des chômeurs, accusés de n’être pas assez motivés pour travailler. Compte-rendu de la situation publié sur le site de RFI.

Chaque lundi depuis trois semaines des manifestations ont lieu en Allemagne pour protester contre la réforme de l’État-providence et tout particulièrement contre la modification des conditions de versement des allocations chômage de longue durée. Ce mouvement est parti des Länder de l’est du pays, très touchés par le chômage. Dans ces régions issues de la RDA, le nombre des sans-emploi atteint 20% de la population active, soit environ le double du taux observé en Allemagne de l’Ouest. Le choix par les manifestants de la date du lundi n’est pas anodin car il fait explicitement référence aux “manifestations du lundi” qui se déroulaient contre le régime en d’Allemagne de l’Est avant la chute du mur de Berlin en 1989 et la réunification.
Toutefois le mouvement s’étend à l’Ouest et les manifestations du 16 août ont atteint Berlin pour la première fois et rassemblé plus de 90.000 personnes dans tout le pays contre 40.000 environ la semaine précédente.

La protestation s’amplifie

Dans le cadre de sa réforme du marché du travail le gouvernement socialiste de Gerhard Schröder prévoit, à compter de janvier 2005, une fusion des aides sociales et des allocations chômage de longue durée qui se traduira par une réduction des prestations aux bénéficiaires. Des incitations à reprendre le travail en acceptant les emplois proposés sous peine de sanctions sont également prévues. Ce n’est qu’un des aspects de la remise en cause par le gouvernement de l’État-providence allemand afin de rendre l’économie plus “compétitive”.
La protestation qui s’amplifie a paru suffisamment sérieuse au chancelier allemand pour qu’il mette un terme prématuré à ses vacances et convoque, le 11 août, une réunion à l’issue de laquelle des assouplissements à la réforme ont été annoncés. Ces concessions de détail n’ont toutefois pas suffi, comme l’ont montré les défilés de lundi dernier.
Ces démonstrations de force à caractère syndical revêtent aussi une importance politique non négligeable. Des élections régionales auront lieu en septembre, dont en Rhénanie-Westphalie, bastion du SPD, et en Sarre. Or les déroutes électorales se sont accumulées au cours des 18 derniers mois pour le chancelier Schröder et la cote de popularité de son parti a chuté à 23% contre 44% à la CDU son principal adversaire électoral.

Tensions au sein du S.P.D.

L’opposition ne se fait d’ailleurs pas faute d’utiliser le mécontentement populaire. Gerhard Schröder accuse la CDU de constituer un front avec les communistes pour profiter de la grogne avant les élections. Or, rappelle le chancelier, la CDU a voté en faveur de cette réforme du marché du travail, en la durcissant même, lors de l’examen du projet devant le Bundesrat, la chambre haute du parlement allemand.
Le SPD est également soumis par ce projet à de fortes tensions internes. Là où le ministre de l’Économie Wolfgang Clement insiste sur la poursuite de la réforme qu’il a engagée, l’ancien ministre des Finances Oskar Lafontaine, rival de toujours de Gerhard Schröder à la tête du parti, s’y oppose fermement. Il est même prêt à soutenir un mouvement dissident qui émergerait dans le parti au cas où le chancelier persisterait. Déjà des membres du SPD ont formé un groupe rebelle “Alternative électorale pour le travail et la justice sociale”. Si ces dissidents se lançaient pour leur compte dans la campagne électorale les chances du SPD de remporter les élections fédérales en 2006 seraient à peu près nulles.

(Source : RFI)


Ce qui va changer

Le nouveau dispositif adopté par le Parlement début juillet, entraînera une réduction notable du montant et de la durée des indemnités pour les chômeurs de longue durée. Le demandeur d’emploi verra en outre ses allocations réduites s’il n’accepte pas un travail, même en deçà de ses qualifications ou de son salaire habituel. (Source : “Le Figaro”)


Pas de dialogue possible

En dépit de 90.000 manifestants ayant défilé lundi encore dans les rues, surtout de l’ex-RDA, le chef du gouvernement allemand a annoncé que la réforme du marché du travail, qui prévoit entre autres l’alignement de l’aide aux chômeurs de longue durée sur le niveau plus bas de l’aide sociale, sera mise en œuvre "sans restriction" et "sans aucun changement", au 1er janvier prochain. "Convaincu, avec l’appui d’experts, que ses réformes seront à terme positives pour les Allemands qui n’en comprennent pas bien les enjeux complexes, M. Schröder a répété fermement sa détermination à garder le cap", rapporte l’AFP.
Les méthodes du Premier ministre allemand ressemblent à celle de Jean-Pierre Raffarin avec une différence, le premier se dit socialiste, le deuxième se proclame libéral.


"Choisir un avenir plus humain"...?

Cette réforme est une véritable casse des droits des chômeurs. Or le gouvernement allemand est socialiste et se dit “de gauche”. Mais en Grande-Bretagne, d’autres socialistes au pouvoir mènent une politique de casse sociale, et en plus soutiennent la guerre en Irak en envoyant des soldats occuper le pays.
En Grande-Bretagne, les socialistes n’ont pas eu comme priorité de rétablir la situation au profit des victimes de la politique ultra-libérale des conservateurs britanniques : démantèlement du système de santé, recul des droits sociaux, précarité des travailleurs. En effet, une étude récente démontre que depuis que le gouvernement de Tony Blair gère la Grande-Bretagne, les inégalités se sont amplifiées.
En Allemagne, les socialistes veulent imposer des mesures qui ressemblent à celles du gouvernement Raffarin, et qui vont dans le sens des conservateurs allemands. Alors que des régions comptent plus de 20% de taux de chômage, on cherche à les appauvrir encore davantage, au lieu de renforcer la solidarité nationale pour relever le défi de la lutte contre l’exclusion.
Espérons que ces méthodes ultra-libérales ne vont pas inspirer un certain grand parti de gauche en France qui souhaite retrouver le pouvoir en 2007.
Les exemples allemands et britanniques appellent à la vigilance. Ils montrent qu’en cas d’alternance en France en 2007, rien ne dit qu’un gouvernement de “gauche” aura comme ambition d’annuler toutes les mesures anti-sociales prises depuis 2002. D’ailleurs, l’accord entre socialistes et conservateurs au Parlement européen pour se partager les places fait craindre que les frontières entre “gauche” et “droite” s’estompent, au profit d’un consensus pour laisser faire la mondialisation libérale, malgré toutes les conséquences négatives pour les plus démunis. Comment dans ce cas peut-on parler de “choisir un avenir plus humain” ?


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