Pentecôte : journée de solidarité travaillée, non rémunérée

Un jour férié et pourquoi pas deux ?

3 juin 2006

Il aura fallu l’épisode tragique de la canicule de l’été 2003 en métropole et ses 15.000 morts pour que le gouvernement ouvre les yeux sur les conditions d’isolement et de dépendance des personnes âgées. L’instauration par Jean-Pierre Raffarin d’une journée supplémentaire travaillée et non rémunérée doit permettre, avec 2 milliards d’euros supplémentaires par an, de financer son plan “vieillissement et solidarité” 2004-2007.

Après le chaos de 2005, la flexibilité est de mise autour de la mise en place de ce jour de travail supplémentaire. Jour de travail pour certains, de récupération ou de congés pour d’autres : selon les accords de branche, au sein des entreprises, selon que l’on soit salarié du public ou du privé, selon que l’on soit titulaire ou précaire... Ce Lundi de Pentecôte sera surtout marqué par l’inégalité, avec une partie des salariés au travail et d’autres au repos, en famille. Si la prise en charge des personnes dépendantes, âgées et handicapées, nécessite une réelle volonté politique aujourd’hui, et dans les années à venir, les salariés ressentent majoritairement ce jour de solidarité comme un jour de travail forcé. Une journée de travail non rémunérée aujourd’hui et pourquoi pas 2 demain ? Oui à la solidarité, non au diktat d’un gouvernement qui veut encore faire payer à ses concitoyens son incurie. Un recours déposé à la Cour de Justice européenne vient d’être reconnu recevable.

Stéphanie Longeras


An plis ke sa

o Impact économique "très proche de zéro"
Dans une étude, l’INSEE a quantifié l’impact sur la croissance économique du Lundi de Pentecôte travaillé pour la première fois en 2005. Il s’est basé sur la consommation d’électricité, habituellement plus faible les jours fériés, et sur une enquête auprès des principales entreprises industrielles de métropole. L’INSEE explique : "La transformation de ce lundi en jour ouvré a été réalisée pour un peu plus de la moitié (...). Ce jour n’a été, dans les faits, que partiellement travaillé". L’étude conclut ainsi que l’impact sur la croissance a donc été "très proche de zéro".

o Jour ouvré ou chômé, les entreprises devront payer
Le principe de la journée de solidarité est le suivant : en contrepartie des richesses dégagées par la journée de travail supplémentaire, les entreprises doivent s’acquitter d’une cotisation de 0,3% de leur masse salariale et d’une contribution équivalente sur les revenus du patrimoine. Que les employeurs fassent ou non travailler leurs salariés un jour de plus, ils devront s’acquitter des sommes dues.

o Où va l’argent récolté ?
La Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) a été créée pour recevoir les recettes de la journée de solidarité. Elle est abondée par 1 milliard d’euros de la contribution sociale généralisée (CSG), par 64 millions d’euros de la contribution des caisses de retraite, par les 4,3 milliards d’euros de crédits de l’assurance maladie destinés aux personnes âgées et les 6,6 milliards d’euros de ceux destinés aux personnes handicapées. Sur les 2 milliards d’euros supplémentaires dégagés par an, 1,2 milliard devrait aller aux personnes âgées et 800 millions aux personnes handicapées.

o Une "taxe discriminatoire"
En métropole, le Collectif des amis du lundi (CAL), soutenu par des députés, élus, responsables associatifs et citoyens, monte au créneau et appelle les salariés obligés à travailler le 5 juin à faire grève. S’appuyant sur les comptes de la CNSA et de la Sécurité sociale, le CAL accuse cette "taxe discriminatoire" de financer essentiellement le désengagement de la Sécu, "selon le bon vieux principes des vases communicants. Comme pour la vignette auto, de qui se moque-t-on ?".

S.L.


L’Éducation nationale s’organise

Suite au fort taux d’absentéisme constaté en 2005 dans les établissements le jour de la Pentecôte, le ministère a décidé de changer la formule de la journée de solidarité dans l’Éducation nationale, en redonnant ce jour férié traditionnel aux élèves.
Pour les personnels enseignants des premier et second degré et les personnels d’éducation, une journée, qui peut être fractionnée en deux demi-journées, est consacrée hors temps scolaire à la concertation sur le projet d’école ou d’établissement ou sur le projet de contrat d’objectif, dans les établissements publics locaux d’enseignement, ainsi qu’à la définition d’un programme d’action en faveur de l’orientation et de l’insertion professionnelle des jeunes. Sa date est déterminée dans le premier degré par l’Inspecteur de l’Éducation nationale, après consultation du Conseil des maîtres et dans le second degré par le chef d’établissement après consultation des équipes pédagogiques.
Pour les autres personnels, la journée de solidarité prend la forme d’une journée ou d’une durée de travail de sept heures, continue ou fractionnée, effectuée aux dates déterminées par l’autorité responsable de l’organisation du service après consultation des personnels concernés.
À La Réunion, un peu moins de la moitié des établissements du second degré ont conservé la journée du 5 juin comme journée de solidarité, d’autres ont choisi le vendredi de Pâques, le jeudi de l’ascension, ou deux mercredis après-midi.


CGTR Commerce : "toujours férié"

Dans un communiqué diffusé hier, la CGTR-Commerce rappelle que selon le Conseil d’État, "le Lundi de Pentecôte est toujours férié". "Aucune sanction pécuniaire ne devrait être appliquée aux salariés qui seront absents le Lundi de Pentecôte", poursuit la CGTR-Commerce.
La CGTR Commerce "reste opposée à toute suppression d’un jour férié, tel que celui du Lundi de Pentecôte". Le syndicat "dénonce tous les chefs d’entreprise de la grande distribution qui, délibérément, n’ont pas voulu négocier avec leurs partenaires sociaux dans le but de remplir leurs poches sur le dos des travailleurs, puisse qu’au terme d’un certain nombre d’accords d’entreprises ou de conventions collectives, il est prévu une majoration 100% lorsque ce jour est travaillé".


"Non au travail gratuit"

FO-Lycées collège appelle à la grève le Lundi de Pentecôte.
Il s’oppose "à l’allongement de la durée du travail et, qui plus est, au travail gratuit".
Le syndicat n’accepte pas le principe de cette journée, "qui ne garantit en rien les retraites et pensions, et met en cause celui de la Sécurité sociale".
"FO estime cependant que la solution doit trouver sa place dans le cadre des institutions de la sécurité sociale", poursuit le communiqué, "et non par la mise en place d’une journée dite “de solidarité” des salariés qui ne peuvent et ne doivent pas supporter seuls l’effort de solidarité nationale nécessaire".
"Cette journée dite “solidarité nationale" est donc une mauvaise réponse à un vrai problème !", conclut FO-LC


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