L’Intersyndicale avertit sur un investissement risqué à l’usine du Gol

Un sixième effet inquiétant pour la filière canne-sucre

7 novembre 2006

Pour la prochaine campagne sucrière, l’usine du Gol va tenter une première mondiale : l’installation dans la chaîne de production du sucre d’une sixième caisse d’évaporation du jus de canne. « Ce 6ème effet amène un gain d’énergie de 15 à 20% », précise Jean-Marie Pothin, porte-parole de l’Intersyndicale, mais ce nouvel outil doit être opérationnel à 100% dès le début de la prochaine campagne, sinon, c’est toute la filière canne-sucre qui va en subir les conséquences. Hier, l’Intersyndicale de Sucrière de La Réunion a appelé à un débrayage qui a duré toute la matinée. Objectif des syndicalistes : prévenir tous les acteurs de la filière et les pouvoirs publics des risques qui pèsent sur 15.000 emplois.

L’annonce d’une première mondiale dans l’usine du Gol cristallise l’inquiétude des salariés. Si cet investissement stratégique ne marche pas, c’est toute la campagne sucrière 2007 qui est remise en cause. Pour les syndicalistes de Sucrière de La Réunion, les conditions de l’échec sont réunies et les craintes sont fondées quant à l’avenir des 15.000 travailleurs de la filière.

C’est pour cette raison qu’hier, à l’appel de l’Intersyndicale CFTC-CGTR-CFDT-CGC-FO, le personnel de Sucrière de La Réunion était appelé à observer un débrayage. Il a été suivi à l’usine et sur les plates-formes de livraison du groupe durant toute la matinée. Le travail a repris à 14 heures après une réunion entre l’Intersyndicale et la direction. Au terme de cette rencontre, il a été acté la mise en place « des structures de suivi des actions, de veiller à une bonne diffusion de l’information et d’associer davantage le personnel de la production de la sucrerie », indique un communiqué de la direction. Cette dernière paiera la demi-journée de grève, ce qui est pour Jean-Marie Pothin, porte-parole de l’Intersyndicale, signe de la gravité de la situation.

Une première mondiale

Ce mouvement unitaire visait à adresser un message fort à la direction du groupe, sur la question des investissements. « Le constat d’échec de nos investissements antérieurs et leurs conséquences confirment notre grande inquiétude quant aux futurs investissements de 2007 », note un communiqué de l’Intersyndicale.

Deux gros chantiers sont prévus l’an prochain à l’usine du Gol : un décanteur et une sixième caisse d’évaporation. Introduire dans la fabrication du sucre à partir de la canne une sixième caisse d’évaporation est un coup de poker dangereux, estiment les syndicalistes, qui craignent que l’échec de cet investissement sans précédent dans le monde soit à l’origine de graves difficultés pour toute la filière canne. Car, explique Jean-Marie Pothin, « il faudrait huit mois pour rétablir la configuration actuelle qui fonctionne, alors que la campagne sucrière ne dure que cinq mois ».

De plus, le sixième effet doit être opérationnel à 100% tout de suite : « au Gol, nous traitons 400 tonnes de cannes par heure, si le nouvel investissement ne marche pas bien, ralentit l’usine et fait descendre la cadence à 300 tonnes par heure, il faudrait prolonger la campagne jusqu’en mars 2008, ce qui est impossible ». Et le syndicaliste de poursuivre : « la question qui se pose, c’est qu’adviendra-t-il de toutes les cannes qui seront récoltées en cas de blocage ? C’est pour avertir l’ensemble de la filière et les services de l’État que nous avons débrayé, pour que personne ne puisse dire l’an prochain "je ne savais pas" ».

Des problèmes récurrents sur les investissements

Selon le porte-parole de l’Intersyndicale, l’expérience montre que les investissements au Gol sont souvent synonymes de désillusion. Et de citer l’exemple d’un pont roulant de 16 tonnes qui n’a jamais fonctionné depuis 2 ans. Et contrairement au 6ème effet, un pont roulant est loin d’être une première mondiale. Selon l’Intersyndicale, ces problèmes proviennent du décalage entre ce qui est élaboré au sein du Bureau d’études et ce qui est la réalité du terrain. Et plus largement, en trente ans de carrière à l’usine du Gol, Jean-Marie Pothin note que les changements intervenus dans la chaîne de production ont toujours mis du temps à être pleinement opérationnels, quand ils n’étaient pas des échecs. Tous ces précédents ne sont guère rassurants quant aux chances de succès de l’installation de la sixième caisse d’évaporation que le syndicaliste estime à 1 sur 10.

15.000 emplois en jeu

Selon lui, toutes les conditions pour la réussite de cette première mondiale sont loin d’être réunies pour un équipement condamné à fonctionner à plein dès sa mise en service. Et d’ajouter ressentir une certaine précipitation dans la mise en place de cet équipement. « Pourquoi installer ici à La Réunion quelque chose qui n’a jamais encore fonctionné ailleurs dans le monde ». Et d’expliquer que cela est sans doute lié aux subventions attribuées aux entreprises qui s’impliquent dans les économies d’énergie, comme cela est le cas pour l’installation du 6ème effet à l’usine du Gol. Des subventions qui ne seront peut-être pas aussi avantageuses dans les années à venir...

« Ça passe ou ça casse »
, affirme Jean-Marie Pothin, le 6ème effet au Gol, « c’est le jackpot ou le RMI ». Ces craintes sont amplifiées par l’annonce d’investissements à Bois-Rouge sur les caisses d’évaporation. Gageons que les voix des représentants des salariés seront entendues et que tout sera fait pour que les investissements prévus l’an prochain à l’usine du Gol ne pénalisent pas la filière canne. 15.000 emplois et un savoir-faire sont en jeu.

M.M.


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