20 décembre 2006 : férié, chômé et payé

Une année pour en parler

17 janvier 2006

Il ne reste que quelques jours pour adresser les vœux de nouvelle année. Que l’on soit adepte ou pas de ce type de convenance, il en est un, collectif, qui se dégage comme un enjeu de société. Souhaitons que le 20 décembre de l’année 2006 soit enfin un jour de commémoration à la hauteur de cet événement historique qui a marqué la fin de l’esclavage à La Réunion. Souhaitons qu’il devienne un jour férié, chômé et payé, un jour de partage consacré à la mémoire, à la reconnaissance et à la réappropriation de l’Histoire, à la construction de notre identité.

Chaque année, à l’approche du 20 décembre, les organisations syndicales revendiquent la liberté pour les travailleurs de pouvoir commémorer la date anniversaire de l’abolition de l’esclavage. Les opérations coup de poing d’il y a quelques années ont fait place à la distribution de tracts visant à interpeller la responsabilité du patronat local comme celle des citoyens, des consommateurs.

Que dit la loi ?

Mais chaque année, le débat qui se heurte aux considérations économiques est rapidement avorté. Le calendrier a voulu que l’abolition de l’esclavage soit proclamée à La Réunion, 4 jours avant les fêtes de Noël. Si sur ce point, l’on ne peut réécrire l’Histoire (bien que l’actualité tende à démontrer la volonté de certains d’œuvrer dans ce sens), en revanche, peut-être pourrait-on d’ores et déjà amorcer, en ce début d’année, un débat sur la question : 20 décembre, jour férié et pourquoi pas chômé et payé ? Pour cela, il convient en premier lieu de se référer au cadre légal.

Que dit l’article unique de la loi n° 83-550 du 30 juin 1983, promulguée par François Mitterrand et exécutée comme loi d’État, qui proclame un jour de commémoration de l’abolition de l’esclavage dans les Départements d’Outre-mer ?

Férié : journée non travaillée...

« La commémoration de l’abolition de l’esclavage par la République française et celle de la fin de tous les contrats d’engagement souscrits à la suite de cette abolition font l’objet d’une journée fériée dans les départements de Guadeloupe, de Guyane, de Martinique et de La Réunion, ainsi que dans la collectivité territoriale de Mayotte.

Un décret fixe la date de cette commémoration pour chacune des collectivités territoriales visées ci-dessus et les conditions dans lesquelles cette commémoration sera célébrée sur le territoire métropolitain ». Par décret du 23 novembre 1983, les dates de commémoration de chaque département sont fixées ; le 20 décembre est déclaré jour férié à La Réunion. Appelé aussi congé ou fête légale, le jour férié permet de marquer une date ayant une signification particulière, au même titre que l’Action de grâces et Noël.

Si le gouvernement entend par jour férié une journée non travaillée, en revanche, la loi n’impose pas aux entreprises d’interrompre leurs activités durant ces jours.

...mais aucune disposition légale

Sur les 11 jours fériés légaux qui ponctuent le calendrier français (voir encadré) , le Code du travail stipule que seul le 1er mai, Fête du travail et de la concorde nationale est obligatoirement chômée et payée. Tous les salariés sont donc censés ne pas travailler le 1er mai et percevoir l’intégralité de leur salaire.

Dans les établissements et services qui, en raison de la nature de leur activité (hôpitaux, transports) ne peuvent interrompre le travail, les salariés occupés le 1er mai ont droit, en plus de leur salaire, à une indemnité égale au montant de celui-ci, indemnité à la charge de l’employeur. Pour les autres jours fériés, aucune disposition légale ne prévoit ni d’interruption de travail ni de rémunération supplémentaire en cas d’activité.

Hormis les salariés et apprentis de moins de 18 ans qui ne sont pas autorisés à travailler un jour férié, pour les autres, tout dépend des usages et des conventions écrites. Concrètement, de nombreux accords de branches ou d’entreprise prévoient des majorations de salaires ou un système de récupération en cas de travail un jour férié. En revanche, les salariés qui ne travaillent pas, ne subissent pas de perte de salaire, à condition qu’ils soient mensualisés et présents dans l’entreprise depuis au moins 3 mois.

Ouvrir le dialogue

Ce cadre légal étant rappelé, l’on observe que si la loi n’impose pas aux entreprises de fermer le 25 décembre ou le 1er janvier, ces 2 jours fériés sont unanimement chômés, festivités de fin d’année obligent !... Des festivités qui pour beaucoup n’ont plus grand sens, sont presque devenues obligées.

À l’exception du rituel de l’ouverture des cadeaux par les enfants à Noël et des pétarades du Nouvel An, beaucoup estiment que ce sont surtout des fêtes commerciales. Pour que le 20 décembre s’inscrive également comme une fête de la famille ou tous les Réunionnais sans exception seraient libres de pouvoir assister aux cérémonies commémoratives, aux grandes fêtes et kabars qui se développent de plus en plus en ce jour anniversaire, il faut ouvrir le dialogue. Il faut réunir les élus, les partenaires sociaux, les entreprises qui pourraient décider d’élargir le paiement d’un jour férié non travaillé à l’ensemble des salariés de l’île et fermer leurs rideaux pour la fête de la liberté. Ce serait vraiment un geste fort. Est-ce possible ? Envisageable ? Discutable ?

Poser les questions

Il faut se réunir autour d’une table, débattre, faire des propositions. Pourquoi ne pas développer les ouvertures nocturnes durant les fêtes ? Les salariés percevraient également une majoration de salaire et les usagers pourraient tout autant consommer, puisqu’il s’agit de cela. Le travail le 20 décembre génère-t-il de l’emploi ?

De quel type et combien ? N’a-t-on pas à gagner en termes de cohésion sociale et de mieux vivre ensemble, si pour une fois, les prérogatives économiques faisaient place à des valeurs plus saines, au devoir de mémoire, au rapport à l’Histoire et à l’identité ? Certes ces notions unificatrices ne sont pas lucratives... Les questions d’ordre social, économique, humain et identitaire doivent se poser. Il nous reste une année.

Estéfani


Les jours fériés légaux et les autres

Le calendrier français compte actuellement 11 jours fériés, parmi lesquels des fêtes religieuses, civiles ou la célébration des combats des 2 grandes guerres : le jour de l’An le 1er janvier ; le lundi de Pâques ; la Fête du travail le 1er mai ; la victoire de la France sur l’Allemagne nazie le 8 mai ; l’Ascension qui 40 jours après Pâques célèbre Jésus ressuscité à ses disciples ; le lundi de Pentecôte qui correspond à la descente de l’Esprit Saint sur les apôtres ; la Fête nationale qui commémore la prise de la Bastille ; l’Assomption le 15 août qui célèbre la montée au ciel du corps et de l’âme de la Vierge Marie ; la Toussaint le 1er novembre qui correspond à la fête catholique des saints, le 11 novembre qui marque la fin de la Première Guerre mondiale et le 25 décembre, jour de Noël.

Des dispositions particulières selon les régions, les professions, les religions

À ces 11 jours fériés légaux viennent se greffer les dates respectives de commémoration de l’abolition de l’esclavage dans les DOM : le 27 avril pour Mayotte, le 22 mai pour la Martinique, 27 mai pour la Guadeloupe, le 10 juin pour la Guyane et le 20 décembre pour La Réunion.
Dans certaines régions françaises ou selon certaines professions, des jours sont chômés suivant des dispositions anciennes. C’est le cas de l’Alsace-Lorraine qui célèbre le Vendredi Saint le 13 avril et la Saint-Étienne le 26 décembre, en application du droit légal ; de la métallurgie du Nord et du Pas de Calais qui fête la Saint-Eloi le 1er décembre et de la Sainte-Barbe le 4 décembre dans les mines. Certaines fêtes religieuses ne figurant pas dans le calendrier des fêtes légales sont chômées et payées en vertu des accords collectifs et des usages. Parfois, elles donnent lieu à des autorisations d’absences du salarié. C’est le cas pour la communauté arménienne (Noël le 6 janvier et la commémoration de l’histoire de la communauté les 23 février et 24 avril) pour les fêtes juives (Roch Hachanah - 2 jours pour le Nouvel An - et le Yom Kippour Grand Pardon) et pour les fêtes musulmanes (Aid el Fitr-Aid el Séghir ; Aid el Adha-Aid el Kebir et El Mouled).


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