Les contrats d’avenir à La Réunion

Une copie à revoir

20 juin 2005

Avant même que le plan Borloo ne soit adopté, le gouvernement avait été mis en garde sur la quasi-impossibilité d’appliquer dans le contexte réunionnais ses principaux dispositifs dont les fameux contrats d’avenir. Il vient de proposer une légère modification de cette mesure en réduisant à 6 mois au lieu de 24 sa durée minimale pour les associations. La voie conduisant à une réunionnisation des contrats d’avenir est plus jamais ouverte.

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Il y a une dizaine de jours, François Baroin, nouveau locataire de la rue Oudinot, recevait les parlementaires de l’Outre-mer. À la fin de la rencontre, un échange à bâtons rompus eut lieu entre le ministre et plusieurs participants. C’est alors que des élus réunionnais cumulant les fonctions de parlementaire et de maire ont fait savoir qu’ils ne comptaient pas recruter énormément de personnes sous contrat d’avenir. Leur réaction traduisait un sentiment général : bien peu de magistrats communaux ont l’intention de faire appel massivement à des contrats d’avenir pour remplacer les actuels CES ou CEC qu’ils emploient.
Plusieurs conditions de mise en œuvre des contrats d’avenir (financement, durée, formation, pérennisation) font que le nouveau dispositif apparaît comme pratiquement inapplicable à La Réunion.
Bien avant même que la loi Borloo ne soit votée, l’attention du gouvernement avait été attirée sur les effets négatifs d’une application mécanique outre-mer des nouveaux dispositifs envisagés par le ministre des Affaires sociales. Dans quelques jours, cela fera un an exactement que, sur les bancs de l’Assemblée Nationale, Huguette Bello interpellait le gouvernement. Marc-Philippe Daubresse, secrétaire d’État au logement lui répondait que "des réponses adaptées pour l’Outre-mer" seraient apportées. Lors du débat au Sénat dans un de ses rares moments de lucidité, Jean-Paul Virapoullé expliquait à son tour qu’une application mécanique à La Réunion de mesures décidées par le gouvernement à partir des réalités métropolitaines aboutit, dans la plupart des cas, à une inefficacité du système  :"des erreurs ont été commises dans tous les camps et personne, ici, ni à gauche ni à droite, ne peut porter la Légion d’honneur de la réussite de l’intégration sociale !", déclarait le sénateur-maire de Saint-André.
Malgré l’expression d’inquiétudes à propos de son texte sur les bancs du Sénat ou de l’Assemblée nationale, Jean-Louis persistait. Tout au plus reconnaissait-il la nécessité d’adapter son texte en ce qui concerne le logement social. Puis il a renvoyé à son voyage en décembre dernier, l’examen sur le terrain des réalités. Le gouvernement promettait en quelque sorte d’adapter son texte après l’avoir fait adopter définitivement par le Parlement !
Aussi, lors de leur séjour à La Réunion, MM. Daubresse et Borloo se contentèrent-ils de se lancer en une course en avant : c’était à qui proposait le plus grand nombre de contrats d’avenir pour La Réunion. Le premier en annonçait 10.000 et le second 15.000 !
On sait ce que sont devenues depuis ces promesses démagogiques.
Or, le gouvernement lui-même commence à admettre qu’il est difficile de mettre en œuvre les contrats d’avenir et qu’il convient d’en modifier légèrement les règles d’application.
Jeudi dernier, à l’Assemblée Nationale, dans le cadre de l’examen en première lecture du projet de loi sur le développement des services à la personne, il a fait adopter un amendement qui permet de réduire à six mois, au lieu de vingt-quatre, la durée minimale des contrats d’avenir créés par la loi de cohésion sociale et utilisés par les associations. Par un amendement, les députés ont limité cette modulation à l’existence de "circonstances particulières tenant au secteur d’activité ou au profil de poste".
La voie n’est-elle pas ainsi ouverte à une réunionnisation du dispositif ?
La loi Borloo a pour objectif de réaliser la “cohésion sociale”. Atteindre à La Réunion un tel but nécessite d’abord de partir de la réalité de la société réunionnaise et de ses besoins. Il est clair que la mise en œuvre des dispositifs Borloo nécessite de tenir compte du fait que La Réunion détienne le record du nombre de érémistes à qui sont destinés les contrats d’avenir, que les communes qui devraient être les plus gros employeurs des contrats d’accompagnement auront du mal à les embaucher et qu’il est illusoire de penser que ces contrats arrivés à échéance puissent déboucher sur des “emplois ordinaires”.
Le plan de cohésion sociale “territorialise” la lutte contre le chômage. Le même plan propose des mesures discriminatoires pour des catégories sociales déterminées (les femmes, les défavorisés, les jeunes issus de l’immigration, etc...). Dans la droite ligne de ces deux logiques - celle de la territorialisation et celle de la discrimination en faveur de populations défavorisées - le gouvernement peut effectivement donner aux Réunionnais, et après discussion avec eux, les moyens d’une meilleure cohésion de la société réunionnaise.

J. M.


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