Social : Assurance maladie pour riches

Une mutuelle à 1.000 euros par mois

19 avril 2006

Un assureur veut offrir, pour 12.000 euros par an, un luxueux contrat de complémentaire, offrant l’accès à des sommités médicales. Dans un article paru le 14 avril dernier, “L’Humanité”, sous la plume de Yves Housson, décrit le retour en arrière que constitue un tel projet.

Au mépris le plus total du principe de solidarité en vigueur dans l’assurance maladie obligatoire, un assureur privé, les AGF, prépare un contrat de complémentaire santé de luxe, réservé aux très gros revenus. Baptisé “Excellence santé”, il prévoit que les souscripteurs "se voient proposer un certain nombre de prestations - prévention, examens de santé, accompagnement en cas de maladie - et puissent obtenir des consultations, qui seraient facilitées, auprès de sommités médicales", indique le secrétaire général du Conseil national de l’ordre des médecins, Jacques Lucas, qui a eu connaissance du projet. La sélection de ces "sommités" - environ 200, libérales ou hospitalières - a été confiée à un professeur de médecine, Pierre Godeau. La cotisation annuelle serait de 12.000 euros par an, et le public visé, on l’aura compris, serait composé de "quelques milliers" de fortunés privilégiés.

Inspiration libérale

Les AGF ont confirmé que ce projet était "à l’étude". Il s’apparente largement au modèle américain dit des HMO (Health Maintenance Organization), où des assureurs privés organisent des filières de soins incluant des médecins et des établissements. Dans ce système, les assurés sont obligés de se faire soigner au sein de ce réseau. Les toubibs, eux, sont soumis à des contraintes, fixées par l’assureur, découlant des objectifs de rentabilité financière.
L’affaire des AGF a suscité de vives réactions. "C’est totalement opposé à l’aspect solidaire de notre protection sociale", s’insurge Pierre-Yves Chanu, conseiller de la CGT en matière de Sécu. À FO, Jean-Claude Mallet y voit une "provocation mal placée". Du côté des médecins, le professeur André Grimaldi, chef de service diabétologie à La Pitié-Salpêtrière, à Paris, invoque la déontologie : "On ne soigne pas en fonction des moyens mais des besoins des patients. C’est le sens du serment que prêtent les médecins". Le président de la CSMF, plus influent syndicat de médecins libéraux, renchérit : "Éthiquement, assurer à certains des coupe-file, c’est inacceptable", dénonce Michel Chassang, remarquant que "passer un contrat individuel assureur-médecin nous conduit tout droit au système à l’américaine".

La responsabilité des gouvernements

Ce scandale souligne la responsabilité des gouvernements successifs et des gestionnaires de l’assurance maladie (1) qui ont peu à peu rétréci la couverture obligatoire et poussé les feux de la complémentaire privée, autrement dit de la "marchandisation" de la santé. Depuis la réforme Douste-Blazy de 2004, les assureurs sont même officiellement intégrés dans les organismes de pilotage du système de l’assurance maladie, via l’Union des organismes d’assurance maladie complémentaire (UNOCAM). Rien d’étonnant, dès lors, si certains croient pouvoir s’affranchir des règles les plus élémentaires.

(1) L’auteur de ce projet n’est d’ailleurs autre que Gilles Johanet, ancien directeur de la Caisse nationale d’assurance maladie, aujourd’hui patron de la branche santé des AGF...


Suspension du projet

Selon “Les Échos”, le groupe AGF a décidé de suspendre son projet d’assurance-santé haut de gamme, baptisé “AGF Excellence Santé”. "Certains aspects de ce projet suscitent incompréhension et émotion puisque est mise en cause sa compatibilité avec les principes et le fonctionnement de notre système de soins et avec la déontologie médicale", précise le communiqué de la compagnie, qui explique aussi avoir "décidé de se donner un temps supplémentaire de réflexion" avant d’aller plus en avant. Moyennant une cotisation annuelle de 12.000 euros, ce projet devait offrir un certain nombre de prestations - prévention, examens de santé, accompagnement en cas de maladie - et surtout un accès prioritaire à quelque 200 sommités médicales, triées sur le volet par un consultant.


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