Retraite : vers l’allongement de la durée de cotisation ?

Une proposition de réforme inadaptée à La Réunion

30 août 2013, par Céline Tabou

Le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, a annoncé l’allongement des cotisations, sans pour autant élever le départ de l’âge de la retraite, à 62 ans. Cette réforme propose de passer de 41 années de cotisations à 43 ans, d’ici 2035.

Pour de nombreuses personnalités, cette réforme, qualifiée « d’anti-jeune » , ne pourra pas être traduite à La Réunion, en raison des taux de chômage élevés chez les plus de 50 ans et les moins de 25 ans, dont le taux reste le plus élevé de France. En effet, selon cette nouvelle réforme, un jeune arrivé sur le marché du travail à 23 ans devra travailler jusqu’à l’âge de 66 ans pour obtenir une retraite à taux plein.

La réforme du gouvernement mettra en place une augmentation de la durée de cotisation, au rythme d’un trimestre tous les trois ans. En ce qui concerne tous les salariés du privé, leurs cotisations retraite devraient augmenter de 0,3 point sur quatre ans (0,15 point en 2014, puis 0,05 point les années suivantes). Une solution que le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, préfère à la « diminution des pensions ». Cela signifiera qu’un salarié né en 1973 devra cotiser 43 ans pour pouvoir bénéficier d’une retraite à taux plein. Si ce salarié a commencé à travailler à 25 ans, il ne pourra partir sans décote avant 68 ans.

Une mesure « contre la jeunesse »

Des personnalités politiques et syndicales se sont accordées pour dénoncer une réforme des retraites insatisfaisante, car elle ne prend pas en compte les spécifiés réunionnaises. Une réforme jugée « contre la jeunesse », a dénoncé Gilles Leperlier, Président de l’AJFER-Nou Lé Kapab. Pour ce dernier , « à l’instar de la réforme de 2010 du gouvernement de François Fillon, le gouvernement actuel pénalise les jeunes Réunionnais, qui sont pourtant les premiers concernés » .

Le président de l’AJFER-Nou Lé Kapab a indiqué que « le gouvernement occulte un élément fondamental, notamment à La Réunion, pour que des actifs puissent cotiser, il faut qu’ils puissent travailler. Il faut donc impérativement créer des emplois à La Réunion et pas seulement se contenter de dispositifs d’emplois précaires ».

En effet, le taux de chômage des jeunes de moins de 25 ans est de 56,2%, l’un des taux les plus élevés de France.

De son côté, le secrétaire général de Force Ouvrière, Jean-Claude Mailly, a indiqué qu’ « en allongeant la durée de cotisation à 43 ans pour les moins de 40 ans et en refusant de prendre en compte les années d’étude et d’insertion, le gouvernement envoie un message très négatif aux jeunes : pour vous, la retraite à taux plein restera à jamais un rêve inaccessible ».

De même pour les personnes âgées de plus de 50 ans, celles-ci sont 18% sans emploi. Ces dernières ne pourront bénéficier d’une retraite à taux plein. Un contexte qualifié d’ « hors normes » par l’INSEE, auquel s’ajoute le chômage de longue durée, qui concerne 71% des chômeurs qui recherchent un emploi depuis plus d’un an, et 57% depuis plus de deux ans.

L’INSEE a indiqué dans son "Enquête Emploi 2012 à La Réunion" que « plus la durée du chômage augmente, plus l’employabilité et les chances de réinsertion professionnelle s’amenuisent et plus le risque de découragement est fort ».

Une réforme jugée injuste

Yvan Dejean, secrétaire général du PCR, a expliqué que cotiser 41,5 années est « hors de portée » d’un « grand nombre de personnes et surtout pour 60% des jeunes frappés par ce chômage ». Ce dernier a mis l’accent sur les retraités du secteur agricole, « qui touchent une pension de misère », avoisinant les 300 euros par mois.

Yvan Dejean a par la suite évoqué l’Allocation personnalisée de solidarité active (ASPA), qui permet aux personnes ayant de faibles revenus d’obtenir une aide financière supplémentaire. Cependant, cette allocation pour les retraités contraint les héritiers à rembourser le gouvernement après leurs décès.

De son côté, Max Banon, de la CGTR, a évoqué dans la presse d’hier qu’il « faut des choix courageux et aller sur le fond ».

Un souci relevé par Paul Junot, de la CFTC, qui parle de « réforme cosmétique qui ne résoudra pas les problèmes de fond de notre société, à savoir le chômage ».

Même son pour Pascal Valiamin, de Solidaires : « Il n’y a aucune inflexion par rapport aux gouvernements précédents, on est dans la même logique en réalité ».

Enfin, Jean-Hughes Ratenon, de l’ARCP, a mis en avant « les hommes et les étiquettes changent, la politique ne change pas et c’est la population qui paye les pots cassés ».

Une opinion réunionnaise partagée par les représentants syndicaux à Paris, qui ont dénoncé la réforme et prévoient une manifestation le 10 septembre.

La CGT a indiqué ne pas avoir « été entendue ».

Pour Pierre Gattaz, Président du MEDEF, il s’agit d’ « une réforme dangereuse qui n’est pas acceptable pour nous. A vrai dire, c’est même une “non-réforme” : aucun problème structurel n’est résolu. Le gouvernement ne fait que taxer, taxer ».

Marie-Noëlle Lienemann a affirmé que « nous ne pouvons accepter » les 43 annuités de cotisation en 2035. « La décision de rallonger la durée de cotisations après 2020 va faire peser de graves risques de baisse des retraites de nos concitoyens », a indiqué la sénatrice PS dans un communiqué. « S’agissant du financement, si un accroissement des cotisations paraît nécessaire, il est indispensable de mieux faire participer le capital, comme les entreprises qui font d’importants profits et ont peu de salariés », a-t-elle ajouté.

Céline Tabou

La situation actuelle

En 2010, une réforme des retraites inégalitaire

En 2010, le Parti communiste réunionnais a participé aux mouvements de contestation de la réforme du gouvernement de François Fillon. Dès cette époque, l’organisation expliquait que « la réforme des retraites conçue pour la France s’inscrit à La Réunion dans un contexte où les problèmes posés nationalement sont aggravés par les inégalités entre secteur public et secteur privé ».

Ces inégalités se traduisent par un « faible niveau d’annuités de cotisations de la majorité des retraités », « un grand nombre de personnes au minimum vieillesse du fait de l’ampleur du chômage » et des « inégalités importantes en termes d’espérance de vie ». Face à ce contexte, la réforme proposée va « aggraver, d’une part, le décalage entre la situation prévalant en Métropole et celle de La Réunion et, d’autre part, les inégalités à La Réunion ».

Un contexte spécifique

La hausse démographique et notamment le nombre croissant de personnes âgées de plus de 60 ans, qui « va doubler d’ici 2030 », passant de 11,5% à 22% de la population totale, aura un impact sur le développement de La Réunion, mais surtout relèvera d’un « défi considérable » pour les dirigeants.

En effet, le « montant total des pensions versées représente environ 1,1 milliard d’euros et couvre de grandes disparités », car près de 600 millions d’euros sont consacrés à plus de 27.000 retraites de la fonction publique contre près de 440 millions d’euros pour les plus de 63.500 personnes du secteur privé, « relevant du régime général, dont seulement 34% à taux plein, et un tiers au minimum vieillesse ».

La Réunion abrite 27.000 retraités de la fonction publique, qui perçoivent en moyenne 1.845 euros, contre 580 euros pour les 63.500 du privé. « Ainsi, les plus pauvres sont davantage pénalisés. Le gouvernement exprime sa volonté de faire une réforme pour 2030 : nous lui posons la question simple : va-t-on aggraver l’apartheid social ou ne faut-il imaginer une véritable réforme pour 2030 ? », a indiqué le PCR.

« Que fera le gouvernement et que feront les parlementaires de La Réunion ? »

La note publiée par le Parti communiste réunionnais met en avant les « disparités entre le secteur public et le secteur privé », qui « se situent à deux niveaux ». Tout d’abord, au niveau de la durée de cotisations dans le public. « L’allongement de la durée de cotisations envisagée nationalement n’aura pas d’incidence négative pour les retraités du secteur public à La Réunion », mais « les 3/4 des retraités du privé ne bénéficieront pas du taux plein », explique le PCR. A ce niveau, « l’allongement de la durée de cotisations exigée, avec la persistance du chômage et de la précarité à La Réunion, va aggraver cette situation et le nombre de personnes au minimum vieillesse va augmenter ».

Ensuite, le second niveau concerne les « risques accrus d’un appauvrissement de La Réunion et des Réunionnais du fait de la combinaison de plusieurs facteurs » tels que « la menace sur le régime de retraites des agents de la fonction publique » et la diminution du nombre de personnes du privé ayant « la chance d’avoir une pension pleine », à cause de « l’exigence d’une durée de cotisations plus longue ».

Le PCR explique que « les orientations de la réforme du gouvernement concernant le régime des retraites du secteur public outre-mer risquent aussi d’être dans le collimateur du gouvernement » et d’entrainer des coupes drastiques pour pouvoir faire des économies.

Le PCR propose que le minimum vieillesse perçu le 15 du mois soit versé, à leur demande, le 1er du mois, il s’agit d’une « question de respect de leur droit et de justice », car, « en définitive, la réforme des retraites telle qu’envisagée risque d’appauvrir La Réunion et les Réunionnais avec », en raison du chômage de masse, de l’intensité et durabilité de la précarité et de la pauvreté.

Pour conclure, l’organisation a expliqué que « cette réforme remet en cause le socle issu de la Sécurité sociale, c’est une des plus grandes réformes avec des risques de remises en cause d’acquis sociaux obtenus après des luttes ».

Le PCR pose également la question suivante : « Que fera le gouvernement et que feront les Parlementaires de La Réunion ? », car « le développe durable doit exclure des inégalités durables ».
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