BATAILLE POUR L’EMPLOI : Désengagement de l’État, suppression des emplois aidés

Une seule alternative : amplifions la lutte !

29 août 2006

La rentrée sociale à La Réunion montre que la crise perdure : le contexte économique et social est marqué par une augmentation du chômage. Cela risque de s’exacerber davantage car dans les communes, on constate la diminution, voire la suppression du nombre des emplois aidés. Ceci constitue entre autres, une nouvelle illustration de la volonté de l’Etat de se désengager de la lutte contre le chômage.
Or, déjà confrontées à d’inextricables difficultés financières et à de nombreux autres défis, les collectivités ne pourront à elles seules répondre aux attentes de la population dont le mécontentement ira, légitimement, en grandissant. Face à cette situation, il n’y a pas d’autre alternative que de renforcer la mobilisation en vue d’une lutte élargie et unitaire afin de porter d’une seule et même voix un même message : tous ensemble, porter un coup d’arrêt à cette politique de casse sociale et imposer des mesures prenant en compte le respect de la dignité des travailleurs réunionnais privés d’emploi. Tel était le sens de l’appel à l’amplification de la lutte pour l’emploi lancé par Maurice Gironcel, Maire de Sainte-Suzanne, lors du grand rassemblement organisé le 28 avril dernier. Force est de constater qu’il demeure d’actualité. En voici de larges extraits.

"À La Réunion, le contexte économique et social est encore plus difficile qu’en France.
Quelques données qui soulignent l’ampleur de la crise :
o Taux de chômage de près de 40%, c’est-à-dire 120.000 chômeurs, dont 4.000 à Sainte-Suzanne,
o 20.000 demandeurs de logements, dont 2500 rien que sur notre commune, 90.000 familles bénéficiaires du RMI, autant de familles qui subsistent grâce aux minima sociaux. La crise frappe l’ensemble des couches de la population et en particulier les plus vulnérables (les jeunes, dont plus de 8.000 arrivent chaque année sur le marché de l’emploi, les planteurs, les artisans...).
La situation va encore s’empirer en raison notamment de la suppression de certains contrats aidés et de la baisse du nombre des nouveaux contrats
C’est ainsi par exemple que sur Sainte-Suzanne, pour environ 3.800 demandes, seuls 200 postes de contrats aidés ont été accordés par la Préfecture.
Les solutions préconisées que ce soit par ce gouvernement ou les précédents ne correspondent pas du tout à la situation très grave de La Réunion, dont le taux de chômage comme je l’indiquait plus haut avoisine les 40%. Ce qui montre bien la nécessité de ne pas baisser les bras, indépendamment de la lassitude et du découragement.
Il faut donc un grand projet pour les Réunionnais et faire en sorte d’obtenir une large adhésion sur nos propositions.

Désengagement, restriction et casse sociale

Au 31 décembre 2005, les contrats aisés de type CEC et CES ont été supprimés.
En remplacement, dans le cadre du Plan de Cohésion Sociale, le gouvernement les a remplacés par un nouveau dispositif :

- Les Contrats d’Avenir (CA)

- Les Contrats d’Accompagnement dans l’Emploi (CAE) et les CAE " Vie Locale "
Ces nouveaux dispositifs font apparaître en plein jour le désengagement total de l’État en matière d’emploi. Il mène une politique de restriction, de cassure sociale.
En effet, à titre indicatif, en 2001, la collectivité a pu recruter 675 contrats CES. En 2005 ce quota est passé à 124 soit une diminution de plus de 82%.
Par ailleurs, le taux de prise en charge (remboursement de l’Etat) qui était aux alentours de 90% en 2001 et 2002, est passé radicalement à 65% en 2003, 2004 et 2005.
Ceci se traduit pour la collectivité par exemple en 2005 à un coût supplémentaire de fonctionnement en masse salarial de + 25%.
Le constat est le même pour les CEC :

- En 2002, le quota alloué à la collectivité était de 29 contrats

- En 2005, on constate une baisse de 58% (11 contrats).
Les contrats Emploi Jeunes (CEJ) au même titre que les CES et CEC ont été supprimés par le gouvernement sans prévoir de sortie comme le stipulait à l’origine la loi.
Ces contrats, qui bénéficiaient d’un taux de prise en charge à hauteur de 80% de l’État ont connu lors de la mise en place de la convention pluriannuelle après les 5 ans une baisse considérable.

Freins à l’emploi

Les nouveaux dispositifs mis en place depuis le 1er janvier 2006 - contrats d’avenir et d’accompagnement comportent des contraintes aussi bien pour l’employeur que pour l’employé recruté :

- Pour l’employeur : l’État ne participe plus au financement des formations qui sont obligatoires, et au regard des mesures drastiques pour leur mise en place, nos besoins dans les services ne pourront être couverts.
Concernant la collectivité, depuis les premiers recrutements des CAE en février 2006, le budget de formation avoisine les 70.000 euros.

- Pour le salarié : obligation de se former avec comme critère de recrutement un projet d’insertion professionnelle à la base.

En définitive, les contraintes liées à ce nouveau dispositif, sont des freins au recrutement de personnel dans les collectivités dans les années à venir.


Le prix du désengagement

Les conséquences de la politique du gouvernement se ressentent directement sur les finances des communes, en témoignent les données qui concernent la commune de Sainte-Suzanne. Le désengagement de l’État se traduit par une pression sur les collectivités qui n’ont pas les moyens de faire face.

2003 2004 2005
Contrats emplois solidarité (ces) 396 373 124
Masse salariale 2 972 518,56 2 963 425,32 492 580,08
Remboursement Etat ancien Taux (95%) 2 823 892,63 2 815 254,05 467 951,08
Part communale 148 625,93 148 171,27 24 629,00
Remboursement état nouveau Taux (65%) 1 932 137,06 1 926 226,46 320 177,05
Coût supplémentaires pour la Mairie 891 755,57 889 027,60 147 774,02

Le salaire d’un patron : 400 années de SMIC !

Symptome de la crise : l’accroissement des inégalités comme l’explique dans son discours Maurice Gironcel, maire de Sainte-Suzanne.

"L’Etat se désengage et la population trinque, baisse du pouvoir d’achat, or, en même temps, augmentation des impôts pour les familles et cadeaux royaux aux gros possédants
Aucune commune n’est épargnée et les situations de détresse se multiplient, générant des sentiments de frustration, colère légitime des victimes et exclues.
C’est un des syndromes de la maladie française :
Exemples : mardi 22 novembre, le Figaro publie un tableau de rémunérations. Des dirigeants du CAC 40. Le titre est rassurant : " la rémunération des patrons s’est stabilisée ". En réalité, le tableau révèle que le plus souvent, d’une année sur l’autre, il y a de forts mouvements, le plus souvent à la hausse (plus de 53% pour Jean René Fourtou, de Vivendi, plus de 46% pour Maurice Lévy de Publicis). Au terme de cette année de " modération salariale " le Figaro souligne que " les revenus moyens des patrons du CAC 40 s’élèvent à 5,6 millions d’euros par an. L’équivalent de 360 SMIC, ce qui représente 400 années _ soit 4 siècles _ de travail pour une personne payée au SMIC.
A ces revenus " moyens " des patrons, s’ajoutent, bien entendu, une multitude d’avantages, de golden parachutes, de " retraites chapeau " et autres ponts d’or à propos desquels Thierry Breton, ministre des finances et ancien grand patron, parlait de " montants extravagants ".


À la merci de l’arbitraire patronal

Autre volet de la casse sociale dénoncée par Maurice Gironcel, les attaques contre le droit à un emploi durable avec comme illustration le contrat nouvelle embauche (CNE).

"La précarisation des emplois s’inscrit dans la droite ligne de la " stratégie de Lisbonne " édictée en mars 2000 remise au goût du jour tout dernièrement.
Le 07 Mars 2006, L’OCDE (l’Organisation de Coopération Développement Economique) en, Europe avec le MEDEF critiquait le CPE, trop contraignant et trop restrictif à leurs yeux.
Parce qu’après 2 ans, le CDI serait normalement appliqué, c’est clair. Le CNE, malheureusement en place pour les seniors, est aussi un nouveau droit de licenciement.
On peut mettre dehors n’importe qui, n’importe quand, sans motif, sans procédure. Sans aucun recours !
Tout ça remet au goût du jour le fameux CIP de Balladur en 1993 (Contrat d’Insertion Professionnelle) rebaptisé à l’époque " SMIC Jeunes ". Contraint par la lutte, là aussi, de retirer son CIP, Balladur proposait le 21 avril 1994 "Un Comité National des Jeunes".


Renouer avec la lutte unitaire

Le 28 avril dernier, Maurice Gironcel a conclu son intervention par un appel à la lutte unitaire. Un appel plus que jamais d’actualité avec l’aggravation de la crise.

De très nombreux Réunionnaises et Réunionnais, victimes de la précarité et de la pauvreté le doivent en partie au clientélisme politicien.
Il faut donc que les élus désirant réellement le changement, ainsi que les syndicats, les associations luttent ensemble pour un développement durable et solidaire de La Réunion ; ceci est valable pour les emplois aidés, avec la création d’un grand service public pour gérer l’économie solidaire.
Il faut également qu’on finisse par obtenir la transparence en ce qui concerne la formation des prix et le coût réel de la vie à la Réunion dont tout le monde s’accorde à reconnaître qu’il est beaucoup plus élevé qu’en France et continuer la lutte pour la mise en place de l’Observatoire des prix et des revenus.
Ce qui montre bien que nous avons mille et une raisons de retrousser les manches et de renouer de plus belle avec la lutte unitaire revendicative.
Nous devons prendre appui sur ce recul imposé au gouvernement contraint de retirer le CPE et amplifier l’action pour que cessent enfin d’être sacrifiées sur l’autel des inégalités, de l’exploitation, de l’exclusion, de la précarisation, des générations de jeunes réunionnais.
Aujourd’hui et demain, plus que jamais, donc, la population de Sainte-Suzanne est appelée à confirmer son rôle de premier plan dans la lutte à amplifier pour imposer un projet de développement global et solidaire pour toute La Réunion.


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