Panique dans les stations-service

Une société grippée par de multiples grains de sable

6 février 2007

Un vent de panique a soufflé hier sur La Réunion : la rumeur d’une possible grève et un problème technique à la rampe de chargement des camions-citernes transportant les carburants ont provoqué une ruée sur les stations-service. Résultat : beaucoup ont dû tirer le rideau pour cause de rupture de stock. Quant aux automobilistes qui se sont crus obligés de faire le plein, ils ont dû adopter l’attitude des plus démunis d’entre nous : être condamnés à attendre.

La fin de la grève des gérants de stations-service, vendredi après-midi, n’a pas signifié la fin de la pénurie pour les automobilistes. Après un week-end marqué par un retour à la normale, l’annonce d’une possible grève de professionnels de la route, avec blocage du site de la SRPP à la clé, a déclenché une ruée vers les pompes à carburant.
Dès dimanche soir, les files de voitures s’allongeaient à l’entrée des stations servant la nuit. Un tel comportement ne peut être dicté que par la peur d’une pénurie prochaine de carburant. Un manque prévisible lié à la rumeur d’un mouvement social. Une rumeur plausible, car l’ampleur de la victoire obtenue par les gérants de station-service peut avoir donné des idées à des entrepreneurs d’autres secteurs d’activité. En effet, au bout d’une journée et demie de grève, les gérants ont obtenu la garantie de voir la marge qu’ils prélèvent lors de la distribution des carburants augmenter de 16% au cours des 12 prochains mois.

Officiellement un problème technique

Pour autant, hier, les Réunionnais ont cru qu’en l’espace d’une semaine, l’histoire allait se répéter. Et il a suffit de quelques heures pour vider les cuves de dizaines de stations-service en attente de réapprovisionnement.
Et au fil des heures, ce réapprovisionnement ne venait pas. Que se passait-il à la Société Réunionnaise des Produits Pétroliers (SRPP), là où sont importés et stockés les hydrocarbures qui sont ensuite distribués dans toute La Réunion ? Un barrage de grévistes sur le site de chargement au Port empêchait-il les camions-citernes d’accomplir leur service ? Après que la rumeur se soit répandue dans toute l’île, la réponse un peu tardive était donnée en fin de matinée par M. Durand, Directeur général de la société.
Intervenant sur les ondes d’une radio, ce dernier a tout d’abord tenté de rassurer la population : « il n’y a pas de grève à la SRPP, pas de blocage ». Et de donner la version des faits de son entreprise : « à 5 heures 30 ce matin, nous avons rencontré un problème technique à la rampe de chargement des camions. Cela a eu pour conséquence de bouleverser le planning de livraison de SRPP, Caltex, Esso et Total ». Pour le Directeur général de la SRPP, cette panne est d’autant plus malvenue qu’elle survient après un week-end qui a succédé à 2 jours de grève des gérants. Problème technique résolu en début d’après-midi, où il ne restait plus qu’a résorber la file de camions attendant d’être livrés.

Rumeur

La panique suscitée par les craintes d’un blocage dans l’approvisionnement des stations a amplifié les conséquences de cette "panne technique".
Si elle avait été informée plus tôt, la population aurait-elle agi différemment, autrement dit, les automobilistes auraient-ils attendu un retour à la normale pour faire le plein ? Rien n’est moins sûr, car c’est depuis la veille du problème technique touchant l’importateur que la ruée vers les pompes s’est déclenchée. Cette journée montre une nouvelle fois qu’il suffit d’un grain de sable pour gripper complètement le fonctionnement de la société. Comme en fin de semaine dernière, les automobilistes et les transporteurs ont dû attendre des heures pour espérer faire fonctionner un de leur outil de travail.
Ce qui est révélateur dans ce mini-événement, c’est la fragilité des attitudes humaines qui conduisent à des réactions qui ne correspondent à aucune réalité. Les conséquences d’une rumeur peuvent parfois être dangereuses. Hier, c’était un fait anodin, demain si on n’y prend pas garde, cela peut être utilisé et avoir des effets plus graves. Que ceux qui - et nous, journalistes sommes les premiers concernés -font office de diffuser des informations ont une responsabilité capitale . Ne pas induire en erreur nos lecteurs, nos auditeurs ou nos téléspectateurs.


Billet

Comment j’ai succombé à la rumeur ?

« Vas-y vite faire le plein, les transporteurs de la SRPP vont se mettre en grève, je l’ai entendu dans la radio » me dit un membre de ma famille, en m’appelant très tôt ce matin. Prise de panique, je me dépêche pour aller faire le plein avant que les stations services ne soient assaillies. J’ai subi les heures d’embouteillages la semaine dernière lors de la grève des pompistes alors, en voulant ne plus revivre le même cauchemar, je m’empresse de me rendre à la station la plus proche de mon domicile.
Sur le trajet, j’écoute donc cette radio qui a diffusé l’info, pour me rendre compte par moi-même. Effectivement, l’animatrice de service annonce une grève des transporteurs. Arrivée à la station, je constate qu’il y a un peu de monde mais rien d’anormal. Je décide donc d’écouter une autre radio, et à ma grande surprise, cette radio n’en parle même pas dans son journal. Alors rumeur ou pas rumeur ?
La réponse viendra au cours de la journée : j’ai été victime d’une rumeur tout comme beaucoup d’automobilistes. Entre temps, j’ai appris que 19 stations services de Saint-Denis ont été obligées de fermer boutique par manque de carburant.
Beaucoup de bruit pour rien. Et beaucoup de panique pour une fausse information. Encore une rumeur avec ses méfaits et conséquences qui auraient pu être plus dramatiques. En réalité, la SRPP avait un problème technique (voir ci-contre). En fait, il n’y a jamais eu de grève...
Voilà comment j’ai été victime d’une rumeur, rumeur qui a causé du souci à beaucoup d’entre-nous, comme toutes les rumeurs...

S. P.


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