Ouverture du Grenelle de l’Insertion avec Martin Hirsch

Une volonté de lutte contre la pauvreté... à crédibiliser

12 février 2008, par Edith Poulbassia

Une première journée d’échanges qui ne devrait pas s’arrêter là. Le Grenelle de l’Insertion a commencé hier au Département. Martin Hirsch a défendu la pertinence de son nouveau dispositif, et a invité les acteurs locaux à s’emparer du CUI, à l’enrichir jusqu’en mai, avant la fin de l’expérimentation.

Un chiffre de l’Insee à retenir : en 2006, 40% des Réunionnais vivaient en dessous du seuil de pauvreté national, soit avec moins de 800 euros par mois. Premières victimes de la pauvreté, les bénéficiaires des minima sociaux, les 64.000 érémistes, mais aussi les travailleurs pauvres. Le CUI (Contrat Unique d’Insertion) est-il la solution ? Viendra l’heure du bilan, mais déjà, des réticences se font entendre.

L’assemblée était pleine à craquer au Palais de la Source pour la présentation de ce nouveau dispositif par Nassimah Dindar, la Présidente du Département, et Martin Hirsch, le Haut Commissaire aux Solidarités actives et contre la pauvreté. Elus, entreprises, travailleurs sociaux, associations, tous les acteurs étaient invités à échanger sur les « mobilisations en faveur de l’insertion à La Réunion : le rôle des employeurs, les droits et devoirs des demandeurs d’emploi, les obligations des services publics de l’emploi, de l’insertion et de la formation ».

Jusqu’à mai pour enrichir le dispositif

Cette journée d’échanges a ouvert le débat sur les aménagements à apporter au CUI, lequel est expérimenté à La Réunion. Martin Hirsch l’a précisé, il attend des acteurs locaux des propositions pour améliorer le dispositif jusqu’en mai, avant le vote de la loi. Faut-il adapter le CUI aux jeunes demandeurs d’emploi ?

Aux chômeurs de moins de 1 an ? Encore une fois, il a expliqué l’intérêt de ce dispositif, c’est-à-dire permettre à ceux qui sont les plus éloignés du travail d’accéder à un emploi sans être confrontés à une baisse de leurs revenus, en gardant notamment le droit au logement et à la CMU. Soit le principe de solidarité active, « que la machine s’adapte à ceux qui marchent moins vite », aux plus faibles qui sont exclus du monde économique pourtant performant en France. Et La Réunion n’échappe pas au dynamisme économique.

Pour lui, le CUI répond à la nécessité d’adapter le dispositif d’insertion à la réalité du terrain, en facilitant la formation, l’accompagnement, pour une insertion durable. Il ne s’agit pas de « satisfaire à la diminution du coût du travail pour les employeurs, de favoriser des effets d’aubaine », prévient-il.

Gélita Hoarau : Un grenelle de l’Insertion est-il crédible ?

Pour Gélita Hoarau, qui a assisté à l’ouverture du Grenelle de l’Insertion, « Martin Hirsch a pris le temps de mettre le doigt sur certains problèmes et d’écouter les acteurs sociaux », mais elle s’interroge sur la crédibilité de ce grenelle. « A-t-on vraiment pleinement conscience de la situation de La Réunion ? Comment intégrer 60.000 érémistes, des milliers de jeunes sur le marché de l’emploi, est-ce qu’on a vraiment la mesure de la tâche quand on n’arrive pas à trouver une solution pour 1.200 précaires de l’Éducation nationale ? ».

Gélita Hoarau énumère ainsi les 70% de baisse de crédits de l’ANT pour la Mobilité, pourtant un des thèmes des ateliers du Grenelle de l’Insertion, et l’une des trois voies (avec le CUI et le RSA) pour réduire l’inactivité. La sénatrice craint ainsi que le CUI ne soit qu’un contrat aidé de plus, alors que des solutions ont été proposées au président de la République pour des emplois pérennes. « Nicolas Sarkozy est au courant de nos pistes de réflexion. L’Alliance lui a transmis des propositions pendant la campagne présidentielle », propositions qu’il a d’ailleurs approuvées et s’est engagé à mettre en œuvre : les grands travaux, les services à la personne, l’environnement, la formation pour la lutte contre l’illettrisme.

La Mobilité malmenée pour les jeunes, mais reconnue comme voie d’insertion pour les érémistes

La Région a également relevé les incohérences entre l’organisation d’un Grenelle de l’Insertion et les mesures drastiques contre la Mobilité. Annick Letoullec, Présidente de la Commission de Développement humain, a ainsi mis en garde : « la baisse des crédits annoncée pourrait se traduire dès 2008 par la fin du partenariat avec le Québec mis en place depuis 2004, où depuis, chaque année, plusieurs centaines de jeunes suivent un cursus de 3 années d’études », ces jeunes qui sont précisément exclus du CUI.

La Mobilité fait pourtant ses preuves. Ceux de la promotion 2004 sont tous insérés. Sur les 14 jeunes, 11 travaillent au Québec, 3 à La Réunion.

Annick Letoullec a insisté enfin sur la situation des emplois précaires de l’académie et les conséquences du transfert aux collectivités. La Réunion accuse un retard de 28% de dotations en personnel TOS par rapport à la moyenne nationale. Avec 45% d’emplois aidés pour les personnels TOS, La Réunion est le département le plus précaire de France (17% en moyenne). Et pour ces personnes, toujours pas de perspectives durables, toujours pas de plan de rattrapage pour l’académie. Le CUI tel qu’il est actuellement ne pourra atteindre son objectif de lutter contre la pauvreté, en produisant à son tour d’autres laissés-pour-compte.

Edith Poulbassia

Luttes pour l’emploi

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