Aux précaires de payer la précarité

UNEDIC : vers un nouveau recul des droits des chômeurs

5 janvier 2006

Le projet de nouvelle convention de l’assurance-chômage actuellement proposé aux syndicats traduit de nouveaux reculs pour les travailleurs confrontés à la violence du chômage. Ces derniers voient les conditions d’accès à l’indemnisation se durcir, et leurs droits diminuer. Pendant ce temps, pas de hausse de cotisation pour les patrons qui abusent des CDD alors qu’ils contribuent de manière significative aux dépenses de l’UNEDIC. Par ailleurs, la mise en œuvre de l’accord dépend d’un mode de scrutin archaïque.

Les négociations pour une nouvelle convention de l’assurance-chômage (1er janvier 2006 au 31 décembre 2008) se sont terminées le 22 décembre dernier. Force est de constater que le projet soumis à la validation des syndicats pénalise encore davantage ceux qui subissent la précarité et exempte d’effort supplémentaire ceux qui l’utilisent pour augmenter leurs profits.
L’accord devrait recueillir les signatures de la CFDT, de la CGC et de la CFTC. FO a réservé sa réponse puis refusé de signer, ce qui est un coup de tonnerre salutaire. Quant à la CGC, alors que les médias donnaient sa signature acquise, elle réserve sa réponse et consulte ses instances représentatives devant la gravité du sujet.

180.000 personnes spoliées directement

La CGT qui avait, de fait, été exclue de négociations qui se seraient en grande partie passées dans des bureaux ou des couloirs, plutôt qu’en réunion plénière de négociation, a d’ores et déjà annoncé qu’elle ne signerait pas.
Les négociations se sont déroulées sous la menace brandie par le MEDEF de laisser le gouvernement de Villepin s’occuper de l’assurance-chômage si un accord n’était pas trouvé avant le 31 décembre. L’accord réalisé entérine un nouveau recul des droits des chômeurs. Selon la CGT, ce sont plus de 180.000 chômeurs qui, par rapport à la précédente convention, verront leurs droits diminuer. Il ne faut pas oublier, non plus, tous ceux qui seront frappés par le durcissement des sanctions prévu par le décret d’août 2005.
Cependant, échaudée par le désaveu judiciaire du “recalcul” des droits des chômeurs déjà indemnisés, la nouvelle convention ne s’appliquera pas aux chômeurs déjà en cours d’indemnisation.
Quant aux négociations concernant les artistes et techniciens du spectacle (les annexes 8 et 10), elles sont reportées à janvier 2006, et le projet du patronat est très éloigné des exigences des “intermittents”.

Blocage patronal

Au début des négociations, les 5 organisations syndicales présentaient un front commun : elles refusaient que le déficit cumulé de l’UNEDIC (13,7 milliards d’euros), soit résorbé sur le dos des chômeurs. Elles revendiquaient, au contraire, une augmentation des cotisations sociales patronales pour les entreprises employant des salariés précaires.
Cette revendication s’est vue aussitôt opposer un refus brutal du MEDEF qui, par la voix de Laurence Parisot, refusait même d’entendre parler de toute augmentation des cotisations sociales.
La CGT maintenait sa position, mais les autres organisations syndicales abandonnaient rapidement un sujet qui fâchait tant le patronat. Cette revendication n’est réapparue (sous une forme bien édulcorée) qu’en fin de négociation : FO exigeant une cotisation globale supplémentaire de 1,25% sur les emplois précaires. Cette revendication n’est pas reprise dans l’accord, la cotisation retenue par l’accord ne sera que de 0,40% du salaire d’un CDD et sera versée à l’organisme gestionnaire du congé individuel de formation, l’OPACIF.


La réorganisation des filières diminue les droits aux indemnisations

Les demandeurs d’emploi indemnisés par l’UNEDIC (moins d’un chômeur sur deux) le sont en fonction de leur durée de cotisation et de leur âge.
Dans certaines filières, le nouvel accord, s’il entrait en application, durcirait les conditions d’indemnisation et raccourcirait les durées d’indemnisation.
La filière A serait inchangée : elle concerne toujours les salariés ayant travaillé 6 mois dans les 22 mois précédant leur perte d’emploi ; elle ouvre droit à 7 mois d’indemnisation. 17% des chômeurs indemnisés relèvent actuellement de cette filière.
Une nouvelle filière (A +) serait créée. Elle serait ouverte aux salariés ayant travaillé 12 mois au cours des 20 mois précédant la perte d’emploi. Elle permettrait une indemnisation de 12 mois.
La filière B couvre aujourd’hui 67,5% des chômeurs indemnisés. Il serait plus difficile d’y accéder puisqu’il faudrait avoir cotisé 16 mois dans les 26 mois ayant précédé la perte d’emploi au lieu de 14 mois au cours des 24 derniers mois. La durée d’indemnisation resterait identique : 23 mois.
La filière C concerne les salariés de plus de 50 ans. Elle permet à ces salariés de bénéficier d’une indemnisation de 36 mois à condition d’avoir cotisé 27 mois au cours des 36 mois ayant précédé la perte d’emploi. Elle reste inchangée.
La filière D est ouverte aux demandeurs d’emploi de plus de 57 ans et ayant cotisé 100 trimestres. Elle permet une indemnisation de 42 mois. Elle serait supprimée.
Prévue dans l’accord soumis à signature, la création de la filière A + est censée apporter une réponse à la précarisation de l’emploi en permettant aux chômeurs ayant cotisé pendant 12 mois, au cours des 20 derniers mois de prétendre à une meilleure indemnisation que celle qu’ils auraient obtenue dans la filière A. Ils seraient (selon la CGT) 18.200 à profiter de ce glissement. Mais le durcissement des conditions d’accès à la filière B font que des demandeurs d’emploi qui auraient dû bénéficier des conditions d’indemnisation de cette filière se retrouveront dans la filière A et verront donc leurs droits réduits de 11 mois. Selon la CGT, ce sont 99.900 chômeurs qui se retrouveront dans la filière A + alors qu’ils auraient dû être dans la filière B.
De la même façon, la suppression de la filière D fera passer (toujours selon la CGT) 47.900 demandeurs d’emploi dans la filière C. Ils perdront ainsi 6 mois d’indemnisation.


Les profiteurs de la précarité épargnés

La réduction du déficit de l’UNEDIC sera essentiellement financée par le recul des droits des chômeurs. Les cotisations patronales n’augmenteront que de 0,08%, comme les cotisations salariales. Au total, les entreprises paieront 160 millions d’euros par an, les salariés 160 millions également, les chômeurs près de 500 millions.
Les entreprises, pourtant responsables du chômage de masse et de l’explosion de la précarité, seront une nouvelle fois largement exonérées des conséquences de leur politique sociale.
Et, curieusement, alors que l’accord prévoit que les augmentations de cotisation (patronales et salariales) seront supprimées en cas d’amélioration des comptes de l’UNEDIC, il ne prévoit rien de tel pour la régression des droits des chômeurs...


Une réforme de fond à l’horizon

Au cours des négociations de la nouvelle convention UNEDIC, les représentants de la CFDT insistaient sur un point qu’ils considéraient comme fondamental de leurs revendications : la discussion d’une réforme de fond de l’UNEDIC. C’était également l’un des chevaux de bataille des négociateurs de la CGC.
Ils ont bien évidemment bénéficié de l’accord complet du MEDEF qui n’attend que cette réforme de fond pour se débarrasser d’un système d’assurance dont le principe de base était d’augmenter les cotisations chômages lorsque le nombre de chômeurs augmentait.
Les discussions débuteront donc dès 2006 : il y a pourtant tout à craindre d’une réforme de fond de l’UNEDIC en l’absence d’une mobilisation de masse unissant les chômeurs et les salariés ayant un emploi. Les négociations qui viennent de se dérouler en ont une nouvelle fois fait la démonstration. C’est donc à la réalisation de cette unité qu’il faut maintenant s’attacher, dès la négociation du statut des artistes et techniciens du spectacle, en janvier 2006.


Accord majoritaire sans la majorité : retour à l’Ancien régime ?

Tout le monde s’attendait à ce que la CFDT, la CGC et la CFTC signent l’accord portant sur la nouvelle convention UNEDIC. Pour le moment, la CGC réserve sa signature, mais qu’adviendrait-il si elle rejoignait la position des dirigeants de la CFDT et de la CFTC ?
L’accord pourrait être valable car signé par 3 syndicats sur 5. Or, en France, les 2 syndicats qui refusent de signer représentent la majorité des voix. Le précédent gouvernement a fait voter par le groupe UMP de l’assemblée nationale, le 4 mai 2004, une loi sur les "accords majoritaires" selon laquelle la “majorité” ne provient pas du nombre de voix, mais du nombre de syndicats...
C’est comme si, lors du vote d’une loi au Parlement, au lieu de compter le nombre de députés, on comptait le nombre de groupes parlementaires qui y sont favorables... C’est le mode de scrutin que défendaient les représentants de la noblesse et du clergé aux États généraux, voici 216 ans. C’est sur cette base qu’il est possible de spolier les travailleurs de leur droit à une indemnisation s’ils sont victimes de la perte de leur emploi.


La CGC reporte sa décision

Le Bureau national de la CFE-CGC a décidé mardi de reporter sa décision sur la signature de l’accord UNEDIC. La décision est remise entre les mains du Comité directeur confédéral, qui se réunira le 10 janvier. Elle s’explique "compte tenu de la sensibilité des questions liées à l’accord national d’assurance chômage", écrit la CGC. "Compte tenu de la gravité du sujet, la CFE-CGC a voulu faire examiner le texte par ses instances supérieures, représentatif de l’ensemble des fédérations", a expliqué le porte-parole du syndicat, contacté par “Lexpansion.com”. C’est un mini-rebondissement, tant la signature paraissait acquise, son nouveau président Bernard Van Crayenest n’ayant pas fait mystère des intentions de la centrale des cadres. Or, le protocole ne pourra être validé que si au moins 3 organisations syndicales signent l’accord. La CGT et FO ayant déjà fait savoir qu’elles ne signeraient pas l’accord, le jeu reste entièrement entre les mains de la CFE-CGC.
Car la CFDT a, elle, bien paraphé l’accord mardi, tout comme la CFTC l’avait fait la veille. Une décision unanime du Bureau national de la CFDT. Estimant que le texte reprend "en grande partie" ses propositions.
La CGT avait indiqué dès la fin des négociations, le 22 décembre, qu’elle s’opposait au protocole finalisé. Force Ouvrière avait pour sa part créé la première surprise la semaine dernière en refusant de signer le texte pour une "question de principe", le patronat ayant "retiré au dernier moment" l’accord qu’il avait donné sur la formation des salariés précaires.


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