Clôture du séminaire international des syndicats portuaires

Unis et solidaires contre les déréglementations

30 juillet 2005

Au deuxième et dernier jour du séminaire international qui a réuni au Port cinq syndicats des ports de l’océan Indien et l’Internationale des Dockers (IDC), les participants ont rendu publique une Charte d’amitié et de coopération, définissant les grandes lignes d’une ’solidarité agissante’.

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La formule est de Michel Séraphine, de la CGTR Ports & Docks, qui a tenu hier une conférence de presse avec l’ensemble des syndicats, après l’adoption à l’unanimité d’une Déclaration commune : "Quelles que soient les difficultés, nous allons développer une solidarité agissante. Si nous avons un problème dans un port, il concerne l’ensemble des travailleurs des ports. Si un blocage existe à un endroit, le blocage est partout !". La conscience de cette force solidaire s’adresse aux pratiques des compagnies qui, selon les dockers, cherchent à dresser un port contre l’autre, des dockers contre d’autres...
Les syndicats réunis ont brossé un tableau de la situation des ports, dans un contexte où, tant au niveau mondial que dans certaines directives européennes, la tendance est à la déréglementation. "On a beaucoup parlé de la directive Bolkestein. Mais dans la réalité, elle existe déjà pour les dockers, sous le nom de directive Loyola de Palacios, le “Bolkestein des mers”", a poursuivi Michel Séraphine. Une première mobilisation internationale a fait échec à cette directive "de libéralisation des services portuaires", mais une deuxième mouture "identique sur le fond" - disent les dockers - a été adoptée par la Commission européenne et sera devant le Parlement européen en septembre 2005. Autant dire que, de la solidarité, les dockers vont en avoir besoin.
C’est une des raisons de l’organisation de ce séminaire. Il s’est conclu hier sur une Déclaration commune (voir ci-après) qui, entre autres préconisations, instaure un comité de suivi chargé de préparer la mise en place d’une structure de veille. Un référent de chaque syndicat participera, dans chaque île et à l’IDC, au comité de suivi. "Les rencontres vont se poursuivre, selon une périodicité qui peut dépendre des événements", a estimé Gérard Bertrand, président de la SAMSEA-GWF mauricienne, en annonçant que la prochaine rencontre “au sommet” aurait lieu à l’île Maurice.

"Le Port vivait la nuit"

Plusieurs dizaines de représentants d’organismes et sociétés portuaires, des représentants de la CCIR du Port et des représentants de la Mairie ont participé à cette rencontre. Le projet “Ville & port” a été présenté hier après-midi aux participants. En clôture de la manifestation, le directeur du port a présenté un diaporama sur les installations portuaires, avant d’emmener tout le monde en visite guidée sur le terrain - en guise d’illustration des propos tenus le matin-même par Michel Séraphine lors de la conférence de presse : un port travaillant 24h sur 24, équipé de façon moderne et faisant place à tous les acteurs, comme autant de forces de propositions. Les dockers, par exemple, proposent de faire plus de transbordement, en organisant la complémentarité des ports de l’océan Indien.
À l’image de ce que les Mauriciens ont pu faire chez eux - en tenant la dragée haute à la Banque mondiale - les syndicalistes de la CGTR pensent que des horaires et des équipes réaménagés pourraient contribuer à attirer plus de trafic vers La Réunion. "Actuellement, seule la COR travaille 24h/24 par roulement. Mais autrefois, la ville du Port vivait la nuit. Cela a existé ! C’était même une ville animée !", a ajouté Michel Séraphine, comme un exemple de ce que serait un port dans lequel tous les acteurs auraient la voix au chapitre.
Si les Mauriciens s’opposent vigoureusement à toute forme de privatisation - parce que la société d’État fait la preuve de son efficacité (voir ci-après) - les Malgaches en revanche n’y sont pas opposés "du moment que les salariés sont associés à la gestion", a expliqué Rémi Solofo (Serema), donnant un exemple de ce que la solidarité dans la défense des salariés ne commande pas forcément que les syndicats dupliquent partout à l’identique une même position.
Le comité de suivi va notamment étudier la question de la formation des travailleurs portuaires, en lien avec une des branches du CNAM (Conservatoire des arts et métiers), pour aboutir à la mise en place de l’Institut des métiers de la mer.

P. David


Déclaration des Syndicats des travailleurs des ports de l’océan Indien et de l’I.D.C.

La région océan Indien est en devenir et sera un élément majeur dans la géopolitique mondiale de demain.
L’importance grandissante de pays continents à forte population croissante comme la Chine et l’Inde est une donnée essentielle dans les équilibres d’aujourd’hui et de demain.
La fin institutionnelle de l’Apartheid permet à l’Afrique du Sud de rejoindre le concert des nations. Les immenses potentialités de ce pays en font un élément structurel et structurant dans la région.
Les flux maritimes reliant l’Asie du Sud-Est, en passant par le Cap de Bonne Espérance aux pays du Nord témoignent, par leur importance, de la vitalité de la région océan Indien.
La mondialisation néolibérale tend à se structurer au niveau des régions. La problématique régionale interpelle les organisations syndicales.
Des politiques d’intégration régionale se mettent en place, visant à la construction de zones régionales de libre échange qui entretiendrait des relations économiques de libre échange avec l’Union européenne.
L’Accord de Cotonou déboucherait sur la constitution ou le renforcement de 6 régions de ce type dans le monde. Chacune de celles-ci serait amenée à signer des accords de partenariat (APE) avec l’Union européenne afin de parvenir dans un premier temps à une zone de libre échange puis à une union douanière voire monétaire.
Il s’agirait certainement là d’une étape essentielle et fortement structurante de la mondialisation capitaliste.
L’impact de l’initiative Tout Sauf les Armes, de l’AGOA, du NEPAD, des Objectifs du Millénaire pour le Développement sur les évolutions en cours nous renseignera mieux sur la configuration à venir de la région.
La réforme de l’OCM-Sucre et la révision du protocole sur le sucre auront des conséquences graves tant sur Maurice que sur La Réunion, les travailleurs en seront les premières victimes.
La mise en place de ces processus structurels interpelle les organisations syndicales quant à la nature des relations socio-économiques permettant une mise en concurrence des régions et des salariés (par exemple des ports entre eux) ou un développement régional intégré et mondial solidaire entre les peuples.
Le néolibéralisme appliqué à l’intérieur de chaque pays ou dans les relations entre les pays dans le monde remet en cause les acquis des salariés et le droit des nations à disposer d’elles-mêmes.
Situés aux frontières des nations, au cœur des échanges économiques et financiers, les travailleurs portuaires sont également visés par les politiques néolibérales.
Ainsi la réforme des services portuaires (dockers, pilotage, remorquage, entrepôts, terminaux...) dite de Loyola de Palacio veut casser la profession dockers dans le cadre d’une politique de privatisation des ports, pourtant outils essentiels du développement des pays, afin d’assurer la main mise des grandes compagnies maritimes sur les économies des pays.
Le ‘’Bolkestein des mers’’, par le principe de l’auto-assistance qui permet aux compagnies maritimes de faire appel aux personnels de leurs choix (équipages des navires ou personnels à terre non qualifiés) de procéder eux-mêmes au déchargement des navires, vise à démanteler les conventions collectives des dockers. Ce principe contrevient aux dispositions de la convention n°137 de l’OIT qui stipule que le travail portuaire doit être effectué par les travailleurs portuaires immatriculés.
Dans les faits, ce serait la fin de l’obligation d’employer les dockers pour tout travail situé à l’intérieur de l’enceinte portuaire.
L’objectif de rentabilité financière des grandes compagnies maritimes contrecarre des politiques de développement tant nationales que régionales et pèse fortement sur les salariés.
Les organisations syndicales et l’International Dockworkers Council (IDC) réunis conviennent :

- de l’impérieuse nécessité, au regard du développement des pays, de stopper la déréglementation des professions portuaires et la privatisation des ports,

- de l’importance de la formation professionnelle permettant aux salariés de s’adapter à l’évolution rapide des métiers tout en intégrant l’aspect essentiel de la sécurité au travail,

- de prolonger, de fortifier et d’approfondir les relations entre leurs organisations en travaillant notamment la solidarité entre les travailleurs des ports et en renforçant le combat pour la reconnaissance de leurs professions, et donc de leurs conventions collectives ; et en aidant à la structuration mutuelle de leurs organisations syndicales,

- d’adhérer à l’IDC,

- d’approfondir encore leur réflexion et leur pratique sur les politiques d’intégration régionale menées actuellement dans le cadre de la mondialisation néolibérale et sur la place des travailleurs dans les pays et régions,

- au-delà de la perspective à moyen terme de mise en place d’un comité de veille (d’anticipation et de suivi), de la nécessité de travailler concrètement à des projets faisables de coopération syndicale par exemple sur :

- l’information et les moyens de communication,

- la formation syndicale (la formation à la négociation, de formateurs et des cadres syndicaux). La formation de nos Directions de demain est une question essentielle pour le renforcement de nos organisations.


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