“Vacances” : un mot qui n’existe pas pour les chômeurs

12 juillet 2006

Dans cette société, il y a d’un côté ceux qui travaillent, et de l’autre ceux qui ne travaillent pas. Du point de vue de certains sans emploi à la recherche d’une activité déclarée rémunérée ou d’une formation professionnelle, les salariés peuvent se permettre d’aller en vacances. C’est le moment d’être auprès de leurs enfants, de s’évader dans les sillons des sentiers du littoral et des hauts, de se dorer sur les plages de l’Ouest et du Sud ou de quitter l’île pour découvrir d’autres mondes.
Les vacances sont, selon la définition du dictionnaire en ligne de TV5 Monde, "le temps pendant lequel une fonction, une dignité, un emploi n’est pas rempli, n’a pas de titulaire ou le temps de repos, d’interruption des travaux". En discutant avec les habitués de l’association Tchao La Rak à La Possession ou des jeunes sortis récemment du circuit scolaire ou encore des chômeurs longue durée, pour eux, le mot vacances rime curieusement avec travail, car sans travail pas de vacances ? Aussi, d’autres chômeurs disent mal vivre cette situation malgré quelques rayons de soleil. Ils semblent également avoir perdu la notion du temps car pour certains, "tous les jours se ressemblent".

Jean-Fabrice Nativel


Témoignages

o Jean-Luc, sans emploi aujourd’hui...

... n’a jamais pris un jour de vacances

Jean-Luc vient de mettre la clé sous la porte de sa petite entreprise de plomberie. Maintenant, il est sans emploi et ne bénéficie d’aucune allocation chômage. En 20 années d’activités, il dit "ne jamais avoir pris un seul jour de congés". Il était l’homme-orchestre de sa société : il prenait les rendez-vous, dépannait et tenait la comptabilité. Il a selon lui "sacrifié sa vie et sa vie de famille pour offrir ce qu’il y a de mieux à sa femme, au foyer, et à ses enfants qui continuent leurs études universitaires à La Réunion et en France". Pendant les vacances scolaires, ses enfants ont pu se rendre dans les colonies de vacances ou se retrouver dans des voyages organisés. Aujourd’hui, Jean-Luc vit des instants pénibles et se demande s’il pourra tenir longtemps sans activité. Cette perte de salaire peut selon lui "fragiliser la situation du foyer".

o Patrick

"J’ai le cœur qui grossit"

Patrick n’a "pas les moyens de s’offrir des vacances". Il a été "manœuvre maçon puis agent de sécurité", et du jour au lendemain, sa vie a basculé. Aujourd’hui, lorsqu’il voit ses voisins et leurs enfants partir en vacances, il a le cœur qui "grossit". Il a pu voyager lorsqu’il était militaire puis, par le biais d’une association, se rendre à l’île Rodrigues récemment. Pour lui, le travail est synonyme "d’équilibre" qu’il tend à retrouver. Mais les vacances...

o Bernard

Une blessure qui ne cesse de s’ouvrir

Bernard, lui, vit "tous les jours comme des vacances". Il ne dispose pas de revenus suffisants pour, dit-il pudiquement, s’accorder "des moments de liberté". Les 365 jours, ils les passent pour la plupart du temps dans le même quartier, auprès des mêmes amis et participe aux mêmes activités - la belote et les dominos. Il aimerait, comme tant d’autres, découvrir de nouveaux horizons. Le fait de ne pas percevoir de salaire à chaque fin de mois, il le vit comme une blessure qui ne cesse de s’ouvrir tous les jours.

o Liliane

Des vacances à la rivière ou à la mer

Liliane, mère célibataire, perçoit le Revenu minimum d’insertion (RMI) plus les allocations familiales pour subvenir aux besoins de ses enfants. Elle n’a jamais quitté La Réunion comme ses marmailles. Selon les années et les ressources, elle peut inscrire ses enfants dans les centres aérés ou les colonies de vacances. Dans le pire des cas, elle leur offre des baignades dans les rivières ou à la plage si elle a les moyens de payer le bus. Mais pour elle, pas de vacances.

o Fabiola

"Avec mes enfants, je me rends chez ma sœur"

Fabiola, la trentaine, sans emploi, est la seule parmi les personnes rencontrées à vivre sa situation avec le sourire. Pendant les vacances, elle ne se casse pas la tête. C’est l’occasion pour elle d’accorder encore plus d’attention à ses 4 marmailles. Elle se rend chez sa sœur qui habite le Sud pour profiter des jours agréables. En se privant, et avec quelques économies, elle a pu récemment offrir à ses enfants un séjour dans la Grande Île.

o Émilie

"Je suis épuisée et fatiguée"

Émilie, 20 ans, est sur le point de participer à une formation professionnelle. Heureusement ! Malgré son jeune âge, elle est "épuisée et fatiguée". Elle attend beaucoup de ce stage. Peut-être en emploi à la clé ou un perfectionnement dans la branche qu’elle a choisie ? Lorsqu’elle décrochera son premier emploi, elle prendra des vacances, se dit-elle. Mais pour l’instant, elle épargne "pour passer le permis, puis acheter une voiture et l’assurer".

o Yolène

"Je ne tourne plus en rond"

Yolène aussi n’a jamais pris de vacances du temps où elle travaillait. Et maintenant qu’elle ne travaille pas, elle ne peut plus en prendre. Elle a gardé les enfants de ses enfants et continue à le faire. Cela lui permet "de ne plus tourner en rond". Auprès de sa petite fille, elle a retrouvé la joie de vivre.


102.478 chômeurs

La Réunion est la région française qui enregistre le taux de chômage le plus élevé - 02.478 dont 55.327 d’hommes et 47.151 de femmes en 2004. Après avoir atteint un maximum de 38% en 1998, il était en baisse jusqu’en 2002 (31%). Il progresse à nouveau et atteint les 33,5% au deuxième semestre 2004.

(Source Insee-Réunion 2005-2006)


Illustration d’un appauvrissement de la population en France

Prestations familiales : + 54% de bénéficiaires entre 1998 et 2003

Le nombre de bénéficiaires des prestations familiales a augmenté de 54% entre 1988 et 2003, et les "publics cibles" de ces prestations ont évolué en raison principalement de l’évolution de la législation familiale, relève une étude publiée le 7 juillet par la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF).
La population bénéficiaire de prestations familiales atteint désormais 10,3 millions. Le montant mensuel des prestations a plus que doublé, à 2,81 milliards d’euros.
Sur ce montant global, la part des allocations familiales a progressivement baissé, passant de 40% du montant total à 30%. Car même si le montant global des allocations familiales a continué à augmenter de 1988 à 2003, d’autres prestations versées par la CNAF ont progressivement pris plus de poids.
Les aides au logement, par exemple, représentaient en 2003 38% des prestations versées, contre 31% en 1998. Les prestations "petite enfance", comme l’Allocation parentale d’éducation (APE), sont passées à 19% contre 17%.


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