Violences faites aux femmes :

« C’est un problème politique »

18 novembre 2011

Rencontre avec Huguette Bello, Députée-maire et Présidente de l’Union des femmes réunionnaises (UFR), qui nous livre sa vision sur les violences faites aux femmes...

Les nombreuses enquêtes menées sur les violences faites aux femmes révèlent un indice de violence régional supérieur à la moyenne nationale. Ces chiffres parlent d’une violence deux fois plus présente sur le territoire réunionnais. Véritable fléau ou problème de société ?

La présidente de l’UFR pense qu’il faut « temporiser et relativiser ces chiffres », avant de poursuivre : « dans toutes les sociétés du monde, il y a des violences. Aussi bien dans les grands pays qui ont soi-disant instauré l’égalité. Si vous regardez les États-Unis, toutes les deux secondes, il y a une femme violentée. Si on regarde la France, le grand pays des droits de l’Homme, où l’on considère que ce n’est pas l’urgence politique, que ce n’est pas l’urgence sociale : tous les deux jours et demi, il y a une femme qui se fait tuer. Les violences ne sont pas un phénomène qui date d’aujourd’hui. Les violences ont existé et existent. C’est un phénomène universel. Aujourd’hui, si on en parle plus, c’est que les femmes dénoncent davantage les violences. Et je crois que les Réunionnaises, sur ce plan-là, contrairement à que l’on pourrait dire et contrairement à ce que les statistiques peuvent dire, sont à l’avant-garde : elles vont déposer plainte ».

Selon elle, cette tendance à percevoir les violences faites aux femmes sur le territoire réunionnais comme deux fois plus importantes qu’au national tend à renforcer la stigmatisation et les préjugés sur l’homme Réunionnais : « On a aussi cette tendance à dévaloriser l’homme Réunionnais : c’est un sauvage. Or, il n’est pas plus, ni moins que l’homme de la France hexagonale. Il faut cesser de stigmatiser l’homme Réunionnais et dire qu’il frappe plus les femmes, ici, dans notre pays ».

Pour la mise en place d’une loi-cadre

En 2010, la lutte contre les violences faites aux femmes a été décrétée « grande cause nationale » et s’est traduite par la loi du 9 juillet 2010. La présidente de l’UFR a proposé l’examen de la loi-cadre en avril cette année, comme pour témoigner de l’insuffisance de la loi du 9 juillet 2010.

« La loi-cadre donne les moyens aux services de l’éducation. Elle donne aussi des moyens pour que la littérature, la publicité, nos médias soient moins sexistes. Elle donne également les moyens sur le plan de la santé. Les médecins n’ont pas de formation suffisante pour faire face et traiter les violences faites aux femmes. Il en est de même pour les magistrats, Amnesty international le dit : on ne consacre même pas une heure pour la formation des magistrats pour traiter le problème des violences faites aux femmes. C’est pour cela qu’on souhaite aussi qu’il y ait des magistrats et des juges spécialisés sur les violences faites aux femmes ».

Les moyens pour empêcher la récidive des personnes violentes font aussi partie de cette loi-cadre : « On souhaite aussi que la personne, l’auteur des violences soit suivi. Il faut permettre à cette personne de se construire et d’avoir un suivi médico-psychologique. Le problème de la récidive doit être pris en compte. Il faut qu’il y ait des lieux d’accueil des personnes violentées, autant qu’il y ait des lieux d’accueil pour les personnes violentes ».

Malheureusement, cette loi-cadre, malgré ses nombreuses propositions, n’a pas été retenue par l’Assemblée nationale.

« Un problème politique, au sens noble du terme »

Malgré les avancées en matière de droit des femmes et de reconnaissance des violences faites à leur encontre, la lutte contre ce fléau est souvent jugée insuffisante, voire inefficaces, par les associations féministes. La présidente de l’UFR estime qu’il y a encore des progrès considérables à faire en la matière, non seulement en termes de reconnaissance du problème, mais également de considération politique vis-à-vis de ce fléau : « Tant que l’on classera les violences faites aux femmes dans les faits-divers, et que ce ne sera pas classé dans la page politique parce que c’est une affaire d’État, c’est un problème politique, dans le sens noble du terme. C’est un problème dans la vie de la cité, dans le sens étymologique. C’est la vie politique, et aussi la vie de la cité qui souffrent de ce problème de violences faites aux femmes ».

A quelques mois de la Présidentielle, Huguette Bello estime que « c’est un engagement que doivent prendre les candidats, notamment de gauche. Je comprends tout à fait que ce gouvernement qui est en place ne veut pas traiter ce problème. Quand vous avez un gouvernement qui met en place la réforme des collectivités territoriales, qui minimise le rôle des femmes dans la vie politique de la nation et qui veut encore minimiser la place des femmes sur le territoire et remet en cause complètement la parité : c’est logique dans ce contexte qu’on ne veuille pas examiner la loi-cadre ».

Lutte contre les stéréotypes et éducation

Au-delà de la loi, c’est un problème d’éducation et d’image des femmes, pour la présidente de l’UFR. « Notre société considère nos femmes comme inférieures. C’est cette infériorisation dans laquelle est tenue la femme qui fait que des violences sont exercées. En matière d’éducation, on a aussi beaucoup à faire : papa lit son journal, maman fait de la couture... ». Selon elle, « ces stéréotypes ne sont plus possibles, tout comme on ne peut plus tolérer la publicité qui remet en cause l’intelligence et les capacités de création des femmes... ».

Huguette BelloNou lé Kapab - numéro 12

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