Interview de K.O.S., filleul de Zorro Chang :

« Réveillez-vous pour faire bouger les choses ! »

14 octobre 2011

Après le Festival International de la Jeunesse Réunionnaise, où l’artiste réunionnais Zorro Chang a pu se produire, l’équipe de “Nou lé kapab” vous fait découvrir un autre talent local, K.O.S., jeune artiste de La Possession, le « filleul de cœur » de Zorro Chang.

Tout d’abord, pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?


- Je m’appelle Jérémy Thémyr, mais mon nom d’artiste est K.O.S. Je suis né au Port, mais j’habite depuis pas mal de temps à La Possession.

Pourquoi K.O.S. comme nom de scène ?


- K.O.S. est un surnom donné par mes camarades au collège... Je n’aime pas trop la raison de son existence, mais j’y suis attaché, car ça fait partie de moi ! J’étais jeune, et à l’époque, et comme pas mal de jeunes réunionnais, j’avais la rage, contre un système, contre l’école, contre les injustices que je vivais au quotidien... Et donc, KOS pour « kass les os », seul moyen de me canaliser, avant de trouver ma voie avec l’écriture et la musique.

Comment avez-vous commencé la musique ?


- Oula, ça remonte ! Depuis le collège, avec mes amis on improvisait, on faisait des petites compos « pour le plaisir ». Et puis j’ai rencontré Zorro Chang, qui dès le début m’a soutenu, il nous a donné des conseils pour nous faire connaître. Peu à peu nos efforts ont payé ! On a commencé à jouer dans des petits concerts, comme ceux organisés pour la fête de la musique. À l’époque notre groupe s’appelait « Influenza ». Après ça s’est enchaîné, on a pu jouer dans des boîtes, notamment Saint-Gilloises, comme “Le Club” ou “Le César”. Et puis sinon on aime beaucoup jouer dans des soundsystem, car c’est vraiment une ambiance sympa, ouverte à tous ! On a aussi enregistré un CD « Baz Sound Bass ».

Quelle est la situation de l’industrie musicale à La Réunion ?

- À mon sens, la situation est très grave à l’heure actuelle pour les artistes, surtout les jeunes. Être artiste c’est s’engager pour la société, et aujourd’hui ce qui est sûr, c’est que la société n’est pas prête à s’engager pour nous. À La Réunion, si vous voulez vous en sortir en tant que jeune artiste, il ne faut pas compter sur les maisons de disques, bien trop refermées sur un cercle privé, mais on a besoin d’avoir des maisons de disques locales, ouvertes à tous les Réunionnais.
Alors, heureusement qu’on n’attend pas d’être aidé pour continuer à faire ce qu’on aime : on ne peut s’en sortir qu’en étant solidaires entre nous. Et ça passe par notre propre production, faite à la maison, avec les moyens du bord ! On n’a pas le choix, on a vite intérêt à se faire un réseau d’amis artistes qui peuvent nous aider à enregistrer nos compositions en nous prêtant du matériel par exemple. On a appris à investir ensemble pour que nous puissions créer le plus possible. Alors, pour avoir une chance de se faire connaître on s’autoproduit, on fait marcher le bouche à oreilles et puis parfois on peut se débrouiller pour jouer dans un festival comme Zorro Chang. Cependant, ce genre d’initiative comme le FIJR, est à multiplier, et vite, car il y a une grande demande de la part de la population qui a besoin de connaître la musique locale.

Que pensez-vous de la situation économique et sociale à La Réunion ?

- Je pense qu’aujourd’hui avec la misère qui continue de s’amplifier à la Réunion, notre seule échappatoire c’est la musique. Les gens ne peuvent être que de plus en plus déprimés, car en plus d’avoir un niveau de vie et un pouvoir d’achat faible, on ne leur donne pas l’occasion d’écouter ce que nous les jeunes nous avons à dire ! On ne nous donne plus d’opportunités de s’en sortir, même avec un diplôme, on n’a plus de rêves, on nous prend nos espaces de libertés pendant que les riches continuent de s’engraisser et a profiter ! La situation économique et sociale fait peur pour l’avenir, on ne peut pas laisser ces décalages se creuser encore plus. On doit se battre pour l’égalité des chances ensemble !

Quel message souhaitez-vous transmettre à la jeunesse réunionnaise ?

- Mon message est assez simple : ne vous laissez pas avoir et réveillez-vous pour faire bouger les choses ! Il y a trop de raisons de s’indigner, et pourtant, on se laisse avoir par la violence, l’alcool, la fainéantise. Alors qu’on a un sacré potentiel, mais si peu valorisé que forcément, on le laisse gâter. Mais maintenant, il faut qu’on agisse, qu’on se prenne la main et surtout se prendre EN main ! On vie sur une île magnifique, et pourtant on attend, on reste passif. On doit se lever et dénoncer, et surtout sortir de cercle vicieux de la violence. Combien de personnes tournent en rond, car elles ignorent qu’en fait elles sont puissantes. On a tous un pouvoir, mais il faut l’utiliser pour s’en rendre compte. J’aimerai que ceux qui m’écoutent comprennent qu’on doit grandir en étant solidaires, et que la délinquance tue notre pouvoir sur le monde. Le système nous donne toutes les raisons pour qu’on soit enragé, mais ce n’est pas seulement comme ça qu’on va le battre et s’en sortir !

Que souhaitez-vous pour la jeunesse d’aujourd’hui et de demain ?


- Je pense que le mieux pour la jeunesse, serait qu’on puisse enfin avoir de l’espace pour qu’on s’exprime, pour qu’on partage ensemble nos idées. Les jeunes doivent sortir de l’ombre et faire éclater notre potentiel ! Il faut que nous construisions un système solidaire, où les vrais problèmes se résoudraient entre citoyens, par les citoyens. Mais pour ça, faut qu’on nous laisse occuper un lieu, où on pourrait se réunir, sans que ça soit le bar du coin !

Et ta chanson préférée de toutes tes compositions ?

- En fait, je n’ai pas de chanson « préférée » mais disons que sentimentalement, celle qui me tient le plus à cœur c’est “Loin d’être des anges”, qui est assez autobiographique, et retrace donc une certaine partie de ma vie...


Nou ar trouve !
Remerciements à toutes et tous ceux qui ont participé à l’élaboration de ce journal, Elody M., Béatrice L., Robin N., Gilles L.,…
Retrouvez nou sur FB « L’Az Do Fèr », sur le blog www.noulekapab.com ! RDV Vendredi prochain !
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