Surpopulation carcérale : des propositions faites qui ne convainc pas

4 juillet

Au 1er juin, les chiffres du ministère de la Justice ont établi à 84 447 personnes détenues pour 62 566 places. La surpopulation carcérale s’établit à 150 % dans les prisons réunionnaises et notamment la maison d’arrêt de Domenjod qui regroupe 846 détenus pour 560 places. Le taux de surpopulation est le même pour la prison de Saint-Pierre, dans le sud, selon un rapport du Sénat, datant d’octobre 2024.

La France a été sanctionné à plusieurs reprises pour la surpopulation dans les prisons. En effet, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a condamné en juillet 2023 la France pour conditions indignes de détention.

A La Réunion, depuis 2023, les syndicats du personnel pénitentiaire alertent sur la situation catastrophique qui se déroule dans les prisons. La surpopulation carcérale s’établit à 150% dans les prisons réunionnaises et notamment la maison d’arrêt de Domenjod qui regroupe 846 détenus pour 560 places. Actuellement, les prisons de La Réunion accueillent également des détenus en provenance de Mayotte, dont la surpopulation est à 260%, ce qui accroît la pression carcérale et accentue les tensions et violences potentielles entre détenus.

Transformer des "Ehpad vides" et des "centres de vacances abandonnés" en prisons

Le ministre de la Justice, Gérald Darmanin, a déclaré le 3 juillet sur franceinfo qu’"il y a plein de solutions possibles" pour augmenter le nombre de places de prison en France. "Il y a encore plein de choses à faire avant d’imaginer une mesure de régulation carcérale que je ne prendrai pas", a expliqué le garde des Sceaux.

Parmi les propositions du ministre pour lutter contre la surpopulation carcérale : transformer des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) fermés, les hôtels ou encore les "centres de vacances" fermés en prison.

"On veut envoyer des gens moins dangereux dans des lieux moins carcéraux et les gens dangereux dans les prisons (…). Il y a des Ehpad vides, il y a des centres de vacances qui sont abandonnés, il y a des lits froids, il y a des hôtels", a expliqué le ministre, avant de rappeler qu’une prison de haute sécurité réservée aux narcotrafiquants sera inaugurée le 31 juillet à Vendin-le-Vieil (Pas-de-Calais).

"Dans ces lieux de privation de liberté où les gens passeraient quelques semaines, évidemment on n’aura pas la même dangerosité que le narcotrafiquant ou l’homme radicalisé qui est dans une prison de haute sécurité", a-t-il assuré.

De son côté, le Synerpa, principal syndicat des Ehpad privés, a dénoncé la proposition du ministre de la Justice et estimé qu’il s’agissait" d’une "mesure anachronique" face au vieillissement de la population.

"Ce qui est sûr, c’est que nous construisons trop peu de places de prison", a souligné Gérald Darmanin. "Donc d’abord, il faut des places de prison et il ne faut pas envoyer en effet des personnes qui seraient auteurs de cambriolages ou de violences du quotidien, si j’ose dire, avec des narcotrafiquants et des terroristes", a-t-il poursuivi, souhaitant un "changement de modèle".

"On va construire en 18 mois des places de prison", a-t-il affirmé. "Nous allons construire en octobre prochain à Troyes, la première prison modulaire en 18 mois qui coûte deux fois moins cher", a salué le locataire de la place Vendôme, vantant la rapidité de la livraison et son faible coût : 200 000 euros la place de prison au lieu de 400 000 habituellement.

A La Réunion, un projet de prison modulable est "insuffisant"

Le projet ministériel de construction de prison modulaire ne suffit pas à apaiser les tensions dans les prisons et maisons d’arrêt de La Réunion. Entre surpopulation carcérale, vétusté et manque de surveillants, les syndicats pointent un malaise profond.

"Des modules de semi-liberté, oui, mais à condition de répondre aux besoins du territoire", a estimé Vincent Pardoux, secrétaire régional FO, sur Réunionla1ère. Le projet la construction de 1 500 places supplémentaires en France, dont une partie au Port.

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Ce projet ne répond pas aux besoins réels sur l’île, soulignent les syndicats, même si la construction modulaire est dédiée aux détenus en semi-liberté. Autrement dit, des personnes qui travaillent le jour et qui retrouvent leur cellule la nuit.

La Réunion abritera bientôt une prison modulaire qui sera implantée au Port. Ce bâtiment sera livrable en 18 mois, afin de lutter contre la surpopulation carcérale. "On a un centre de semi-liberté sur le centre pénitentiaire de Saint-Denis, on en a un autre sur Saint-Pierre. On a du mal à intégrer des détenus sur ces deux unités, car il faut avoir un profil particulier, parce que ce sont des décisions rendues par un magistrat", a indiqué Vincent Pardoux.

A La Réunion, la surpopulation carcérale concerne 350 détenus qui se retrouve surtout dans les maisons d’arrêt. Ces dernières sont à saturation. "À Saint-Denis, on a 576 places pour plus de 900 détenus", a précisé Vincent Pardoux. Au Port, il y a 502 places pour 502 détenus, "mais on y est déjà à flux tendu", a souligné Samuel Fontaine, secrétaire régional de l’Ufap-Unsa. À Saint-Pierre, certains dortoirs vétustes sont encore utilisés. Face à l’arrivée croissante de nouveaux détenus, "on finit par devoir les accueillir même s’il n’y a plus de place", a déploré Vincent Pardoux.

Outre la surpopulation, le manque de personnel est aussi un problème. Les syndicats demandent entre 30 et 45 agents supplémentaires, répartis entre Saint-Denis et Saint-Pierre, afin d’assurer la sécurité et un fonctionnement minimal. "Il manque 45 surveillants dans notre Département pour pouvoir fonctionner correctement. 25 à Saint-Denis, 20 au Port. La surpopulation dans nos maisons d’arrêt atteint des chiffres jamais vu. En aucun cas, cette création de nouvelle structure va permettre de désencombrer les établissements", a précisé le secrétaire régional FO.

Les syndicats dénoncent un traitement inégalitaire de l’Outre-mer, avec une attention limitée à l’axe Antilles-Guyane. "Depuis des années, l’océan Indien et La Réunion, sont complètement oubliés par le ministère", a expliqué à La 1ère, Vincent Pardoux. Les infrastructures sont vieillissantes, les effectifs sont sous tension et les syndicats pointent du doigt "une absence de vision à long terme".

Samuel Fontaine, secrétaire régional de l’Ufap-Unsa, a demandé "un vrai projet pénitentiaire dans le Sud de l’île", pouvant absorber les flux liés à l’augmentation des violences intrafamiliales et du trafic de drogues. Les syndicats ne veulent pas de simples modules temporaires, mais une prison à part entière, adaptée à la réalité du territoire réunionnais.


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