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L’autonomie énergétique impossible à cause de décisions politiques

Utiliser l’argent destiné à un train électrique pour construire une route en mer est un moyen d’empêcher La Réunion d’atteindre l’autonomie énergétique

vendredi 6 mai 2016, par Manuel Marchal


Selon la Région, EDF et l’État, l’autonomie énergétique de La Réunion est impossible à cause de la part des transports dans la consommation en énergie dans notre île. C’est ce qui a été dit mercredi lors de la conférence débat « Après la COP21 : quelles applications pour La Réunion ? ». Ce que ces trois acteurs omettent de dire, c’est que le tram-train et les centrales photovoltaïques de la route des Tamarins devaient rendre irréversible le déclin des énergies fossiles dans les transports à La Réunion. Si l’autonomie énergétique n’est plus possible, c’est la conséquence de décisions politique prises dans ce but.


Utiliser l’argent destiné à un train électrique pour construire une route en mer est un moyen d’empêcher La Réunion d’atteindre l’autonomie énergétique.

Mercredi dernier, le SIDELEC Réunion a organisé une conférence débat « Après la COP21 : quelles applications pour La Réunion ? ». Les échanges ont placé la question de la politique énergétique à La Réunion au centre du débat. Il est clairement apparu une convergence de vue de la Région, de l’État et d’EDF sur un point : l’autonomie énergétique est une illusion, l’objectif est l’autonomie électrique en 2030. Pour ces trois acteurs qui décident de la politique énergétique de La Réunion, l’abandon de l’autonomie énergétique s’explique par la part des transports, gros consommateurs d’énergies fossiles.

Cette convergence Région-État-EDF est la preuve d’une régression considérable imposée à La Réunion depuis que Didier Robert est président de la Région Réunion en 2010. Rappelons que ce résultat a été rendu possible par l’existence d’une coalition impliquant les responsables de la Fédération socialiste et Huguette Bello dans le but de faire perdre la liste progressiste arrivée en tête au premier tour des régionales de 2010, l’Alliance.

L’objectif 2025 était réaliste

En effet, avant cette catastrophe, La Réunion était lancée sur le chemin de l’autonomie énergétique pour 2025. C’était sur la base d’un mot d’ordre lancé en 1999 par Paul Vergès. Des décisions ont ensuite été prises pour valoriser le riche potentiel de La Réunion en énergies renouvelables. C’était notamment la création de l’Agence régionale de l’énergie Réunion (ARER), la mise en œuvre du PRERURE (Plan régional des énergies renouvelables et d’utilisation rationnelle de l’énergie), feuille de route de l’autonomie énergétique. Ces progrès ne se faisaient pas sans opposition. Quand EDF a lancé le projet de remplacement de la vieille centrale thermique du Port par une centrale modernisée mais fonctionnant toujours au fuel, l’ARER avait fait une étude démontrant qu’il était possible de faire autrement, en s’appuyant sur les énergies fossiles et la maîtrise de la consommation en appliquant de nouvelles normes de construction et en faisant de La Réunion un territoire 100 % chauffe-eau solaire [1]. Cette étude avait été très mal perçue par l’entreprise française, et la centrale thermique a été construite.

Qu’est devenu GERRI ?

Du côté du pouvoir parisien, il y a eu la tentative de s’arroger toutes les réalisations impulsées par la Région présidée par Paul Vergès. Paris voulait soi-disant faire de La Réunion une terre d’excellence dans ce domaine. C’était la création de GERRI. À quelques mois des régionales de 2010, Nicolas Sarkozy, alors président de la République, avait fait le déplacement à La Réunion pour lancer GERRI emmenant dans sa suite les dirigeants d’importantes entreprises françaises de l’énergie. Ce groupement fixait déjà un mot d’ordre qui voulait faire perdre 5 ans à La Réunion, puisqu’il parlait de l’autonomie énergétique pour 2030 au lieu de 2025. Après la victoire de Didier Robert aux régionales, GERRI a été peu à peu vidé de sa substance pour disparaître.

Au Conseil général, on peut aussi se rappeler de Gilbert Annette qui intervenait pour affirmer que l’autonomie énergétique est une illusion. Il était pourtant dans le groupe majoritaire aux côtés de l’Alliance et du PCR.

Conséquence de l’arrêt du tram-train

Quand la Région, l’État et EDF indiquent que le problème vient des transports, ils omettent de dire qu’avant les régionales de 2010, il existait un chantier qui devait amorcer la transition énergétique dans ce domaine : le tram-train. En effet, c’est un réseau ferré qui fonctionne à l’électricité. Au fur et à mesure des progrès dans l’utilisation des énergies renouvelables, la part du fossile dans la production de l’électricité ne pouvait que diminuer et disparaître à terme. La Région Réunion avait aussi un autre projet pour développer l’utilisation des véhicules électriques : la couverture de la route des Tamarins par des centrales photovoltaïques. En juillet 2009, François Fillon, Premier ministre, avait posé la première pierre de cette infrastructure. Ainsi pouvait se construire à La Réunion un réseau indépendant et dédié à l’alimentation des batteries des voitures électriques. Avec le tram-train et les centrales photovoltaïques de la route des Tamarins, le but était de rendre irréversible le déclin des énergies fossiles dans le transport à La Réunion. Cela rendait donc possible l’autonomie énergétique, et il restait 15 ans pour l’atteindre.

L’autonomie énergétique : « formidable » projet pour le GIEC

En 2008, la Région Réunion et l’UICN avaient organisé à Saint-Denis une conférence de l’Union européenne sur la biodiversité et le changement climatique dans les îles. En conclusion des débats, Paul Vergès avait rappelé l’ambition d’arriver à l’autonomie énergétique de La Réunion en 2025, et avait proposé que les îles puissent être en pointe dans la lutte contre le réchauffement climatique en atteignant l’autonomie énergétique des îles en 2050. Cette proposition avait recueilli l’assentiment des participants à cette conférence regroupant les îles de notre région ainsi que les Pays et Territoires d’outre-mer associés à l’Union européenne.

L’année suivante en 2009, Paul Vergès participait à la COP15 à Copenhague et avait été reçu par Rajendra Pachauri, président du GIEC. Ce dernier avait qualifié de « formidable » l’objectif d’autonomie énergétique et les moyens mis en œuvre pour y arriver. Au niveau international, personne ne disait que cette ambition était illusoire.

La casse des projets

Ce qui permet aujourd’hui à EDF, l’État et la Région de dire que ce n’est plus possible, ce sont les décisions politiques prises par la Région Réunion pour casser cette dynamique. En 2010, la Région Réunion a stoppé le chantier du tram-train et a transféré les crédits prévus pour construire le chemin de fer sur un projet de route en mer, avec la complicité de l’État. La Région Réunion n’a rien fait non plus pour continuer la route solaire des Tamarins. Elle a laissé partir en Martinique le projet de centrale utilisant l’énergie thermique de la mer, une énergie renouvelable capable de remplacer le charbon.

Ce sont ces choix qui rendent l’autonomie énergétique impossible, pas la fatalité.


[1Et si La Réunion se passait de la centrale thermique de EDF ? - Témoignages du 18 octobre 2007, http://www.temoignages.re/developpement/energies/et-si-la-reunion-se-passait-de-la-centrale-thermique-de-edf,25515. L’État, par son double discours, ruine durablement l’alternative – Témoignages du 1er décembre 2007 - http://www.temoignages.re/developpement/energies/l-etat-par-son-double-discours-ruine-durablement-l-alternative,26395


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Messages

  • En tant que réunionnais je suis très en colère à l’encontre de Didier Robert et sa politique en complicité avec l’Etat, politique qui a empêché notre île d’atteindre des objectifs environnementaux innovants et indispensables pour son avenir !

    Est-ce que cette autonomie énergétique est vraiment irréalisable aujourd’hui ? Existe-t-il des solutions pour y remédier ou devons-nous vraiment abandonner cet objectif ?

  • Tout cet article nous confirme ce que l’on imagine de plus en plus, à savoir : les décideurs, une fois élus pensent en 1° à leurs intéres propres, ceux de leur famille, amis, même si l’ensemble de la population est concernée, sans oublier les futures générations qui nous reprocherons à juste raison, d’avoir gaspillé pour des raisons futiles le précieux pétrole, notamment pour en faire des sacs plastiques, non bio dégradables donc, (tant pis pour les tortues marines, les fond des océasn,le 6° continent qui flotte), et pour mettre dans nos réservoirs de véhicules personnels, soi-disant propres, du carburat qui fume, majoritairement du gasi-oil ici, au lieu d’un transport collectif sur voie ferrée, moins bruyant, moins polluant, sécurisé, et pourvoyeur d’emplois durables. Je trouve cela lamentable d’avoir fait "vite fait mal fait", oublier le beau projet de train réunionnais.

    Vive l’alternance avant qu’il ne soit trop tard, on va droit dans le mur ici, comme disait sibien Nicolas Hulot venu visiter l’île, écouter, réaliser aussi les mauvais choix faits en 2011.


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