L’envers du décor

Grâce aux JO de Londres, la récession passe inaperçue en Angleterre

28 juillet 2012

Dans un dossier consacré à l’ouverture des Jeux olympiques de Londres, notre confrère ’l’Humanité’ explique que ce grand rendez-vous sportif et médiatique aura lieu dans un pays durement touché par la crise. La situation économique de la Grande-Bretagne est même plus grave qu’en France, et cela, dans un pays européen qui a refusé d’utiliser l’euro. Car ce pays est officiellement en récession, avec une baisse du PIB de 0,7% au dernier trimestre.

Le Royaume-Uni est officiellement entré en récession. Heureusement pour David Cameron et son gouvernement libéral-conservateur, la mauvaise nouvelle annoncée mercredi soir a été masquée par l’effervescence liée à l’ouverture des Jeux olympiques de Londres ce vendredi.

Selon les chiffres publiés par l’Office national des statistiques (ONS), le Produit intérieur brut (PIB) de la Grande-Bretagne a reculé de 0,7% d’un trimestre à l’autre après un repli de 0,3% sur les trois premiers mois de l’année ; les économistes prévoyaient en moyenne un recul de 0,2%. Ces chiffres confirment que le pays vient d’enchaîner trois trimestres consécutifs de contraction et qu’il est donc entré à la fin de 2011 dans sa deuxième récession en quatre ans.

Vacances du Parlement

Ces statistiques auraient au minimum dû mettre dans l’embarras le gouvernement de David Cameron qui a tout misé sur une politique austéritaire et ultralibérale. L’ONS relève en effet que l’activité économique du pays est désormais inférieure de 0,3% à son niveau du deuxième trimestre 2010, durant lequel est entrée en fonction l’actuelle coalition au pouvoir composée de conservateurs et de libéraux-démocrates. Mais le Premier ministre britannique profite de la fin de la session parlementaire et de l’ouverture des Jeux olympiques et du battage médiatique autour de l’événement.

Pas de coup de pouce lié aux JO

Le répit s’annonce de courte durée. Il n’est même plus sûr que les Jeux olympiques donnent un coup de pouce pour un retour à la croissance au troisième trimestre. Car les perspectives pour la Grande-Bretagne sont moroses. La semaine dernière, le Fonds monétaire international (FMI) a fortement abaissé ses prévisions de croissance de la Grande-Bretagne, plus que celles des autres économies développées, et a averti la Banque d’Angleterre et le gouvernement qu’ils devraient revoir leur approche si l’économie ne se redresse pas d’ici au début de l’an prochain.

Le coût officiel des Jeux : 11,6 milliards d’euros

9,3 milliards de livres (11,6 milliards d’euros) : c’est le coût officiel de l’organisation des Jeux olympiques de Londres qui se sont ouverts hier soir. Un montant près de quatre fois supérieur aux 2,4 milliards de livres prévus lors de leur attribution à la capitale anglaise en 2005, et qui pourrait même en réalité dépasser les 10 milliards. Le coût de l’organisation avait dû être revu à la hausse dès le mois de février 2006 (3,4 milliards de livres), puis à nouveau neuf mois plus tard (4,3 milliards en novembre), pour finalement atteindre 9,3 milliards début 2007… sans compter les centaines de millions de livres liées à l’achat du Parc olympique et plusieurs projets annexes. Les budgets couvrant la sécurité des cérémonies d’ouverture et de clôture ont finalement doublé, et la Chambre des Communes évalue l’addition finale, dans un rapport publié en février dernier, aux alentours de 11 milliards de livres.

Bataille de chiffres sur les recettes

Le Premier ministre anglais, David Cameron, se montre pourtant confiant sur la capacité de l’Angleterre à rentrer dans ses frais : il a fait part d’estimations selon lesquelles les Jeux rapporteraient 13 milliards de livres au pays sur les quatre prochaines années. Un rapport rendu conjointement par Lloyds Bank et le cabinet de conseil Oxford Economics évalue même à 16,5 milliards de livres l’apport des J.O. sur la période 2005-2012. Mais ces bons chiffres ne font pas l’unanimité : dans un rapport de 2005 commandé par le Ministère britannique en charge des Sports, le professeur Adam Blake avait pour sa part estimé à moins de 2 milliards de livres les gains liés aux J.O. sur la période 2005-2016. Il pointait aussi les problèmes de méthodologie des précédentes études s’intéressant à l’impact des Jeux, soulevant leur manque d’indépendance et leur tendance à surévaluer les effets positifs et à sous-évaluer les incidences négatives.
4,5 milliards de dollars de recettes directes pour Pékin en 2008

La manne générée par le sponsoring et les droits de retransmission des épreuves, par ailleurs très importante, pourrait donc ne pas suffire à couvrir le différentiel risquant de se faire jour entre des gains situés entre 2 et 13 milliards de livres au total et un coût estimé à 11 milliards. Un porte-parole de l’organisation londonienne des Jeux déclare que « quelque 700 millions de livres » ont été levés « auprès des sponsors », et les recettes directement perçues par le mouvement olympique à l’occasion des Jeux de Pékin (droits de retransmission, sponsors, billets et produits dérivés rassemblés) s’élevaient à 4,5 milliards de dollars, ce qui équivaudrait pour Londres à 3 milliards de livres.
Montréal a mis 43 ans pour rembourser

Alors que le mot « faillite » avait un temps été lâché à Londres en 2009, la capitale anglaise pourrait rejoindre d’autres villes olympiques ayant laissé d’importantes ardoises lors des olympiades précédentes. Selon le Centre d’études internationales olympiques de l’Université de l’Ouest de l’Ontario, la ville de Montréal (qui a accueilli les Jeux d’été en 1976) n’a par exemple fini de payer ses dettes équivalant à 942 millions d’euros qu’en 2009, alors que Barcelone a laissé en 1992 une ardoise équivalant à 800 millions d’euros et que Sydney a battu des records en 2000, avec une dette équivalant à 1,5 milliard d’euros.
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