33ème anniversaire de l’O.M.S. du Port - 6 -

Au fil d’expériences

24 août 2004

Dans la suite de la conférence sur l’histoire de l’OMS du Port qu’il a donnée en 1998, Raymond Lauret se souvient d’une anecdote qui l’a particulièrement marqué : un incident survenu lors d’un match qui prouve bien que l’esprit sportif n’est pas toujours là quand la colère monte.

Beaucoup d’entre nous ont baissé les bras. Beaucoup n’ont même pas essayé. Il faut dire que ce n’était pas simple. Je me rappelle ce match, à Manès, entre deux équipes dont j’ai aujourd’hui choisi de ne plus me souvenir des noms ni de ceux des protagonistes de ce qui va suivre.
À un moment du jeu, un incident éclate. Deux joueurs s’accrochent. L’arbitre, courageusement, s’écarte. Tout d’un coup, sans que je ne puisse dire comment on est arrivé là, je vois un joueur qui s’élance à la poursuite d’un autre. Il a en main un couteau. Je suis à cette époque un élu municipal, jeune élu certes, mais élu tout de même. Cas aggravant, je suis maire adjoint, donc officier de police (sans arme !).
Je n’ai pas le droit de ne pas voir ce qui est entrain de se mettre en place sous les yeux de plusieurs dizaines de gens.
Comme par hasard (!), le poursuivi se dirige vers là où je suis. Je sais que je n’ai pas le droit de ne rien faire. Je cherche un “costaud” pour arrêter tout ça et vérifie que, dans l’adversité, on est seul. J’ai la plus grande trouille de ma vie. Albert Mourvaye - le président de l’OMS - est à côté de moi.
Je devine qu’il a lui aussi conscience de la gravité de ce qui se passe, et surtout de ce qui va sans doute se passer. Je prie le ciel qu’il n’ait rien perdu des gestes du judoka qu’il a, je l’espère, été.
La peur au ventre, je décide de faire face. Albert est là... On sera deux... Nous crions quelque chose du genre : "Et toi ! Arrête !... Donne ça !"...
Que va-t-il se passer ?
Vous l’avez deviné, il se passe quelque chose.
Le poursuivant freine sa course et nous laisse, Albert et moi, le ceinturer et lui enlever le couteau des mains. Le manche de l’arme blanche me glace le sang. J’ai une rapide pensée pour celui qui permet les miracles...
Albert et moi, nous éloignons celui que nous essayons de raisonner, soucieux qu’il rentre vite chez lui et surtout priant que l’autre, le poursuivi, ne revienne pas à sa recherche, armé d’un sabre ou d’un fusil, flanqué d’une dizaine de copains.
Vous ne me croirez pas ! Le match derrière nous, avait repris, avec un autre arbitre, chaque équipe jouant, je l’imagine aujourd’hui, à dix...
Voilà le type de problèmes qu’il a fallu, à l’occasion, gérer. Il fallait passer par-là. Ça n’a pas été toujours simple.
L’extraordinaire capacité de violence contenue en nombre de nos compatriotes - violence d’autant plus refoulée par une résignation déguisée qu’elle ne demande qu’à exploser à la première occasion - paniquent souvent ceux d’entre nous qui vivent loin et hors du second monde.
La mise en place des interquartiers ne pouvait pas éviter de révéler à notre société sportive préoccupée et concentrée sur la maintenance d’un modèle “civilisé”, l’existence de cet autre monde, camouflé dans ses bidonvilles. Camouflé certes, mais vivant juste à côté...

(à suivre)


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