Les États-Unis et le football : deux mondes

23 juin 2006

Suivre la Coupe du monde de football aux États-Unis, c’est un peu comme marcher la tête en bas aux antipodes : on est dans un autre monde, où le ballon rond laisse froid, où les femmes sont sur le terrain en short et où (paradoxe chez les Américains dont on connaît la ferveur pour la bannière étoilée) la ferveur patriotique est perçue comme une menace. Comment se fait-il que la superpuissance politique, militaire, économique et culturelle se transforme en nain sur la planète foot ?
Lorsqu’un journal allemand a demandé son avis au président George W. Bush, il a répondu par un aveu : "Durant mon enfance, je n’ai jamais vu un ballon de foot. Là d’où je viens, on ne jouait pas au “soccer”, ça n’existait pas, tout simplement."
En fait, si le football a toujours été pratiqué aux États-Unis, dans le Massachusetts et les États du Nord-Est, c’étaient des “poches” isolées. Ailleurs, les nouveaux immigrants considéraient qu’ils étaient devenus de bons Américains lorsque leurs enfants avaient adopté le baseball, le football américain ou le basket.
Comment expliquer cette “exception culturelle” américaine ? Voilà qui a l’habitude de créer les modes, pas de les suivre. Un pays dont on consomme la culture dans le monde entier. Un pays qui a des prétentions hégémoniques dans le sport comme dans le reste, au point d’intituler “World Series” son championnat de base-ball avec le Canada. Un pays dont l’équipe nationale affichait sans complexe son intention de gagner la Coupe du monde de foot avant de partir en Allemagne.
Pourtant, le football se développe aux États-Unis. Selon l’Association des équipementiers, 17 millions d’Américains tapent - au moins une fois par an - dans un ballon, ce qui en ferait le deuxième sport d’équipe le plus pratiqué. Pourtant, l’équipe féminine a été deux fois championne du monde (1991 et 1999), suscitant un véritable engouement (40% des joueurs sont des... joueuses). Depuis une dizaine d’années, les "soccer moms" ("mamans foot") sont même une cible électorale identifiée. Pourtant, l’équipe masculine se défend plus qu’honorablement : en 2002, elle s’est hissée jusqu’aux quarts de finale. Cette année, 15.000 supporteurs l’ont accompagnée en Allemagne. Il n’empêche : le soccer reste une attraction mineure. Pour la première fois, les chaînes ABC et ESPN diffusent tous les matches en direct : leurs scores d’audience stagnent sous les 3% - une augmentation de 65% par rapport à 2002 ! Mais comparé à nos 12 millions de téléspectateurs français, cela fait encore peu. Et encore moins comparé aux 100 millions pour le “Superbowl”. Et définitivement moins par rapport aux 5 milliards d’êtres humains qui sacrifieront au même culte dans 189 pays, le 9 juillet prochain...
Mais si les Américains ont du mal à "s’impliquer dans ces impulsions contradictoires pour la fraternité universelle et la domination du monde, écrit dans le “Wall Street Journal” Tim Parks, c’est peut-être parce qu’ils sont occupés à le dominer pour de bon."

A.W.


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