Analyses

Six Bleus sous la menace

5 juillet 2006

À l’heure d’affronter le Portugal, mercredi à Munich, en demi-finale de la Coupe du Monde, 6 joueurs de l’équipe de France, sanctionnés d’un carton jaune en huitième contre l’Espagne ou en quart contre le Brésil, vont jouer avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête. S’ils écopent d’un nouveau carton en demi-finale, ils seront automatiquement privés du match suivant. Peut-être une finale. Une donnée qui pourrait peser dans le déroulement du match ou du moins dans celui de la fin de la compétition.

Méfiance, méfiance... Depuis le début de la Coupe du Monde, le Portugal s’est taillé une drôle de réputation. Les hommes de Luiz Felipe Scolari seraient les spécialistes pour faire dégoupiller les équipes adverses. En 5 matches disputés, leurs adversaires (l’Angola, l’Iran, le Mexique, les Pays-Bas et l’Angleterre) ont ramassé la bagatelle de 21 cartons jaunes et 4 cartons rouges ! Contre le Mexique et l’Angleterre, les Portugais ont terminé le match en supériorité numérique. Face aux Pays-Bas, un match il est vrai hors normes de ce point de vue, ils ont fini à 9 contre 9...
"Ce ne sont pas des enfants de cœur", euphémise Guy Roux dans “Libération” à propos des Portugais, numéro 1 au classement des avertissements reçus avec 20 cartons jaunes et 2 rouges. Dès lors, faut-il s’attendre à un match vicieux de la part des Lusitaniens face aux Bleus ? Lilian Thuram réfute cette hypothèse et prédit que la rencontre se jouera dans un bon "état d’esprit". Espérons-le. En tout cas, le Guadeloupéen entend dédramatiser la menace : "L’important, ce n’est pas de savoir qui va jouer la finale, explique Thuram. L’important, c’est de tout faire pour être en finale. Si on se met en tête, quand on a pris un carton, qu’il faut faire attention, on a de grandes chances de ne pas aller en finale car on ne jouera pas à notre niveau". Pas question donc de mettre la pédale douce au niveau de l’engagement, ni pour lui-même, ni pour les 5 autres joueurs concernés, Willy Sagnol, Zinédine Zidane, Patrick Vieira, Franck Ribéry et Louis Saha. "Je n’y penserai pas, reprend Franck Ribéry. Je vais jouer comme contre l’Espagne ou le Brésil. Je ne me poserai pas de question".
Quoi qu’il en soit, l’équipe de France, qui figure en bonne place au classement du fair-play dans ce Mondial avec seulement 12 cartons jaunes reçus quand les arbitres se montrent plutôt généreux dans ce domaine, devra ne pas tomber dans la provocation et garder son sang froid.

Une chose est certaine, l’arbitre de la rencontre, l’Uruguayen Jorge Larrionda, qui a déjà arbitré la France contre le Togo, aura une lourde responsabilité. Outre celle consistant à ne pas se laisser berner par d’éventuelles provocations, il lui faudra être particulièrement clairvoyant. S’il lui prenait l’envie de sanctionner Zinédine Zidane, il mettrait automatiquement le numéro 10 français à la retraite...


Les petites phrases

Thuram : "s’oublier pour les autres".
Ribéry : "plus dur que contre le Brésil".
Makelele : "le Portugal, c’est une équipe redoutable".
Vieira : "Notre objectif était de disputer les 7 matches, on en a joué 5, il en reste 2..."
Sagnol : "notre objectif reste de remporter la compétition".
Domenech : "On donne du bonheur et de l’espoir aux Français. Le projet est en marche, il ne faut pas s’arrêter".


Brèves

o La science du ballon rond
Le très sérieux “New Scientist”, revue britannique scientifique (comme son titre l’indique), soucieuse de coller à l’actualité, évoque en effet 11 recherches récentes qui portent sur l’univers du ballon rond.
On apprend ainsi que certains chercheurs ont développé des formules mathématiques alambiquées qui permettraient, à l’instar des statistiques du Loto, de prévoir "scientifiquement" les résultats des matchs. D’autres soutiennent sérieusement que les équipes aux couleurs rouges ont davantage de chances de gagner la Coupe du Monde.
Des scientifiques hollandais, eux, ont mis au point une technologie "anti-hooligans". L’idée géniale consiste à diffuser au-dessus des tribunes, via des hauts-parleurs, un léger écho dès que des supporters turbulents entonnent un chant de ralliement. Résultat : les différentes voix ne parviennent plus à se synchroniser.
Le “New Scientist” évoque toutefois quelques études un peu plus sérieuses, comme celle de ces chercheurs de Belfast qui démontrent que le cerveau humain est incapable de prédire avec précision la trajectoire d’un ballon suivant une courbe. Conclusion : encaisser un but, pour un gardien, est parfois bel et bien une fatalité. Des chercheurs turcs ont quant à eux démontré que frapper le ballon de la tête peut provoquer, à long terme, de vilaines blessures au cou. Il fallait le démontrer, ils l’ont fait. CQFD, comme dirait l’autre.


o Les secrets bien gardés de la FIFA
L’information a été révélée par le quotidien “Le Monde” dans son édition du 26 juin. ARTE a déprogrammé la diffusion d’une soirée thématique (Théma) "Carton jaune pour la FIFA". En cause, 2 documentaires évoquant des pratiques douteuses au sein de l’organisation de la Coupe du Monde de football.
La FIFA est une association de fédérations nationales, fondée en 1904 qui a pour vocation de gérer et de développer le football dans le monde. C’est surtout, depuis le lancement par Jules Rimet en 1930 de la Coupe du Monde, une business story. La FIFA dont le siège est à Zürich connaît une situation financière plus que confortable (144 millions de dollars de bénéfices en 2004) grâce à ses différentes sources de revenus : droits TV, publicité, produits dérivés sous licence. Cette année, à l’occasion de son 56ème Congrès, la FIFA a fait de l’éthique l’une de ses priorités. Transparence et meilleure gouvernance sont officiellement devenues des objectifs à atteindre.
Un tableau idyllique mis à mal par la curiosité et l’impertinence de maudits journalistes, anglais notamment, qui se sont fait une spécialité dans la dénonciation des dysfonctionnements de l’institution.
En 1999, David Yallop dénonce dans son livre “How they stole the game” (comment ils ont volé le jeu) la gestion de l’ancien président Havelange. En 2006, année de Coupe du Monde, un de ses confrères Andrew Jennings remet ça avec “Play the game” édité en français sous le titre “Carton rouge”, ouvrage qui cette fois met en cause l’actuel président Sepp Blatter, ses pratiques électorales et ses relations particulières avec la société de marketing sportif ISL.
Dans les 2 cas, la FIFA a essayé, en vain, de faire interdire la publication de ces livres. Actualité oblige, la chaîne franco-allemande ARTE avait choisi de programmer une Théma sur la FIFA, le 28 juin, illustrée par 2 documentaires, dont le premier est une adaptation du livre d’Andrew Jennings. Sous la pression de la FIFA et des conseils du service juridique de la chaîne allemande ZDF, fournisseur du programme, ARTE a fait le choix, au moins dans un premier temps, de déprogrammer les reportages.
Une prudence, voire une pudeur que ne partage pas la BBC One, qui a diffusé le documentaire incriminé le 11 juin dernier. Il est vrai, cependant, que la Grande-Bretagne n’accueille pas la Coupe du Monde.

o Thuram contre Le Pen
Lilian Thuram, détenteur du record de sélections en équipe de France et membre du Haut Conseil à l’Intégration, a répondu aux critiques de Jean-Marie Le Pen. Le chef du FN a estimé que le sélectionneur Raymond Domenech avait "peut-être exagéré la proportion de joueurs de couleur" en équipe de France. Le Pen avait également insisté sur "l’impression que les Français ne se sentent pas complètement représentés" et avait reproché aux Bleus de ne pas suffisamment chanter la Marseillaise avant les matches. "Je dirai que monsieur Le Pen ne doit pas être au courant qu’il existe des Français noirs, blonds, bruns", a déclaré Thuram. "Ce qui me surprend, c’est qu’il se présente pour être Président de la République française et qu’il ne connaît pas l’histoire française. C’est ce qui est le plus grave. C’est comme si quelqu’un regardait un match de basket à la télé et qu’il s’étonnait de la présence de Noirs dans l’équipe américaine. C’est stupide". "Vous lui direz qu’en équipe de France, on est très très fiers d’être Français. Je dis vive la France, mais pas celle qu’il veut, la vraie".

o Domenech répond à Le Pen
Le sélectionneur de l’équipe de France a dénoncé mercredi un "faux procès" intenté par le Président du FN Jean-Marie Le Pen aux joueurs français, notamment accusés ne pas chanter la Marseillaise. "Qu’il regarde les autres équipes, a indiqué le sélectionneur au micro des radios françaises à Hameln. C’est un faux procès. On est peut-être une des équipes où il y a le plus de joueurs qui chantent. Il faudrait un jour arrêter ce procès. Les Espagnols ne chantent pas, les Argentins ne chantent pas. Qu’il regarde vraiment au lieu de nous faire un procès à la con".


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