Handisport : Ariste Igoufe, champion de France de semi-marathon sur route

« Une victoire qui fait renaître l’espoir »

14 novembre 2006

Remporter le titre de champion de France de semi-marathon handisport, Ariste Igoufe n’y croyait pas. Ce qu’il avait considéré comme sa dernière compétition s’est soldé par une victoire. Une victoire qui donne envie à l’athlète d’encourager le sport pour les personnes handicapées. Son objectif : trouver un emploi d’animateur sportif qui lui permette enfin de partager sa passion avec les handicapés et continuer la compétition.

Ariste Igoufe était parti pour soutenir les deux autres athlètes réunionnais (Axel Madou et Jean Roland Boyer) au Championnat de France de semi-marathon, samedi dernier à Gujan-Mestras, bien loin de penser qu’il gagnerait la compétition. Pour lui, ce championnat n’était rien d’autre qu’une dernière compétition avant de prendre sa retraite de sportif à 47 ans. Au final, c’est lui qui est revenu avec la médaille d’or. « Les autres, se disait-il, sont en meilleure condition physique que moi, ma jambe gauche est fragilisée à cause d’un nerf endommagé et à cela s’ajoutent les séquelles du chikungunya ». Il remporte donc le titre de champion de France, parcourant les 21 kms en 1 heure et 28 minutes. « Cette victoire, elle est pour tous les Réunionnais et surtout pour les handicapés. Pour qu’ils n’aient plus honte de s’investir dans un sport ».
La honte, un sentiment, selon Ariste Igoufe, qui empêche encore les handicapés de sortir de l’isolement et de participer à des compétitions sportives. Le peu de participants au Championnat de France en est la preuve.
Aux côtés d’Ariste Igoufe, seuls 8 concurrents (dont 2 Réunionnais), étaient motivés par la compétition. Car c’est bien de motivation dont il s’agit. « Nous n’étions que 9 participants pour toute la France, c’est incroyable », s’exclame Ariste Igoufe, persuadé que ce genre de compétition est accessible à un grand nombre d’handicapés. Pour preuve, « la personne qui est arrivée à la dernière place avait une jambe artificielle. Elle a terminé le parcours en 3 heures, mais elle y est arrivée et a obtenu une médaille ».

Pour le champion de France de semi-marathon, cette victoire n’est pas la première. Vice-champion du monde de duathlon, vice-champion de France en 2001... Il participe à des compétitions depuis 1972, faisant le tour des clubs sportifs à Sainte-Rose, Saint-Benoît, la Plaine-des-Palmistes, la Plaine-des-Cafres. Il se souvient d’ailleurs de ses premières courses, dans les petites fêtes de quartier de Saint-Benoît. « Je gagnais déjà les compétitions à cette époque. Je repartais à la maison avec 50 francs, parfois le double. Pour moi, c’était une fortune. Je me faisais plaisir en achetant 2 oranges et le reste je le confiais à maman pour les courses ».
Depuis ces compétitions de quartier, la passion du sport ne l’a plus quitté. Ou presque. Ariste a bien tenté d’arrêté en 1981, mais il s’est très vite remis au sport, moyen vital de se donner une hygiène de vie et d’avoir accès à une vie sociale. « J’aime courir, j’aime le vélo... La compétition est un mode de vie. Au lieu de replonger dans l’alcool, de dépenser mon argent de cette façon, le sport permet de se défouler, de canaliser l’énergie. De cette manière, je vis heureux, entouré d’amis qui me soutiennent ».

Avant de rejoindre le club Handisport de Saint-Benoît, Ariste prend l’initiative de créer un club de triathlon à Sainte-Anne et organise des compétitions au Bassin Bleu. Un projet qui le tenait à cœur puisqu’il partageait sa passion avec des jeunes sportifs de bon niveau, mais qu’il a dû abandonné il y a 3 ans, faute de moyens financiers.
À Handisport, Ariste participe à des compétitions, mais n’est pas habilité à s’occuper des autres handicapés. Il a en charge l’entretien des locaux, un emploi qu’il a obtenu par l’intermédiaire de Cap emploi, organisme qui aide les handicapés à trouver une activité. « Ça n’a pas été facile de trouver un emploi avec un handicap. Je remercie Cap emploi pour leur aide ». Mais Ariste Igoufe aimerait plus que tout maintenant partager sa passion du sport avec les autres handicapés, « les aider à sortir de l’enfermement ». Sa récente victoire l’encourage dans ce sens. « Je veux former un handicapé, lui apprendre à courir, à lancer un javelot pour lui montrer qu’il est capable d’effort physique ». Le sportif recherche ainsi activement un organisme prêt à le laisser exercer ses compétences.
A 47 ans, Ariste envisageait de ne plus continuer les compétitions, car, dit-il, « le corps à ses limites et à cet âge-là, pour un sportif, il est déjà temps d’arrêter », citant pour exemple les sportifs professionnels qui mettent fin à leur carrière la trentaine passée. Mais cette victoire inespérée a changé le cours des choses. Maintenant, Ariste se prépare pour le Championnat de France de duathlon, les Championnats d’Europe et du monde, rien que ça... Et le prochain Championnat de France, histoire de garder son titre de champion.

Edith Poulbassia

Contact : Handisport de Saint-Benoît au 0262-50-06-18


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