Pour punir les atteintes à l’environnement

Le gouvernement va créer un "délit d’écocide"

23 novembre 2020

Un ’délit d’écocide’ est un moyen pour le gouvernement de sanctionner les atteintes graves à l’environnement. Cette sanction est un dérivé d’une proposition de la Convention citoyenne pour le climat, mais des voix s’élèvent chez les écologistes qui regrettent que le ’crime d’écocide’ n’ait pas été retenu.

Dans une interview conjointe au JDD, le garde des Sceaux Eric Dupont-Moretti et la ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili, ont détaillé ce nouveau "délit", alors que les 150 citoyens de la Convention avaient souhaité une définition plus forte avec le terme "crime".

"A l’enthousiasme citoyen qui s’est exprimé doit succéder une traduction juridique dans le code pénal", a indiqué le garde des Sceaux, expliquant qu’il existe un problème de constitutionnalité vis-à-vis du mot "crime".

"Nous allons créer un délit général de pollution. Les pénalités seront modulées en fonction de l’intentionnalité de l’auteur. Les peines encourues vont de trois ans à dix ans d’emprisonnement selon qu’on est en présence d’une infraction d’imprudence, d’une violation manifestement délibérée d’une obligation et la plus lourde, d’une infraction intentionnelle", a indiqué Eric Dupont-Moretti.

Les amendes iront de 375.000 à 4,5 millions d’euros. "Autrefois vous polluiez, vous gagniez, demain vous polluerez, vous paierez jusqu’à dix fois le bénéfice que vous auriez fait si vous aviez jeté vos déchets dans le fleuve", a assuré le garde des Sceaux.

Un second délit de "mise en danger de l’environnement" est aussi mit en avant par les deux ministres. Dans ce cadre, les sanctions pourront s’appliquer quand la pollution n’a pas encore eu lieu, a précisé à l’AFP le ministère de la Transition écologique.

"Le texte vise à pénaliser la mise en danger délibérée de l’environnement par des violations délibérées d’une obligation", a précisé le Garde des Sceaux, ajoutant que la peine encourue est d’un an de prison et 100.000 euros d’amende.

Les deux ministres vont s’entretenir virtuellement ce 23 novembre avec des représentants des 150 citoyens de la Convention pour le climat, alors que le gouvernement est accusé de détricoter leurs proposition émises.

L’association "Notre Affaire à tous" (Agir pour une justice climatique) a regretté cette annonce "avec fracas" par voix de presse avant la réunion, y voyant un "bel exercice de communication auquel le gouvernement est habitué".

De son côté, la juriste Valérie Cabanes, présidente d’honneur de l’association, se dit "très déçue" car "ce crime contre la sûreté de la planète (...) a été relégué au rang de délit environnemental. Utiliser le terme d’écocide en le vidant de sa substance est un mauvais tour fait aux citoyens".

Selon l’ONG, "le crime d’écocide ainsi que les limites planétaires (seuils que l’humanité ne doit pas dépasser pour vivre dans un écosystème sûr, NDLR) sont définitivement enterrés au profit d’un délit général d’atteinte aux eaux, aux sols et à l’air qui semblait déjà en cours de discussion au sein du gouvernement".

Pour l’eurodéputée écologiste Marie Toussaint, cofondatrice de "Notre affaire à tous", "nous serons d’une extrême vigilance. La notion d’écocide ne doit pas être vidée de son contenu si l’on veut qu’elle vienne sanctionner les crimes aujourd’hui commis en toute impunité".

"La proposition qui sera présentée aux députés est infiniment moins ambitieuse que celle portée par la Convention citoyenne et ne correspond pas aux définitions internationale de l’écocide", a déploré le militant écologiste Cyril Dion sur Twitter.

Lire aussi  : "Sauvons la Convention Citoyenne pour le Climat"

La Convention a été constituée en octobre 2019, à l’initiative du chef de l’État, Emmanuel Macron. Elle a regroupé 150 citoyens tirés au sort dans le but de proposer des mesures pour réduire les émissions de gaz à effet de serre.

Les citoyens ont proposé 149 mesures à Emmanuel Macron, qui s’est engagé à en reprendre 146. Concernant l’écocide, il s’était engagé à porter "ce combat au nom de la France dans des instances multilatérales". Mais sur le plan français, il avait noté que la proposition devait encore être travaillée pour respecter les principes fondamentaux du droit français.

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