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Le Forum de Davos s’ouvre dans la morosité
mercredi 23 janvier 2019
Entre les mouvements des Gilets Jaunes de France et d’ailleurs et la publication des rapports d’Oxfam et Attac sur la hausse des inégalités, le Forum économique de Davos s’est ouvert dans un contexte morose.
L’élite de l’économie et de la finance réunie à Davos, en Suisse, aux côtés des dirigeants du monde, ont souligné qu’il était possible de taxer plus fortement les grandes fortunes et mieux les GAFA (Google, Amazon, Facebook et Apple) mais à leurs conditions.
La vice-présidente de Google, Ruth Porat, a été la première à s’exprimer sur le sujet le 22 janvier, au lendemain de l’appel de l’ONG Oxfam à taxer plus fortement les grandes fortunes et les multinationales.
Concernant la taxation des géants du numérique, les GAFA, Ruth Porat a fait part de son soutien à l’Organisation pour la Coopération et le développement économiques (OCDE) qui tente depuis plusieurs années de trouver un compromis mondial. Cet accord mondial répondrait selon elle aux exigences de ceux qui dénoncent les pratiques d’optimisation fiscale.
La n°2 de Google rejette de fait les mesures unilatérales annoncées par des pays comme la France, le Royaume-Uni et l’Espagne, préférant l’approche multilatérale de l’OCDE. Pour Alain Trannoy, directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS), "c’est un scandale que ces entreprises ne paient pas d’impôts sur l’ensemble de leurs profits générés en France".
Or l’OCDE est critiqué pour sa lenteur à réagir et à mettre en place une réglementation claire et efficace, à l’instar de l’Union européenne. Les Européens ne parviennent pas à trouver une position commune sur la taxation des « géants du Web », dont une bonne part échappe à une fiscalité des bénéfices conçue à l’origine pour l’industrie lourde.
L’ONG Attac a également profité du Forum de Davos pour demander que les plus riches soient mieux taxés. Une revendication revenant souvent dans le mouvement des gilets jaunes en France et même aux Etats-Unis, où la jeune élue démocrate Alexandria Ocasio-Cortez a proposé de taxer à 70% les plus riches.
"Augmenter les taxes pour les plus riches ? Selon moi, l’éducation est une meilleure option", afin de permettre aux travailleurs les moins qualifiés, laissés pour compte de la mondialisation, de se reconvertir, a expliqué Nariman Behravesh, chef économiste de la société IHS Markit, habitué du Forum.
"Les héritiers devraient être taxés. Mais veut-on décourager ceux qui ont créé leur propre entreprise comme Jeff Bezos ?", le patron et fondateur d’Amazon, devenu l’homme le plus riche du monde. "C’est compliqué", a-t-il estimé.
Pour Kenneth Rogoff, professeur d’économie à Harvard, il est urgent d’apporter une réponse à ces questions fiscales qui alimentent le mécontentement un peu partout dans le monde. "Si la distribution des revenus par les marchés continue d’être inéquitable, il est difficile de voir comment nous pourrions avoir un monde stable", a-t-il souligné.
Selon les chiffres d’Oxfam, 26 personnes disposent désormais d’autant d’argent que les 3,8 milliards les plus pauvres de la planète. Ainsi le patron américain d’Amazon Jeff Bezos se place en tête avec 112 milliards de dollars et Mark Zuckerberg (Facebook, 71 milliards de dollars), Larry Page (Google, 48,8 milliards de dollars) ou encore Jack Ma (Alibaba, 39 milliards de dollars) figurent dans le top 20.