Etats-Unis/Cuba : retour à une politique de confrontation -2-

Réponse de La Havane

30 juin 2017, par Salim Lamrani

La Maison-Blanche a annoncé un retour à une politique hostile vis-à-vis de Cuba, suscitant l’incompréhension au sein de l’opinion publique étasunienne. Un article de Salim Lamrani.

Le 16 juin 2017, au théâtre Manuel Artime de Miami, le Président des Etats-Unis a annoncé un changement de la politique étrangère vis-à-vis de Cuba. Sous les yeux de l’assistance, composée entre autres de vétérans de la Baie des Cochons auxquels il a rendu hommage, Donald Trump a prononcé un discours d’une hostilité sans précédent. Ressassant une rhétorique de la Guerre froide, il laisse présager un avenir sombre pour les relations bilatérales entre les deux pays [1]. (Voir « Une rhétorique de la Guerre Froide - Article de Salim Lamrani » dans Témoignages du 29 juin 2017)

De son côté, le gouvernement cubain a regretté le « recours à des méthodes coercitives du passé ». Le renforcement des sanctions qui affectent l’économie cubaine et les catégories les plus vulnérables de la population ne fera qu’augmenter les souffrances d’une population qui vit sous état de siège depuis plus d’un demi-siècle [2]. Les autorités ont également rappelé qu’elles ne négociaient pas sous la pression. « Toute stratégie destinée à changer le système politique, économique ou social à Cuba […] sera vouée à l’échec », souligne la déclaration officielle.

Cuba a répondu au Président Trump sur les droits de l’homme. Elle a dénoncé « la manipulation à des fins politiques et le double standard » dans le traitement du sujet. La Havane a rappelé que le droit à la santé, à l’éducation, à la sécurité sociale et à un salaire égal, était une réalité dans l’île, tout comme les droits des enfants, le droit à l’alimentation, à la paix et au développement. « Avec ses modestes ressources, Cuba a également contribué à l’amélioration des droits de l’homme dans de nombreux endroits du monde, malgré les limitations imposées par sa condition de pays sous blocus », a-t-elle souligné [3].

Cuba a rappelé que Washington ne disposait pas d’autorité morale pour disserter sur la question :

« Les Etats-Unis ne sont pas en condition de nous donner des leçons. Nous avons de sérieuses inquiétudes au sujet du respect et des garanties des droits de l’homme dans ce pays, où il y a de nombreux cas d’assassinats, de brutalité et d’abus commis par les forces de l’ordre, en particulier contre la population afro-américaine. On viole le droit à la vie comme conséquence des morts par armes à feu. On exploite le travail des enfants et il existe de graves manifestations de discrimination raciale. On menace d’imposer davantage de restrictions aux services de santé, qui priverait 23 millions de personnes d’assurance médicale. Il existe une inégalité salariale entre les hommes et les femmes. On marginalise les émigrants et les réfugiés, en partie ceux en provenance de pays musulmans. On prétend lever des murs qui dénigrent les voisins et on renonce à des engagements internationaux pour préserver l’environnement et faire face au changement climatique [4] ».

Les autorités cubaines ont également rappelé les détentions arbitraires de dizaines de prisonniers sur la base navale de Guantanamo, les actes de torture commis, les exécutions extrajudiciaires et les bombardements de populations civiles, notamment en Irak. La Havane a souligné qu’elle avait signé 44 accords internationaux sur les droits de l’homme contre seulement 18 pour les Etats-Unis [5].

Cuba a ainsi refusé toute concession relative « à sa souveraineté et son indépendance ». Néanmoins, le gouvernement de Raúl Castro a fait part de « sa volonté de poursuivre le dialogue respectueux et la coopération dans des domaines d’intérêts mutuels » avec les Etats-Unis, malgré les divergences affichées [6]. Bruno Rodríguez, Ministre cubain des Affaires étrangères, a rappelé que les avancées obtenues sous l’administration Obama : « Cuba et les Etats-Unis peuvent coopérer et coexister de manière civilisée, en respectant les profondes différences entre leurs gouvernements et en promouvant tout ce qui bénéficie aux deux nations et à nos peuples [7] ».

(à suivre)

Salim Lamrani

Docteur ès Etudes Ibériques et Latino-américaines de l’Université Paris IV-Sorbonne, Salim Lamrani est Maître de conférences à l’Université de La Réunion, et journaliste, spécialiste des relations entre Cuba et les Etats-Unis.

Son nouvel ouvrage s’intitule Fidel Castro, héros des déshérités, Paris, Editions Estrella, 2016. Préface d’Ignacio Ramonet.

Contact : [email protected] ; Salim. [email protected]

Page Facebook : https://www.facebook.com/SalimLamraniOfficiel

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