Etats-Unis/Cuba : retour à une politique de confrontation -3-

Une condamnation unanime -1-

1er juillet 2017, par Salim Lamrani

La Maison-Blanche a annoncé un retour à une politique hostile vis-à-vis de Cuba, suscitant l’incompréhension au sein de l’opinion publique étasunienne. Un article de Salim Lamrani.

Le 16 juin 2017, au théâtre Manuel Artime de Miami, le Président des Etats-Unis a annoncé un changement de la politique étrangère vis-à-vis de Cuba. Sous les yeux de l’assistance, composée entre autres de vétérans de la Baie des Cochons auxquels il a rendu hommage, Donald Trump a prononcé un discours d’une hostilité sans précédent. Ressassant une rhétorique de la Guerre froide, il laisse présager un avenir sombre pour les relations bilatérales entre les deux pays [1]. (Voir « Une rhétorique de la Guerre Froide - Article de Salim Lamrani » dans Témoignages du 29 juin 2017)

La décision de l’administration Trump a suscité de nombreuses réactions de rejet aux Etats-Unis. De nombreuses voix se sont élevées au sein du parti républicain pour dénoncer des mesures contreproductives. Pour Jeff Flake, sénateur républicain de l’Arizona, « toute politique qui réduit les possibilités des Américains de voyager librement à Cuba n’est pas dans les meilleurs intérêts des Etats-Unis ou du peuple cubain [2] ». Jeff Flake est à l’origine d’un projet de loi destiné à supprimer les restrictions aux voyages à Cuba, qui a récolté la signature de 55 sénateurs sur 100.

Pour sa part, Mark Sanford, congressiste républicain de Caroline du Sud, a rappelé que plusieurs élus républicains étaient favorables à la normalisation complète des relations avec Cuba et a mis en avant des projets de loi en ce sens. « Ce sont des mesures républicaines, ce sont des lois républicaines. Nous avons essayé la même approche pendant 50 ans et cela n’a pas fonctionné », a-t-il ajouté [3].

Jerry Moran, sénateur républicain du Kansas, s’est également exprimé contre ces mesures, rappelant que Cuba était « un marché naturel pour les agriculteurs de notre nation ». « Quand nous ne vendons pas à Cuba, un autre pays s’en charge », a-t-il souligné pour insister sur le caractère contre-productif d’une politique de sanctions. « Donner la priorité à l’Amérique veut dire exporter ce qu’elle produit à travers le monde », a-t-il conclu, en référence au slogan de campagne de Donald Trump [4].

Justin Amash, congressiste du Michigan, a fustigé la position de Donald Trump sur les droits de l’homme. « La politique du Président des Etats-Unis vis-à-vis de Cuba n’a rien à voir avec les droits de l’homme ou la sécurité. Si cela était le cas, pourquoi est-il allé danser avec les Saoudiens et leur vendre des armes [5] », a-t-il questionné

Du côté démocrate, le sénateur Patrick Leahy du Vermont a condamné la nouvelle politique. La Maison-Blanche « a de nouveau déclaré la guerre au peuple cubain », a-t-il regretté. « Il s’agit d’un revirement vain de la politique de normalisation qui porte un coup à la liberté des Américains de voyager, à nos intérêts nationaux et au peuple cubain qui aspire à reprendre contact avec nous », a-t-il insisté [6].

Nancy Pelosi, Présidente du groupe démocrate au Congrès, a fustigé « une politique qui détruit les emplois et qui brise des liens commerciaux croissants et vitaux entre les Etats-Unis et Cuba [7] ».

Pour sa part, Jim McGovern, congressiste démocrate du Massachussetts favorable au dialogue avec Cuba, a dénoncé un retour en arrière qui n’apportera « aucune aide au peuple cubain ». Il « affectera seulement les Etats-Unis et les Américains », soulignant que la rupture des relations couterait 6,6 milliards de dollars à l’économie étasunienne et détruirait 12 000 emplois [8]. « Ces changements adoptés par le Président Trump ne feront que nous ramener à la politique de la Guerre froide qui a été un échec patent et a maintenu notre pays dans le passé pendant plus de 50 ans », a-t-il ajouté [9].

La Chambre de commerce des Etats-Unis, regroupant plus de 3 millions d’entreprises, a condamné la décision de l’administration Trump : « Malheureusement, les décisions prises ce jour limitent les possibilités pour un changement positif dans l’île et d’autres pays profiteront des opportunités de croissance […]. Nous restons disposés à travailler avec toutes les parties pour éliminer les politiques obsolètes qui entravent l’émancipation des peuples américain et cubain [10] ».

(à suivre)

Salim Lamrani

Docteur ès Etudes Ibériques et Latino-américaines de l’Université Paris IV-Sorbonne, Salim Lamrani est Maître de conférences à l’Université de La Réunion, et journaliste, spécialiste des relations entre Cuba et les Etats-Unis.

Son nouvel ouvrage s’intitule Fidel Castro, héros des déshérités, Paris, Editions Estrella, 2016. Préface d’Ignacio Ramonet.

Contact : [email protected] ; Salim. [email protected]

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