Contribution du Conseil régional et du Conseil général relative aux États-généraux de l’Outre-mer — 7 —

La Gouvernance : organisation administrative, cadre juridique et compétences

16 septembre 2009

Après le développement économique et le développement territorial, le document adressé conjointement par les deux assemblées au gouvernement explique comment mettre en cohérence les objectifs du développement avec l’organisation institutionnelle. La question des ressources financières des collectivités sera abordée dans notre prochain numéro.

La question de la gouvernance doit être envisagée sous l’angle de la réflexion engagée sur la nouvelle étape de développement. Il s’agit de mettre en adéquation l’organisation institutionnelle, ses outils et ses moyens, avec les objectifs de développement.

L’enjeu pour La Réunion est de se doter d’une gouvernance lui permettant de bâtir un modèle de développement répondant aux multiples enjeux auxquels elle est confrontée et prenant en compte sa triple intégration à la France, à l’Europe et à son environnement géopolitique et économique, dans un contexte en constante et rapide évolution.

Dans cette perspective, la définition d’une gouvernance efficiente et adaptée doit répondre aux questions de l’organisation institutionnelle, du cadre juridique, des compétences, et des ressources, et plus largement des moyens financiers du développement. Par ailleurs, une attention particulière doit être apportée à la question de l’évaluation et du suivi des politiques publiques.


I. L’organisation administrative et institutionnelle

L’avant-projet de loi issu de la réflexion engagée par la commission Balladur propose une réorganisation territoriale à l’échelle de la Métropole. La perspective d’émergence de grandes régions transcendant les limites régionales et départementales actuelles répond à la nécessité pour la France de se doter d’entités de taille à affronter les enjeux liés à la construction européenne.

Le Gouvernement a pris soin d’éviter une application mécanique de ces dispositions pour l’Outre-mer, et a souhaité que chaque collectivité d’Outre-mer détermine le schéma qui lui soit le plus approprié à l’occasion des Etats Généraux de l’Outre-mer. Ce sont donc les propositions que La Réunion, la Guadeloupe, la Martinique et la Guyane formuleront, qui ont vocation à être traduites dans le projet de loi.

Il appartient donc aujourd’hui aux Réunionnais, et notamment au Conseil régional et au Conseil général, de formuler leurs propositions.

A l’évidence, le caractère spécifique de région-monodépartementale ainsi que les caractéristiques propres du Conseil Général de La Réunion, avec des cantons inscrits dans les limites des communes, contrairement à la Métropole, doivent nourrir la réflexion.

Doit-on aller vers une seule Assemblée fusionnant les compétences de la Région et du Département ou doit-on privilégier le maintien de cette situation de cohabitation de deux assemblées sur un même territoire de 2.500 km2 et de 800.000 habitants ? L’exercice d’harmonisation des compétences engagé par les deux collectivités a-t-il permis d’effacer toute situation de conflits ou d’éparpillement de compétences sur un territoire soumis à des contraintes en interaction permanente ? Les exigences du développement ne plaident-elles pas au contraire pour une seule Assemblée assumant la responsabilité de la conduite d’une politique globale et cohérente et exerçant les compétences stratégiques correspondantes ?

En toute hypothèse, l’esprit de la réforme Balladur invite à une évolution du paysage des collectivités territoriales dans notre République décentralisée. La discussion sur le projet de loi issu de la "réforme Balladur" déterminera le rythme et le degré de cette évolution.


II. Le cadre juridique et constitutionnel

Celui-ci mérite d’être rappelé au moment où la situation de La Réunion et la mise en œuvre d’une nouvelle étape de son développement nécessitent des mesures adaptées dans tous les domaines.

Le Département et la Région de La Réunion sont essentiellement régis par les dispositions de l’article 73 de la Constitution. Celui-ci permet des possibilités d’adaptation. De nombreux dispositifs inscrits dans diverses lois spécifiques à l’Outre-mer (lois d’orientation, lois programme) sont inspirés ou trouvent leur fondement juridique dans l’article 73 de la Constitution. Ces dérogations ou discriminations positives sont la règle s’agissant de notre intégration à l’Union Européenne, en application de l’article 299-2 de l’Union. Le droit à l’expérimentation prévu par la Constitution est une possibilité d’adaptation de plus qui est ouverte, mais dont la mise en œuvre se heurte à la lourdeur de la procédure requise. Théoriquement, les possibilités d’adaptation existent, mais elles mériteraient d’être mieux exploitées au bénéfice des Départements d’Outre-mer. Force est, en effet, de constater que les facteurs structurels pesant sur la situation de La Réunion (rattrapage des retards en équipements et en personnels, dynamisme démographique) sont trop rarement pris en compte.

III. Les compétences

Cette question doit être traitée à la lumière du bilan des 27 années de décentralisation et de réformes successives modifiant la répartition des compétences entre l’Etat et les différents échelons des collectivités locales.
Il est important de souligner que les collectivités réunionnaises ont répondu présentes en assumant des compétences souvent lourdes financièrement du fait du rattrapage nécessaire et coûteux des retards et de la progression démographique. A titre d’illustration, le rythme en matière de construction d’équipements scolaires (31 lycées ; 31 collèges construits ou reconstruits dans le parc actuel de 76 collèges) ou dans les infrastructures de déplacements témoigne des efforts accomplis par les collectivités.
L’autre élément pesant sur les collectivités est celui de la situation démographique et sociale de La Réunion : celle-ci se traduit par des charges financières importantes et par la priorité accordée de fait à l’urgence sociale par les municipalités et le Conseil général.

La question des compétences est donc inséparable de celle des ressources financières des collectivités.

Sur le plan stricto-sensu des compétences, il convient d’apprécier si la répartition actuelle entre l’Etat, d’une part, et les collectivités, d’autre part, est pertinente, de même que la répartition établie entre les collectivités locales.

Concernant la répartition des compétences entre l’Etat et les collectivités, l’expérience montre un mouvement contradictoire : en effet, parallèlement aux transferts de compétence, on observe un renforcement du positionnement de l’Etat ; ainsi, face à un Etat polymorphe (composé de l’Exécutif, du législatif, des services déconcentrés, de structures prescriptives, de services techniques autonomes et normatifs, d’instances juridictionnelles et financière autonomes), les échelons des collectivités territoriales et locales se voient souvent réduits à la gestion d’une pénurie contrôlée, orientée et évaluée par l’Etat.
Ce positionnement aboutit à ce que l’Etat décide et finisse par dicter sa stratégie (au moyen de divers modes opératoires comme les GIP par exemple) en affirmant son rôle de prescripteur, de censeur, de contrôleur, voire parfois dans une démarche d’opportunité.
Ce positionnement de l’Etat vis-à-vis des collectivités fait obstacle à la volonté pourtant affirmée d’augmenter les responsabilités locales.

Concernant les transferts de compétences, nonobstant les obstacles financiers, ils trébuchent souvent sur des blocs fissurés (économie, culture, éducation, coopération régionale, environnement et énergie…), parce que partagés entre l’Etat et les différents échelons de collectivités locales. La notion de blocs de compétences homogènes doit prévaloir.

Pour conduire une politique de développement cohérente, il est décisif que certaines compétences stratégiques soient clairement transférées par l’Etat à l’échelon territorial le plus approprié.

Quelques exemples :
Ainsi, la Région doit être clairement positionnée comme le chef de file en matière de coopération régionale ; dans cet esprit, l’application des dispositions de la Loi d’orientation pour l’Outre-mer de décembre 2000 permettant à l’Etat de mandater les collectivités locales pour le représenter dans des instances internationales ou pour négocier et signer des accords de coopération doit être la règle. Il n’est pas possible à la collectivité régionale de bâtir une stratégie de développement fondée sur l’insertion de La Réunion dans son environnement régional et géo-économique si elle n’a pas partie prenante des relations et des accords internationaux avec les pays de cet environnement. Ce qui n’est nullement contradictoire avec l’exercice de la souveraineté de l’Etat en dernière analyse.

Il en est de même pour la compétence sur l’énergie : comment la Région peut-elle construire et amplifier une politique de développement durable fondée sur le déploiement des énergies renouvelables si elle n’est pas associée à la définition de la programmation des investissements qui relève actuellement de la compétence exclusive de l’Etat ? (PPI).
Il en est de même de la politique en matière de pêche : la compétence reconnue à la Région pour l’attribution des aides à ce secteur ne peut suffire pour la mise en œuvre d’une véritable stratégie de développement local et de co-développement régional, en particulier avec nos partenaires de la Commission de l’Océan Indien.
En conséquence, la Région doit être associée à l’élaboration des décisions prises par les autorités compétentes sur les zones maritimes (Etat ou Union Européenne).

S’agissant de la répartition des compétences entre les différents échelons des collectivités locales, et nonobstant les évolutions qui pourraient découler de la réorganisation administrative ou institutionnelle, il existe de nombreux champs d’action où la compétence actuellement éclatée entre Région, Département, Intercommunalités et Communes, peut être confiée à une seule collectivité : routes et déplacements, déchets, eau, restauration scolaire, etc…
Enfin, une réflexion particulière doit être engagée sur la compétence en matière du social, qui pèse lourdement sur le Département et les Communes. Une structure ad-hoc réunissant l’Etat et les collectivités concernés pourrait se voir confier la responsabilité de ce champ, à travers notamment la gestion des prestations sociales et des contrats aidés.


Dans nos précédentes éditions

Voici les dates de publications des différents articles reproduisant le document présenté le 26 août dernier lors des séances plénières du Conseil général et du Conseil régional.


- 9 septembre : présentation de la synthèse locale des États Généraux.

- 10 septembre : des orientations partagées et des actions engagées.

- 11 septembre : des préalables à la mise en œuvre d’un plan de développement durable.

- 12 septembre : les enjeux clés et les propositions pour le développement humain.

- 13 septembre : le développement économique.

- 14 septembre : le développement territorial.

L’intégralité du document présenté lors des dernières séances plénières des assemblées et adressé au gouvernement est consultable sur le site web de Témoignages — http://www.temoignages.re.

Pour un accès direct, une adresse :
http://www.temoignages.re/etats-generaux-region-departement-la-reunion.html


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