Affaire du limogeage de Bruno Guigue, Sous-Préfet de Saintes

Une sanction politique, par des dirigeants qui ne veulent pas voir la réalité des faits

11 avril 2008

Fin mars, le Ministère de l’Intérieur rendait public le limogeage du Sous-Préfet de Saintes, en Charente-Maritime, pour « non-respect du devoir de réserve ». Le décret signé par Michèle Alliot-Marie, mettant fin aux fonctions du sous-préfet, Bruno Guigue, ancien fonctionnaire territorial à l’île de La Réunion, reproche à ce dernier des « termes tout à fait inacceptables » dans l’article paru sous son nom le 13 mars 2008 sur le site Internet Oumma.com. Une pétition existe, sur ce même site, appelant à la levée de la « sanction politique » qui frappe ce fonctionnaire.
La dénonciation d’une « sanction politique » repose sur le fait, invoqué par Bruno Guigue dans la réponse qu’il fit à Michèle Alliot-Marie (voir ci-dessous), qu’il a signé cette rubrique au titre d’analyste de la situation moyen-orientale, une activité qu’il exerce hors de ses fonctions professionnelles et sans engager celles-ci à aucun moment. Le pouvoir a une autre vision des choses. C’est son droit. Mais cette vision tend à confondre « neutralité » et jugement de Ponce-Pilate.
Témoignages a par ailleurs souligné dans une précédente édition (3 avril 2008)
le « deux poids/deux mesures » appliqué pour une part au professeur de philosophie Robert Redeker, lui aussi membre de la fonction publique et promu au CNRS après avoir publié dans Le Monde des propos très violents contre l’Islam ; et pour une autre part au sous-préfet Bruno Guigue, démis de ses fonctions pour avoir tenu sur un site Internet une tribune qualifiée par ses adversaires de « très violemment anti-israélienne ».
Le dossier réuni ci-dessous vise à permettre à chacun de situer ces faits dans leur contexte et à apprécier à leur juste mesure les positionnements des uns et des autres.

La lettre de Bruno Guigue à Oumma.com, parue le 13 mars sur ce site - le premier de l’islam francophone par le nombre des visites/jour - était la réaction d’un partisan du droit international à un article paru dans Le Monde, signé de plusieurs intellectuels et intitulé « L’ONU contre les droits de l’Homme ».
Cette tribune libre (“Quand le lobby pro-israélien se déchaîne contre l’ONU”) était la 18ème contribution de Bruno Guigue à ce site, ainsi que le rappelle le député honoraire Jean-Claude Lefort, dans un article dont le lecteur trouvera un extrait ci-dessous (cf. Du Droit de réserve).
Cette affaire fait grand bruit en France, et à l’étranger - en particulier au Moyen et Proche-Orient - et donne lieu à de nombreuses prises de position parmi lesquelles le point le plus controversé en France est le supposé « droit de réserve » dont de multiples exemples démontrent qu’il s’agit d’une notion à géométrie variable.
L’autre question controversée, cachée derrière ce droit de réserve, est : « A-t-on le droit de critiquer l’Etat d’Israël en France ? » Et plus seulement en France, mais à l’ONU ? C’est là le fond du grief du gouvernement envers son fonctionnaire limogé.
Bruno Guigue, sur le fond, répond en rappelant les résolutions prises à la majorité des membres par l’organisation internationale contre l’occupation israélienne des territoires palestiniens. Et il renvoie aux comptes-rendus des réunions du CDH (Conseil des Droits de l’Homme) sur la question religieuse. Il faut voir en particulier la résolution du CDH du 30 mars 2007 « sur la lutte contre la diffamation des religions », qui a suscité la réaction courroucée d’intellectuels français, signataires de la pétition contre l’ONU.
Sur la forme, il fustige avec le mordant qu’on lui connaît - il a signé plusieurs tribunes libres parues dans Témoignages - les « thuriféraires d’Israël » et les « intellectuels organiques » qui, sous couvert de laïcité, et par des chemins dont la tortuosité incite à prendre des raccourcis, en viennent à prendre la défense d’un Etat confessionnel ! Mais ce n’est là qu’un des paradoxes d’une affaire incomparablement embrouillée, à l’échelle internationale.

Mais dans cette affaire - comme dans beaucoup d’autres conflits régionaux ou internationaux agitant la question religieuse - les arguments de religions ne viennent souvent que comme des marionnettes brandies pour masquer des positionnements et des intérêts politiques, le plus souvent ultra-conservateurs.
Ce qui est en cause, dans les critiques formulées par Bruno Guigue à l’égard d’Israël, c’est l’occupation des territoires palestiniens et le viol systématique des résolutions onusiennes. Les phrases incriminées (voir la réaction de l’Union juive française pour la paix) font référence à des faits réels - hélas ! - longuement rapportés par la presse britannique depuis l’affaire Tom Hurndall en 2003 (voir plus loin). Les témoignages du journaliste du Guardian, Chris McGreal, parti au Moyen-Orient dans le sillage des “boucliers humains” sont là pour rappeler la réalité vécue par les Palestiniens, confinés à l’enfer dès l’enfance.
Les extraits de presse réunis sur ce sujet ne sont là que pour inciter davantage à s’unir pour la construction de la paix dans cette région.

P. David


La réponse du sous-préfet à Michèle Alliot-Marie

Dans une lettre à la Ministre de l’Intérieur citée par l’AFP, Bruno Guigue fait valoir qu’il fait « des analyses géopolitiques depuis dix ans, en dehors de ses fonctions ».
Dans des propos rapportés par Le Parisien et Aujourd’hui en France, Bruno Guigue refuse de commenter son limogeage, « une décision discrétionnaire du gouvernement », dit-il. Il se défend aussi d’être « violemment anti-israélien ». « Je pense seulement que la paix au Proche-Orient passe par l’application du droit international. Est-ce un délit ? » demande-t-il.
Bruno Guigue souligne qu’il fait « des analyses géopolitiques depuis dix ans ». « Je le fais en dehors de mes fonctions. Je le fais sans les mentionner et en dehors du département où sont mes fonctions. Il s’agit d’une matière qui n’a rien à voir avec l’activité professionnelle qui est la mienne et les responsabilités que j’exerce localement », plaide-t-il.
Il affirme être « le premier surpris par la médiatisation excessive de cette affaire ».
Le préfet de Charente-Maritime, Jacques Reiller, a justifié le limogeage de Bruno Guigue en expliquant que « toute la fonction publique repose sur un devoir de réserve, une obligation de neutralité ».


Du « devoir de réserve »

Jean-Claude Lefort, député honoraire, a écrit une tribune libre, publiée le 1er avril sur Oumma.com sous le titre « Affaire Guigue : du devoir de réserve au droit réservé », d’où est tiré l’extrait suivant :

(...) « Le “devoir de réserve” est (...) nécessairement valable pour tous ou n’est pas. Or il n’est pas. Je prendrais deux exemples récents pour le démontrer.
Le premier concerne le préfet du Val-de-Marne, M. Tomasini, qui en octobre 2006 est face au problème du “squat” des “1000 de Cachan”. L’imitateur Gérard Dahan, se faisant passer pour Philippe de Villiers, l’appelle au téléphone le 3 octobre. Le préfet le prend aussitôt au fil et, entre autres choses, lui dit que les « squatteurs » veulent « reconstituer un village africain en plein Paris ». Il ajoute sans ambages : « Ce sont principalement des Maliens et des Ivoiriens. Ces gens-là tuent des gens chez eux, mais ils nous donnent des leçons ». Le faux Philippe de Villiers s’interroge s’il ne pouvait pas tout de même prendre la défense des parents d’élèves.
Le préfet le stoppe. « Il faut savoir, dit-il, que les parents d’élèves tous sont membres de la FCPE qui est entre les mains du Conseil Général qui est communiste ici. Et si vous communiquez en disant « les pauvres parents d’élèves, les pauvres enfants », bon oui, mais vous faites le jeu de la FCPE et donc des communistes ». Ses propos ont fait le tour des radios et des médias. Interrogé sur la réalité de ceux-ci le préfet Tomasini confirmait et assumait. Je me souviens avoir écrit aussitôt au Premier Ministre de l’époque pour lui demander de révoquer le préfet qui tenait des propos qui sentaient le racisme et qui avait une position politique partisane absolument contradictoire avec son « devoir de réserve » et de neutralité.

Le préfet du Val-de-Marne est toujours en place à ce jour... Et vous allez voir qu’il sera nommé préfet de région un de ces quatre....

Second exemple. Un Français, député européen, M. François Zimeray, a mené, et ceci durant plusieurs années, une véritable campagne combinée à des actes « violemment anti-palestiniens » au Parlement européen. Au point que son parti (le Parti socialiste) ne l’a pas représenté, pour ces motifs précis, aux élections européennes suivantes. Il a continué néanmoins son action dans le même sens avec des moyens conséquents d’origine « non contrôlée », si l’on peut dire. Et voilà que tout récemment ce monsieur vient d’être nommé en Conseil des ministres “Ambassadeur des Droits de l’Homme” sur proposition de rama Yade.
Il aurait dû se taire et ne plus parler à titre personnel à partir de là. Mais, non ! Devant la décision de le nommer à ce poste, compte tenu de son profil, des voix se font entendre vers les pouvoirs publics. Et M. Zimeray, ayant rang d’ambassadeur cette fois, répond de manière publique qu’il maintient ses positions antérieures qualifiables, encore une fois, « d’anti-palestiniennes extrêmes ». A peine est-il nommé qu’il déroge à son « devoir de réserve », et cela une semaine tout juste avant que n’éclate « l’affaire Guigue ». Est-il pour autant sanctionné ? Aucunement.
Il est toujours ambassadeur des Droits de l’Homme...

Un préfet, un ambassadeur. Leur niveau hiérarchique ne fait pas de doute : ils sont formellement tenus au « droit de réserve ».
Et pourtant, dans ces deux cas, aucune sanction d’aucune sorte n’est venue, ni du ministère de l’Intérieur ni de celui des Affaires étrangères. (...) »

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