DÉVELOPPEMENT DURABLE

Renouveler les rapports entre le Nord et le Sud

15 janvier 2005

Nous reproduisons ci-après le message prononcé hier au nom de la Commission de l’océan Indien (COI) par Paul Vergès, membre du conseil de la COI et président du Conseil régional de La Réunion. En ouverture de son discours, Paul Vergès a exprimé sa solidarité aux victimes des raz-de-marée du 26 décembre dernier.

(Page 6)

"C’est à la fois un honneur et une responsabilité pour moi de m’adresser à votre assemblée au nom de la Commission de l’océan Indien dont la France assure, pour quelques jours encore, la présidence, avant de la céder à Madagascar.
Notre organisation intergouvernementale de coopération régionale réunit des États ayant l’usage du français en commun et qui en raison de leur géographie, de leur histoire commune et de leur culture, ont choisi d’agir ensemble et solidairement, dans le respect des principes du Plan d’action de la Barbade, pour faire face aux défis auxquels ils sont confrontés.
Au-delà de la différence de nos statuts, nous sommes tous issus de la colonisation et, à ce titre, nous voulons également apporter une contribution originale au renouvellement des rapports entre le “Nord” et le “Sud” dans le nouveau cadre global de la mondialisation.
Nos îles - les Comores, La Réunion, Madagascar, Maurice, les Seychelles - ne font pas toutes partie du groupe des “Petits États insulaires en développement”, mais toutes ont en commun la vulnérabilité particulière qui caractérise les “Petits États insulaires en développement”.
Il est donc légitime que la Commission de l’océan Indien apporte une forte contribution à la mise en œuvre du Plan d’action de la Barbade. Elle le fait en développant des programmes répondant, pour chacun d’entre eux, aux problématiques spécifiques des États insulaires vulnérables, dans le domaine de la préservation des ressources marines et côtières, de la pêche ou de la santé par exemple. Elle le fera plus encore en assurant également, à la demande des Nations-unies, la coordination des États insulaires de la région “Méditerranée, Atlantique, océan Indien et Sud de la mer de Chine”.

SIDA : une plate-forme de solidarité

Nous éprouvons, dans cet océan Indien en pleine renaissance, l’impact des grandes mutations et des grands défis auxquels l’Humanité est confrontée à l’aube du siècle qui s’ouvre.
Nous sommes concernés par les changements climatiques. Notre caractère insulaire et notre situation géographique dans la ceinture intertropicale nous exposent directement à leurs conséquences. Nous souhaitons donc prendre une part active à la prévention des risques et des catastrophes naturelles. Une première réponse a déjà été apportée à travers des programmes développés dans le domaine de la météorologie et de la sécurité civile. Des efforts restent aujourd’hui à faire pour concevoir et bâtir un aménagement du territoire tenant compte de ces risques.
Nous sommes également touchés par les grandes pandémies et notamment l’expansion du SIDA dans les pays d’Afrique. Avec le soutien d’ONUSIDA et de la Banque africaine de développement, la Commission de l’océan Indien a pris une initiative régionale pour offrir aux malades de la région une plate-forme de solidarité. Les moyens et les compétences particulières dont bénéficie La Réunion sont un atout supplémentaire.
Nous vivons comme la majorité des pays en voie de développement, le phénomène de la transition démographique. Nous sommes aujourd’hui une communauté de 5 îles représentant environ près de 20 millions d’habitants. En 2025, nous serons plus de 35 millions. Ce facteur démographique est encore sous-estimé à l’échelle planétaire. Il doit être pourtant un élément de définition des politiques d’aide au développement.
Nous subissons de plein fouet l’impact de la mondialisation. Dépendantes souvent d’un nombre limité de produits, la vulnérabilité de nos économies en est accrue. Tout en favorisant le processus d’intégration économique régionale et en développant des programmes d’appui au secteur privé, il est impératif de prendre en compte les intérêts de nos petites économies dans le processus des négociations commerciales de l’Organisation mondiale du commerce. Comment, par exemple, Maurice pourrait-elle faire face dans le même temps au démantèlement de l’accord multi-fibres dans le textile et à la réforme du marché du sucre ? Comment ne pas s’inquiéter de la remise en cause de l’accès préférentiel du thon des Seychelles sur le marché européen ?

Défendre nos identités culturelles

Un autre enjeu décisif pour notre développement est celui de l’accès aux nouvelles technologies. Le fossé Nord-Sud ne doit pas produire une nouvelle inégalité, la fracture numérique. Sur ce plan, le raccordement de Madagascar et des Comores au câble sous-marin de fibre optique SAFE est un chantier prioritaire, pour éviter la marginalisation de nos îles.
La biodiversité de nos îles représente un atout inestimable. La richesse de la faune et de la flore est un apport considérable au patrimoine naturel de l’Humanité qu’il faut reconnaître et valoriser. Il en est de même des richesses océanographiques. C’est aujourd’hui un axe prioritaire pour la Commission de l’océan Indien.
Enfin, face aux dangers mortels de l’uniformisation, nous avons la conviction de pouvoir apporter notre contribution originale à la diversité culturelle, à partir de nos caractéristiques propres et irréductibles. Les créations de l’homme méritent autant d’être sauvegardées que les espèces endémiques. Nos îles de l’océan Indien ont chacune fécondé des modèles de diversité culturelle qui participent à la richesse de la culture créole. Nous avons la conviction que la défense de nos identités culturelles est une condition inséparable du développement durable.

Être entendu par la communauté internationale

Nous avons conscience que nous ne pourrons relever tous ces défis que si la voix des Petits États insulaires et vulnérables, dans leur diversité et leur communauté d’intérêts, est entendue par la communauté internationale.
C’est dans cet esprit que la Commission de l’océan Indien se réjouit d’avoir pu s’exprimer lors de ce sommet mondial et d’avoir également soutenu les forums des jeunes et de la société civile organisés dans ce cadre.
Sa détermination est totale pour mettre en œuvre le Plan d’action de la Barbade et, ainsi, défendre et valoriser le patrimoine commun de ses membres".

En conclusion de ce message, Paul Vergès a déclaré : "L’appel aujourd’hui de Maurice, va passer d’océan en océan et sera désormais le programme mobilisateur de nos volontés".


Mais que fait RFO ?

Hier soir dans son journal, RFO-Télé a réussi le tour de force de ne diffuser aucun extrait de l’intervention que Paul Vergès a prononcée au nom de la Commission de l’océan Indien. Pourtant, la Conférence des États insulaires se déroulait à Maurice, c’est-à-dire chez nos voisins les plus proches, et RFO-Télé a envoyé une équipe couvrir la conférence.
On peut également noter que le service public de l’audiovisuel mauricien, la MBC, a retransmis ce discours. Mais hier, rien dans le journal de RFO-Télé, alors qu’un élu réunionnais intervenait au nom de la COI dans une conférence internationale réunissant une cinquantaine de pays et de nombreux chefs d’État et de gouvernement, ce qui constituait un événement de caractère exceptionnel.


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