“L’Hebdo” de RFO et les attentes de l’Outre-mer

Pour un Plan de développement adapté

13 juin 2005

Walles Kotra et Jérôme Poidevin recevaient à la fin de la semaine dernière, dans “l’Hebdo”, émission de RFO-Paris, trois députés des Antilles et de La Réunion pour un débat sur les besoins et les attentes de l’Outre-mer après le référendum sur le projet de Traité constitutionnel européen et le changement de gouvernement. L’urgence d’une concertation autour de solutions adaptées aux sociétés de l’Outre-mer et à leurs problématiques est revenu comme un leit-motiv dans les échanges.

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Plusieurs reportages de la rédaction de RFO ont complété les interventions des députés présents sur le plateau de “l’Hebdo” diffusé hier matin sur Tempo : Louis-Joseph Manscour, député-maire socialiste de la Trinité en Martinique, René-Paul Victoria, député-maire UMP de Saint-Denis de La Réunion, et Paul Vergès, président de l’Alliance d’Outre-mer, qu’il représente au Parlement européen.
Avec eux, George Pau-Langevin, déléguée Outre-mer à la mairie de Paris, a parlé au nom de "la 5ème région d’outre-mer", l’Ile-de-France. Dans cette région, vivent de très nombreux Antillo-Guyanais et Réunionnais, dans des conditions le plus souvent très difficiles, comme l’a fait remarquer la collaboratrice de Bertrand Delanoe. "Il est urgent de répondre à leurs attentes", a-t-elle déclaré.

Convergences de vues

Trois grandes thématiques ont organisé le déroulement de l’émission : les relations entre les RUP (régions ultrapériphériques) et l’Union européenne, le nouveau gouvernement et ce qu’il inspire aux élus de l’Outre-mer, et enfin “Quelle politique pour l’Outre-mer ?”.
Et sur ces trois grands thèmes, il faut souligner plusieurs convergences de vues des élus, présents sur le plateau de RFO-Paris ou interviewés, tous partis confondus. C’est là une donnée identitaire forte de l’Outre-mer.
Tout au plus pouvait-on percevoir dans les propos de René-Paul Victoria, député UMP, une confiance spontanée envers le gouvernement de Villepin, sans doute dictée par ses sympathies politiques. Mais celles-ci ne l’ont pas conduit pour autant à tenir des propos lénifiants sur la situation que connaissent les régions d’Outre-mer. Le chômage structurel et les nombreuses difficultés économiques auxquels ces régions sont confrontées ont inspiré des propos d’une courtoisie plus circonspecte aux représentants socialistes et communistes dans les différents reportages de l’émission. Mais sur le fond, tous ont souligné l’extrême gravité des problèmes posés à nos régions.

"Nous ne faisons pas que recevoir des fonds"

Les relations entre les régions ultrapériphériques européennes et l’Union des “Vingt-Cinq” ont été pour l’Outre-Mer un temps politique fort de la semaine dernière, avec la rencontre, le 7 juin, de la Conférence des RUP et du président de la Commission européenne, Manuel Jose Barroso. Le message de l’Outre-Mer a été unanime : nous ne sommes pas des mendiants, nous ne faisons pas que recevoir des fonds et nous avons un rôle à jouer dans notre environnement en tant que région européenne, dans des relations de co-développement avec les pays voisins.
Cette posture programmatique et active des élus d’Outre-mer rencontre dans les faits de sérieuses difficultés, liées aux contextes économiques, ainsi que l’a évoqué Walles Kotra, en mentionnant les rendez-vous de juin sur l’OCM-Sucre et sur le budget de l’Union.
Les fonds structurels européens, dont le président Barroso confirme aujourd’hui la diminution, soutiennent dans tout l’Outre-mer d’importants programmes d’équipements structurels. C’est pour s’en faire une idée plus précise que la commissaire à la politique régionale, Danuta Hubner, participera en septembre à la 11ème Conférence annuelle des RUP. Paul Vergès, qui a la charge d’organiser cette rencontre à La Réunion, en a eu confirmation par le président de la Commission européenne, lors de la rencontre du 7 juin.

Co-développement et politique de paix

Mais l’Outre-mer apporte aussi à l’ensemble européen une présence planétaire et des atouts inestimables : la base spatiale de Kourou (Guyane), une présence sur tous les océans et une diversité biologique qui représente 90% de l’apport européen, a souligné notamment Paul Vergès, mais aussi le socialiste Victorin Lurel, depuis la Guadeloupe.
Paul Vergès a aussi évoqué à ce propos le contenu de la discussion politique qu’il a eue avec les élus européens de la commission agriculture du Parlement et la “blessure” faite à la dignité réunionnaise par tous ces discours sur la dépendance financière de l’Outre-mer et les comportements obligés que certains croient pouvoir en obtenir.
Selon l’élu de l’Alliance, la non prise en compte de ce que les RUP apportent à l’Union "a été pour beaucoup dans les 60% de “non”" au traité européen, en plus de tous les défauts intrinsèques qu’on pouvait lui trouver. Et d’ajouter : "Nous avons à nous battre pour nous faire respecter".
Pour René-Paul Victoria, l’Outre-mer a un rôle majeur à jouer dans les relations de co-développement avec ses voisins et il s’efforce de faire valoir la "position privilégiée" de La Réunion au sein du groupe d’amitié parlementaire France-Madagascar.
Un autre aspect essentiel du rôle des RUP soulevé par Paul Vergès, en ce qui concerne l’océan Indien, est celui lié à la présence d’une francophonie forte, dans une région que les Américains utilisent comme leur base arrière dans la guerre qu’ils ont déclarée à l’Islam, sous prétexte de lutte anti-terroriste. Et là aussi, l’interculturalité des peuples de l’océan Indien peut faire beaucoup pour la préservation de la paix.

Se concerter sur des mesures adaptées

La suite de l’émission a permis aux élus d’Outre-mer de donner leur perception du gouvernement de Villepin et de ses orientations, puis de dire quelle politique ils veulent pour l’Outre-mer. (voir encadré) Pour le socialiste Louis-Joseph Manscour, il est difficile de parler de "changement de politique" dans un gouvernement dont 21 des 33 ministres viennent du gouvernement précédent.
Quant à l’affichage gouvernemental, en matière "d’égalité des chances" et d’intégration, le reportage montrant l’arrivée du nouveau ministre délégué à l’égalité des chances, Azouz Begag, est venu souligner les différences de niveaux d’intégration dans la société française et dans celles d’Outre-mer.
"C’est un reportage impensable chez nous", a exposé Paul Vergès, évoquant le "retard d’intégration" qu’il vient souligner dans la société française mais aussi les "mystérieux obstacles" mis, depuis la France, sur le parcours des jeunes diplômés originaires de l’Outre-mer dès lors qu’ils veulent accéder aux responsabilités dans leur pays.
"La devise “Liberté-Égalité-Fraternité” a encore besoin d’être soutenue pour entrer dans les faits", a constaté pour sa part René-Paul Victoria.
Mais au-delà de ces obstacles, il faut aussi voir les atouts de l’Outre-mer et "voir l’avenir" comme y a invité Paul Vergès, en soulignant ce que le niveau de formation de la jeunesse d’Outre-mer peut apporter au co-développement avec les pays les moins avancés, qui en général partagent avec nous une forte tradition orale.

P. David


Les élus de l’Outre-mer et la politique de Villepin

Le “Dossier” de “l’Hebdo” a porté sur l’orientation de la politique de Villepin, dont on a réentendu un extrait du discours de politique générale devant l’Assemblée nationale. "Solidarité et initiative, protection et audace : c’est le génie français... (...)" et, quelques poignées de secondes plus tard, "l’Outre-mer apporte à notre pays l’amitié du proche et le sel du lointain". Une formule joliment tournée, quoiqu’un peu courte pour un discours de politique générale.
Au-delà des appréciations générales, tout l’Outre-mer est tombé d’accord pour dire :
1 - les dispositifs prévus pour la France sont inadaptés à nos problèmes et ne peuvent suffire ;
2 - il faut une concertation pour un partenariat avec ceux qui sont confrontés aux problèmes de l’Outre-mer.
On verra très rapidement si le message est passé puisqu’une interview du ministre François Baroin annonce sa venue en Guyane du 16 au 20 juin, puis peut-être en juillet à La Réunion, à l’occasion du voyage que doit faire le président Chirac à Madagascar.

Un risque de dérapage

Interrogé de façon plus pressante sur les propositions des élus d’Outre-mer, Paul Vergès a donné en quelques phrases les orientations de la collectivité qu’il dirige pour soutenir l’emploi : c’est la politique de la compagnie aérienne Air Austral, passée de 250 à 600 emplois avant la fin de l’année 2005 et dont le “plan de développement” table sur 1.000 emplois dans un avenir proche ; ce sont les emplois dans les NTIC ou les Énergies renouvelables, dont le président de la technopole rappelait, en clôture de l’UCOI, "qu’un emploi technologique induit six emplois dans les services" ; c’est encore la politique des grands chantiers, évoquée par les deux élus de La Réunion.
René-Paul Victoria a lui aussi souligné la qualité de la formation des jeunes d’outre-mer et un "seuil de création d’emplois très important mais insuffisant". Il appelait en conclusion à l’élaboration d’un Plan de développement préparé par et pour l’Outre-mer, pour ne pas rester "seulement sur les dispositifs du gouvernement" : "Nous avons une transition démographique à accomplir", a-t-il souligné à son tour.
"Tôt ou tard, nous aurons un dérapage", a appuyé Paul Vergès, pour faire comprendre que les dispositifs nationaux ne peuvent suffire. "Je dis au gouvernement : vous ne pouvez pas continuer comme ça ; alors discutons", a ajouté le président de la Région. "Il est tard, il est très tard", a-t-il répété à ce gouvernement, comme il l’a dit aux gouvernements socialistes depuis le séisme politique de 91-92.
"Nous ne pouvons nous en sortir qu’avec la solidarité de la France et de l’Europe. (...) Nous ne faisons de procès d’intention à personne ; qu’on ne nous en fasse pas non plus", a dit en conclusion de député de l’Alliance.

P. D.


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