Sommet de Bruxelles

Les Vingt-Cinq à pied d’œuvre

17 juin 2005

Le Conseil européen, qui réunit les chefs d’État et de gouvernement de l’Union, s’est ouvert hier à Bruxelles, dans un climat de morosité, lié à la fois au rejet du projet de traité constitutionnel dans deux des six pays fondateurs et à la bataille sur le budget de l’Europe élargie pour la période 2007-2013.

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Sur le projet de budget européen pour les années 2007 à 2013, le président en exercice de l’Union, le Premier ministre luxembourgeois Jean-Claude Junker, a présenté, mercredi 15 juin, un ultime projet de compromis. "La situation est extrêmement difficile, mais il vaut la peine d’essayer d’aller au bout, car nous ne sommes pas si loin de trouver la quadrature du cercle", estimait une diplomate luxembourgeoise, mercredi.
La bataille s’annonce très rude sur le volet "ressources" du budget. Les Britanniques ne veulent pas entendre parler d’une remise en cause du rabais dont ils disposent depuis 1984 sur leur contribution. Celui-ci avait été accordé notamment parce que Londres bénéficiait peu de la politique agricole commune (PAC). Le maintien du rabais conduirait les Britanniques à ne pas avoir à payer pour l’élargissement de l’Union, ce fardeau revenant pour des raisons techniques à la France et à l’Italie.
Pour amadouer Londres, Jean-Claude Juncker suggère de geler ce rabais à son niveau actuel à 4,6 milliards d’euros. Il renonce au dispositif de réduction progressive proposée initialement, mais jugé "inacceptable" par les Britanniques. Ce rabais serait remis en cause définitivement après 2013, lorsque la PAC sera, elle aussi, revue complètement. Le document luxembourgeois précise ainsi que tout changement sur le rabais après 2013 "dépendra en particulier de l’évolution des dépenses de marché et des aides directes à l’agriculture".
Cette clause pourrait susciter l’opposition de la France, qui entend défendre les aides accordées aux agriculteurs.
Sur la masse du budget, les fronts ont bougé. Fin 2003, six pays (France, Allemagne, Royaume-Uni, Pays-Bas, Suède, Autriche) avaient exigé de limiter le budget à 1% du produit intérieur brut (PIB) européen. Mais Paris et Berlin veulent absolument un accord pour faire sortir l’Europe de l’ornière et acceptent la proposition luxembourgeoise de monter à 1,06 % du PIB.

Le projet de Constitution
en question

Avant d’aborder les questions budgétaires, les chefs d’État et de gouvernement devaient débattre, hier soir, de l’avenir du projet de Constitution. La question posée aux Vingt-Cinq est d’abord de savoir s’ils choisissent d’entériner l’abandon du traité constitutionnel, en décidant de mettre fin à la procédure de ratification, ou de lui laisser une chance, en invitant les pays qui ne l’ont pas encore ratifié à se prononcer comme ils l’avaient prévu.
Les Vingt-Cinq pourraient admettre, que la mise en œuvre de la Constitution reste leur objectif, mais qu’une période de réflexion est nécessaire pour analyser le message des électeurs et tenter de répondre, comme l’a dit, mercredi, José Manuel Barroso à "leurs interrogations légitimes". Pour le président de la Commission, ce temps de réflexion doit s’accompagner d’une "pause" dans la procédure de ratification.
Il a lancé hier un appel solennel "au sens des responsabilités" des dirigeants européens pour qu’ils parviennent à un compromis sur le budget européen 2007-2013.
"Tout le monde doit bouger de manière à ce que tout le monde soit content à la fin", a-t-il ajouté. "C’est très difficile mais c’est possible", a-t-il conclu.


An plis ke sa

o Irlande : le “non” en tête dans les sondages
Les “non” français et néerlandais se propagent en Europe. Ainsi, si un référendum sur le projet de constitution était organisé ces jours-ci en Irlande, les électeurs voteraient contre : selon un sondage rendu public mardi par “Irish Times”, 35% des sondés affirment qu’ils rejetteraient le texte, contre 30 % qui l’approuveraient ; 35 % des électeurs interrogés se déclarent toujours indécis ou sans opinion.

o Marie-George Buffet : porter le “non" au sommet
La secrétaire nationale du PCF, Marie-George Buffet, a exhorté mercredi Jacques Chirac et le gouvernement à porter "avec toute la force requise" la "voix de la France (...) qui a dit “non" au Traité constitutionnel européen”, sous peine de commettre "un déni de démocratie".
"Le peuple français s’est prononcé. La signature de notre pays doit donc être retirée au bas du document officiel. Il s’agit du premier geste à produire et il ne tarde que trop à venir", a poursuivi la secrétaire nationale, lors du débat sans vote à l’Assemblée nationale consacré au dossier européen avant le sommet de Bruxelles.
Elle a demandé au gouvernement de plaider "la suspension immédiate des directives inscrites à l’agenda de Lisbonne", ainsi que celles "imposant la mise en concurrence des services publics, celle sur les sites portuaires et celle sur la libéralisation du fret ferroviaire".
"Vous devez, a-t-elle ajouté, arrêter immédiatement la casse du service public de l’énergie et renoncer à la privatisation de Gaz de France".
Estimant que "le 29 mai ne pouvait être mis entre parenthèse", Mme Buffet a critiqué vivement les projets du gouvernement Villepin, que cela soit sur l’emploi avec le contrat nouvelle embauche ou la politique d’immigration avec les quotas. "Vous prenez ainsi de lourdes responsabilités, en choisissant de gouverner contre le peuple", a-t-elle conclu.

o Fabius pour "une relance coordonnée et solidaire de l’économie européenne"
Le député socialiste de Seine-Maritime Laurent Fabius a prévenu hier qu’"il ne faut pas faire porter au “non” le chapeau des difficultés préexistantes" de l’Union européenne. "Les lourds problèmes budgétaires actuels existaient avant le débat sur la Constitution et indépendamment de lui", souligne Laurent Fabius dans "Le Parisien/Aujourd’hui en France".
Ce tenant du “non” estime que "les votes récents ne sont qu’un révélateur" de la crise européenne, avance l’ancien Premier ministre. "Il faut donc clarifier la vision européenne et remettre un pilote dans l’avion".
"Jacques Chirac donne le sentiment d’aller à Bruxelles seulement avec une calculette : il devrait y aller avec une ambition européenne", lance Laurent Fabius.
Face au rejet de la Constitution européen, le député socialiste propose de "laisser voter ceux qui le souhaitent et fixer une date pour le bilan d’ensemble". "La partie III est très contestée et contestable : elle doit être profondément rediscutée et n’a pas à figurer dans la Constitution".
"Enfin, j’attends du gouvernement français qu’il demande le retrait des directives critiquables comme Bolkestein et qu’il agisse fortement pour une relance coordonnée et solidaire de l’économie européenne, c’est cela la clé", conclut-il.

o Manifestations unitaires pour faire "respecter le non" au référendum
Quelque trente organisations, ayant toutes milité pour le “non” au référendum sur la Constitution européenne, ont appelé à manifester hier dans toute la France pour exiger du Conseil européen réuni à Bruxelles qu’il "respecte le choix majoritaire des Français".
Dans un communiqué publié mardi, les organisateurs, une trentaine d’organisations politiques (PCF, LCR), associatives (Attac, Fondation Copernic) et syndicales (Confédération paysanne, Solidaires, Unef) et tous les collectifs du non de gauche (Appel des 200), lancent un appel à des "manifestations unitaires pour une Europe démocratique et sociale".
Les Verts, qui faisaient officiellement campagne pour le oui au référendum sur la Constitution européenne, participeront à cette manifestation mais n’ont pas signé l’appel lancé par les organisateurs.
"Ensemble, ne nous laissons pas voler notre victoire", demandent les organisateurs, "mobilisons-nous pour faire vivre l’espoir du 29 mai.
Nous ne laisserons pas les discussions se mener sans nous"
, affirment-ils, "Nous en avons assez de voir le choix du peuple français caricaturé et méprisé", ont-ils ajouté à l’attention des chefs d’État et "nous exigeons qu’il soit respecter et entendu".

o Mélenchon pour la mise en route d’un "processus constituant"
Le sénateur socialiste Jean-Luc Mélenchon, partisan du “non” à la Constitution européenne, a plaidé hier pour "la mise en route d’un processus constituant démocratique" afin d’établir un nouveau traité constitutionnel.
Après le rejet par la France et les Pays-Bas du texte de la Convention sur l’avenir de l’Europe, "il faut que nous ayons la lucidité de dire que ce chemin n’a pas marché, mais que nous voulons l’Europe et une Constitution européenne", a-t-il dit sur France Inter. "Alors, mettons en route un processus constituant".
Selon Jean-Luc Mélenchon, ce processus peut être "confié au Parlement européen qui a une légitimité" ; ou bien "on demande aux gouvernements de prendre des dispositions pour qu’il y ait ce processus constituant démocratique. Nous sommes en danger de voir la construction européenne être interrompue", a estimé le sénateur PS. "Il faut remettre la marche en avant", a-t-il dit.


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