Devant les signes évidents d’une grave crise sociale

Paul Vergès en appelle à un sursaut des politiques

12 juillet 2005

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"Il faut dire la vérité, faire face à ses responsabilités d’élus et s’engager ensemble à élaborer un plan de développement durable". C’est par ces mots que Paul Vergès a résumé aux journalistes de l’audiovisuel plus de deux heures d’une conférence de presse qui leur avait fait faire le tour des contradictions entre Européens et même le tour du monde avec le G8 et la récente conférence de l’Observatoire sur les effets du réchauffement climatique (ONERC). Au final, c’est la société réunionnaise qui va recevoir les chocs correspondant à ces signaux de crise.
Paul Vergès n’a pas laissé passer l’occasion de répondre aux détracteurs de la Région qui, lors de l’assemblée générale de la FDSEA, ont cru opportun de rompre le front constitué pour la défense de la filière anne/sucre. "Des irresponsables", a-t-il dit en réaffirmant la nécessité d’une "solidarité totale". "Il n’y a pas de planteurs sans les usiniers et pas d’usiniers si les planteurs disparaissent", a-t-il dit au terme d’une démonstration faisant apparaître que cette solidarité de raison ne fait pas disparaître les conflits d’intérêt que les uns et les autres vont traverser du fait de la réforme.
L’aspect social le plus grave de la réforme de l’OCM Sucre est la menace de ruine qu’elle fait peser sur "plusieurs milliers de petits planteurs", a réaffirmé hier Paul Vergès pour qui il n’est plus temps de tergiverser.
"Tout tient en quelques chiffres", a-t-il dit en les énumérant. Le prix payé aux producteurs de sucre va passer pour le sucre blanc de 631,90 euro/T à 385,50 euros dans 4 ans. Pour le sucre brut, la baisse va se faire entre 523,70 euros payés actuellement et 319,50 euros en 2009-2010. Pour les planteurs de betterave, le prix payé va passer de 43,63 euros à 25,05 euros. "Ce sont les chiffres émanant d’une décision du Conseil prise en novembre 2004", a-t-il poursuivi. Et si le Conseil n’a pas fixé de prix pour la tonne de canne, c’est parce que celui-ci est toujours issu de négociations de l’interprofession. "Une chance", a souligné Paul Vergès, parce que cela va permettre de renégocier en faveur des planteurs leur droit de propriété sur l’ensemble des sous-produits de la canne. Ils en ont été dépossédé par un accord Fédécanne/Syndicat des Fabricants de Sucre de 1969, lors d’une précédente étape de la construction européenne.
Cette fois-ci, la situation étant plus défavorable aux planteurs qu’aux usiniers - qui ont plus de marge et peuvent faire des ajustements "entre la baisse du prix du sucre et celle du prix de la canne" - le président de Région a fait la démonstration que la "solidarité" entre planteurs et usiniers passait par un nouveau partage des sous-produits de la canne. Les planteurs, eux, n’ont que la compensation pour s’en sortir. Ils la veulent intégrale, mais la dernière réunion de la CPCS n’a laissé aucun doute sur le fait que la Commission se refuse à accepter, comme un trait de notre spécificité de producteur de sucre insulaire éloigné, la nécessité d’un traitement dérogatoire.
La conséquence "est inscrite dans les chiffres", a répété Paul Vergès : la compensation va être forfaitaire et tous les autres prix vont augmenter. "C’est la mise en place du piège : il y a un effet de ciseaux avec un élément fixe, qui est la compensation, et des éléments variables (les intrants, l’irrigation...), en augmentation. Si on reste dans ce schéma, des milliers de planteurs petits et moyens vont être ruinés. Dans l’état actuel des choses, cette ruine est programmée. La seule façon de les sauver est de revoir le partage de la totalité des sous-produits de la canne", a proposé le président de Région. Un audit sera demandé à l’Etat, pour qu’il apprécie "tout le cheminement de la production de la canne : ce qui revient aux usiniers et ce qui revient aux planteurs".
C’est une réponse de justice à ceux qui disent déjà, ici, que le prix de la tonne de canne devrait baisser aussi pour suivre celui de la betterave ! "Cela n’a rien à voir", a protesté le président de la Région. "On ne tire de la betterave ni rhum, ni bagasse, ni mélasse..."
Et cette réponse de justice est laissée à l’appréciation des partenaires réunionnais : c’est la chance que nous avons pour sauver la filière, car pour Paul Vergès, il n’y a aucune concession à attendre des pays européens.
Ainsi, cinquante ans après la bataille de Quartier-Français, Paul Vergès a retrouvé hier ses accents de 1955 pour appeler à une très large mobilisation et à une solidarité de tous envers les planteurs les plus menacés.
Si cette bataille est, de loin, celle dont la portée est la plus conséquente, elle n’est pas la seule (voir encadrés). Le président de la Région a étendu son appel à la solidarité aux salariés précaires des collectivités (CES, CEC), aux “contrats d’avenir”, aux jeunes confrontés aux problèmes de continuité territoriale et à toutes les personnes - membres de la communauté scolaire, membres d’associations, élus des collectivités et concitoyens - qui vont à un moment ou à un autre subir les conséquences de l’égoïsme budgétaire des pays de l’Union et de la baisse des fonds structurels européens. "Vous verrez ce que sera La Réunion dans 5 ou 6 ans", a-t-il finalement conclu, après un inventaire de tous les signes repérable de “casse sociale”.

Pascale David


Budget européen 2007-2013 : Des conséquences graves partout

Le sujet a été plusieurs fois abordé déjà par le président de Région. Il est revenu hier à propos de la consultation du Luxembourg sur la Constitution européenne. Après le “Non” de la France, le “Oui” du Luxembourg a ravivé le débat et les contradictions au sein de l’Union européenne. Paul Vergès a évoqué "l’affrontement entre deux conceptions" : celle de Tony Blair, qui nie l’existence d’un “modèle social européen” et ne connaît que la “compétitivité” pour se faire entendre ; et celle des pays qui, comme la France et l’Allemagne, veulent un “modèle social” qui protège les producteurs, contre ceux qui veulent mettre fin à toute subvention à la production.
Dans la querelle autour du “chèque anglais” (4,7 milliards d’euros gardés par les Britanniques), les polémiques enflent sur la question des politiques de subvention. Polémiques encore dans le débat sur les fonds structurels et les régions “d’objectif 1”. "Les fonds structurels baisseront d’au moins 20% dans le prochain Docup de La Réunion", a estimé Paul Vergès en prenant date avec les journalistes.
Mises en cohérence, ces restrictions budgétaires vont avoir des conséquences sur plusieurs aspects de la vie réunionnaise : elles pèsent sur les moyens que la Région peut mobiliser pour rétablir un équilibre entre les jeunes qui veulent partir grâce à la continuité territoriale ; sur la construction des lycées ; sur les équipements en faveur des communes. Elles vont peser à terme aussi sur la politique de l’emploi, en réduisant les investissements de la collectivité. La Région est à l’origine, directement ou indirectement, de plusieurs milliers d’emplois dans les secteurs des routes et du Bâtiment, des NTIC, des transports... "Nous créons plus d’emplois pérennes que les autres (collectivités) ne créent d’emplois précaires", a noté Paul Vergès.

Emplois précaires : Appel à la responsabilité des élus

Revenant sur les polémiques déclenchées autour des appréciations d’Ibrahim Dindar (UCL) sur les “contrats d’avenir”, le président de la Région a noté que l’immense majorité des maires UMP exprimaient de sévères réserves sur le dispositif. Il a proposé que l’ensemble des contrats CEC et CES, quelle que soit la durée de leur prolongation, débouche sur l’élaboration, par l’ensemble des élus, d’un plan de développement durable. "On ferait mieux de se serrer les coudes", a commenté le président de la Région.

G8 : Un résultat modeste... mais un résultat

Ce fut la seule vraie bonne nouvelle d’une conférence de presse motivée par les facteurs de crise de la société réunionnaise. L’accord intervenu au G8 sur le réchauffement climatique est, certes, "un résultat modeste". Mais c’est la 1ère fois que le président US signe un accord évoquant le protocole de Kyoto, admettant la réalité du réchauffement climatique et acceptant d’y lier la notion d’activité humaine. Dont acte.

ONERC : Des études par régions en 2006

Après la conférence qu’il a tenue à Paris en présence de cinq grands organismes de défense de l’environnement à l’échelle mondiale, Paul Vergès, président de l’Observatoire sur les effets du réchauffement climatique, a fait circuler l’édition du rapport ONERC publié par la Documentation française.
En 2006, l’ONERC va régionaliser ses données et demander à rencontrer les responsables politiques. Le président de la Région a fait savoir que les autres îles de la COI, soumises aux mêmes effets du réchauffement, participeraient à la rencontre.


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